L Appel de la nuit
498 pages
Français

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L'Appel de la nuit , livre ebook

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Description

La Normandie, sa pluie, ses habitants, sa municipalité véreuse, sa faune en tout genre… Gérald, sa femme et sa fille vont faire connaissance avec la région, découvrir les petits secrets du village. Lentement mais sûrement. Des bruits suspects, une visite de routine des gendarmes qui laisse perplexe, des cauchemars à en perdre la tête… pour commencer. Le pire, après, seulement… Réaliste et déroutante à la fois, une chronique rurale faite de dérapages, tout en ruptures de ton. Pour peindre ce tableau régional virant à l’horreur, Frédérik Zuber joue la carte des fausses pistes, du quotidien qui s’effrite, des repères qui s’envolent, du malaise qui gronde et de la colère qui explose. Une réussite que l’on doit à un suspense maîtrisé et à une galerie de personnages plus vrais que nature.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 55
EAN13 9782748353822
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0101€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Appel de la nuit
Frédérik Zuber L’Appel de la nuit
Publibook
Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55 IDDN.FR.010.0114645.000.R.P.2009.030.40000 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2010
« Et il fera beau demain sur toute la Normandie, Haute et Basse y compris, même si quelques ondées sont à prévoir durant la matinée, ceci dit, sur les côtes de la Manche, mais rien de diluvien si l’on en croit Météo-France. En parlant des températures maintenant… » Gé-rald tourna le bouton de fréquences de l’autoradio : « Car bien entendu nous vivons dans une société où… » Il insista, en prenant garde à la route détrempée par la pluie battante : « dix-huit degrés, à dix-neuf, avec un peu de chance, sur la Basse Normandie, dix-huit sur la Haute-Normandie cet après-midi, températures naturellement en hausse, donc, par rapport à la matinée. Et puis dans le Nord-Pas de Calais, les pluies se calmeront… » Il persista, prenant soin cette fois de ralentir au signalement d’un panneau « chaussée glissante » ou « risque d’aquaplaning » ou quelque chose dans le genre : « Eneur J ! Whoo-ouuuh, meilleure number one, avec Arnaud sur la meilleure des rad… » Brouillis sonores à nouveau, attestant toujours de la recherche de la station idéale : « — Ouais, mouais, mouais. — C’est-à-dire ? — Non mais dites donc ! — Non mais je vous en prie. — Bah alors, qu’est-ce que vous attendez ? — C’t’à-dire ? — Bah allez, quoi ! — Allez quoi quoi ? — Mais y’s’fout d’moi sui-là ! — Pardon ? — Mais c’est qu’y continue ! — Comment ? — Mais c’est qu’y-qu’y-qu’y-qu’y-qu’y continue ! » Gérald faisait maintenant de plus en plus gaffe à cette foutue route, vallonnée et aux virages traîtres, qui sillonnait la campagne Normande. En évitant de justesse un aquaplaning sur une flaque d’eau – longue et profonde comme le Mississipi, il fallait bien le dire – dans un tournant qu’il
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qualifiait intérieurement de « vicelard », il avait loupé quelques répli-ques : « — Non mais écoutez cher ami jamais de la vie ! — Ouais ouais ouais… — C’t’à-dire ? — Bah ça y est, vous y êtes ! — Alors là écoutez je ne… vois pas… — Mais arrêteeeeeez ! — Ah oui, ça y est, en effet ! — C’est-à-dire ? — Et bien que j’baise vot’femme depuis quinze jours ! — Aaah, je l’tiens c’salaud ! Voilà, c’était Eugène et Thierry ! Eu-gène Lémiche et Thierry Graussefesses ! Bientôt au théâtre des deux ânes et en tournée dans toute la France… » Cette fois c’en était trop, il éteignit le poste : « C’est bien des Fran-çais, tiens », commenta-t-il intérieurement en tournant le bouton. La Renault Mégane roulait donc maintenant à allure forcément modérée, compte tenu du dépaysement que procurait la chaussée à cet endroit. Le bruit des essuie-glaces, seule distraction sonore à présent, évoquait celui d’un mâchage de chewing-gum suramplifié. Le véhicule conti-nuait sa route, en roulant au pas évidemment, compte tenu de l’intempérie. Ca, ils avaient bel et bien annoncé de la flotte pour au-jourd’hui, et la sauce était au rendez-vous ! Mais enfin ça allait se calmer en fin de matinée, qu’« Ils » disaient. En attendant, il valait mieux regarder devant soi : Gérald n’avait pas du tout l’habitude de conduire en zone rurale, et s’il s’était aperçu bien vite qu’il fallait se méfier des virages noyés, il se ressaisit en ayant le réflexe de penser à ce qui pouvait arriver en face. Il alluma ses phares pour se mettre en code, même si les pluies commençaient à se tarir et que la visibilité n’était pas si mauvaise. Il les avait pourtant mis sur l’autoroute, au moment du déluge, mais avait eu la présence d’esprit de les éteindre quand il avait arrêté la voiture sur le parking d’Evreville, à quelque chose comme quelques bornes de là. Droit devant, à environ trente mètres, on ne distinguait même plus le macadam, inondé par certai-nement plusieurs centimètres d’eau, et en comptant sur les doigts des deux mains, à en juger. Cette condition le força à ralentir de nouveau, jusqu’à la vitesse de vingt kilomètres heure, appréhendant la traversée le ventre relativement décrispé, mais mains bien au volant. L’eau, brassée par les pneus et battue par les enjoliveurs, émit un bruit qui diffusa une ambiance de fraîcheur. L’immense flaque présente à cet
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endroit était engendrée par la courte mais forte côte qui suivait, asso-cié au caractère vallonné de la chaussée à cet emplacement. Gérald la gravit sans soucis en seconde vitesse, puis, parvenu au faîte de celle-ci, fut immédiatement amené au réflexe d’une nouvelle décélération, serrant en même temps un maximum à droite, pour faciliter un croi-sement avec un véhicule qui venait d’en face, une Clio gris métallisé. La route, si étroite qu’on n’y aurait jamais pu manquer un cycliste avec une carabine de fête foraine, amena les deux conducteurs à qua-siment s’arrêter. Ce qui offrit du temps à Gérald pour réaliser qu’un appel de phares serait d’un civisme bien venu au conducteur pour le prévenir du danger de l’inondation. Ce qu’il fit… en même temps que l’autre chauffeur : de son côté, ça voulait dire « ATTENTION, BOUILLON ! », mais de la part de la gonzesse ou du mec d’en face, c’était plutôt « LES FLICS ! ». Il continua son chemin avec la ferme résolution d’éviter de dépasser le cinquante, histoire d’être sûr de ne pas tenter le diable (il aurait été de toute façon étonné que sur une si petite route, la vitesse fût limitée au-dessus), et environ un kilomètre plus loin, des balises à feux clignotants et un périmètre tracé à la bande plastique annonçaient un accident. Les pompiers, le SAMU et une voiture de gendarmerie faisaient office des principaux accessoires de scène, du moins pour l’instant, car Gérald, en tournant la tête, ne parvenait à distinguer de victime. Il ralentit brusquement, continuant de contourner la zone suivant la direction imposée par un pompier. De nouveau, il tourna la tête à gauche : une voiture était retournée dans le champ, et les pompiers essayaient tout bonnement d’en extraire le conducteur. Un poteau télégraphique était brisé, certainement par la voiture, et gisait dans le champ lui aussi. C’était l’EDF qui n’allait pas tarder à arriver ! À l’instant où il détourna le regard de l’accident pour mieux se concentrer sur son chemin, un pompier, posté sur la gauche au bord de la route, lui indiquait avec des gestes de marionnette de ne pas repartir trop fort, les mains à plat au niveau du ceinturon qui mon-taient et descendaient presque à celui de l’abdomen. Il le vit juste une seconde, le temps de le dépasser, retenant la leçon. Le reste du che-min, moins isolé entre les talus, offrait beaucoup plus de perspective et devenait beaucoup moins sinueux, ce qui permit à Gérald de se calmer un petit peu. La route était en revanche toujours aussi étroite (ou plutôt « chemin », comme il avait envie d’appeler ça, il se disait que c’était certainement parce qu’il venait de la ville : oui, c’était ça, « chemin goudronné »), mais l’eau y était beaucoup mieux drainée et il n’en résultait plus qu’une chaussée mouillée. La pluie aussi se cal-
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mait. Ah, c’était la Normandie. C’est comme ça, la Normandie. « Un pays où qu’y pleut tout le temps » qu’on lui avait dit. Le propriétaire, plus précisément. Celui qui vendait la maison. Celle qu’ils avaient achetée. « Une bonne affaire, c’est mè qui vous l’dit ». Il y repensait avec un certain amusement : « Ay mè qui vous l’dit ». Un accent rigo-lo, comme ça. Ouais. Il souriait. « — Pourquoi tu ris tout seul ? — Hein ? T’es réveillée ma puce ? — Mais je ne dormais pas, je te signale. — Mais tu ne dis rien. — Toi non plus. — Et bien c’est que j’étais particulièrement… Brusque coup de freins ! Un animal traversant devant eux. Un hérisson. Il passa sous les roues. Merde. — Et voilà, premier meurtre de la journée. — Pauvre bête ! Gérald, fais un peu attention… — Oui oh, écoutes, je ne pouvais pas faire autrement, là, il est pas-sé sous les roues, alors… Tu veux peut-être que je fasse demi-tour pour voir ce qu’il a ? — Non merci, ce ne sera pas nécessaire. — je ne crois pas qu’il puisse me le dire de toute façon… ajouta-il, histoire de chercher une réplique au tac-au-tac de sa part, façon théâtre boulevardier. Ça, c’était Jeanne. Sa femme. Et c’était quelqu’un qui aimait les animaux. Étant donné qu’elle mettait du temps à répondre, Gérald se demanda si elle n’était pas choquée (non, sans rire !) par la plaisanterie. Il tourna la tête de son côté, et la vit qui avait les yeux fermés, à demi-comateuse. — Laisse-moi dormir pour oublier, mmmmhhh… » Ah, c’était pas mal, tiens ! « Laisse-moi dormir… pour en faire le deuiiil, bomm-bolommm… », prononça-t-il tout haut d’une voix grave, comme pour essayer distraitement d’en faire le refrain d’une chanson, type crooner, tiens, genre de tic habituel chez lui lorsqu’il était occupé. Mais Jeanne ne répondit pas, déjà rendormie. Jeanne Tausier. Sa femme. Depuis seize ans. Sans accident ni infidélité. Du moins pour lui. « Mais alors elle, j’vous explique pas », imaginait-t-il en pensant à ce qu’aurait pu être une partie du sketch des deux rigolos à la radio. Il se reprit sérieu-sement en sachant bien que non. Elle non plus. Comment ça ? Oh, c’était pas son style, c’est tout. Tous les deux, ils s’étaient connus à la faculté. Il avait vingt ans, elle aussi. Belle histoire. Les deux premières années, pas un n’avait fait attention à l’autre. Ce ne fut que l’année
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