127
pages
Français
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2012
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Ebook
2012
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Publié par
Date de parution
02 avril 2012
Nombre de lectures
22
EAN13
9782894358443
Langue
Français
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Date de parution
02 avril 2012
Nombre de lectures
22
EAN13
9782894358443
Langue
Français
Élodie Tirel
LE PALAIS DES BRUMES
Illustration de la page couverture : Boris Stoilov
Illustration de la carte : Élodie Tirel
Infographie : Marie-Ève Boisvert, Éd. Michel Quintin
Conversion en format ePub : Studio C1C4
La publication de cet ouvrage a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil des Arts du Canada et de la SODEC.
De plus, les Éditions Michel Quintin reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par procédé mécanique ou électronique, y compris la microreproduction, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
ISBN 978-2-89435-844-3 (version ePub)
ISBN 978-2-89435-525-1 (version imprimée)
© Copyright 2011
Éditions Michel Quintin
C.P. 340, Waterloo (Québec)
Canada J0E 2N0
Tél. : 450 539-3774
Téléc. : 450 539-4905
www.editionsmichelquintin.ca
Prologue
Le choc fut brutal. Étourdi et engourdi, Askorias se releva péniblement et regarda autour de lui. Cette quatrième intrusion dans l’autre monde s’était révélée encore plus éprouvante que les précédentes. Mais, heureusement, grâce aux étranges glyphes qu’il avait pensé à tracer sur cette dalle la dernière fois, il n’avait pas atterri sur l’une des terrasses venteuses.
Il laissa s’exhaler un soupir de soulagement et se redressa.
Askorias And’Thriel était sans conteste le nécromancien le plus puissant de Rhasgarrok. Nul autre que lui n’avait côtoyé la mort d’aussi près. Depuis toujours, Outretombe le fascinait, l’attirait, l’appelait.
De longues heures d’étude dans son mausolée, aux confins de la cité souterraine, l’avaient pâli comme un cadavre et émacié comme un squelette, mais ses yeux carmin brillaient d’une flamme bien vivante. Lorsqu’il avait appris que matrone Sylnor, sa petite-fille, cherchait un puissant nécromancien, il n’avait pas hésité. Il avait quitté l’ombre et la solitude pour se mettre au service de la protégée de Lloth.
Il ne le regrettait pas. Grâce à l’aide de la déesse araignée, il avait pu repousser les limites de son pouvoir et atteindre l’inaccessible royaume des morts, le palais des Brumes, le légendaire édifice qui abritait les âmes damnées de ceux qui n’avaient pu devenir des anges. Désormais Askorias avait accès à ce territoire interdit aux mortels.
Mais il avait également appris à ses dépens qu’on ne bravait pas impunément la mort. L’effort psychique fourni était tel que chaque voyage dans l’au-delà l’affaiblissait un peu plus que le précédent et le laissait pantelant et sans force. En fait, il était bien plus facile pour un mage noir d’envoyer une autre personne dans les ténèbres que de s’y aventurer soi-même. Pourtant, toute sa vie, Askorias s’était préparé à ce moment.
Des décennies durant, il avait enrichi sa connaissance du monde des ténèbres. Il avait écumé les bibliothèques les plus secrètes, consulté les ouvrages les plus sombres, mis en pratique les rites les plus démoniaques. En s’astreignant à un ascétisme et à une discipline des plus stricts, il avait enchaîné sans répit les cérémonies occultes, les messes noires et les sacrifices sanglants pour pactiser avec les esprits les plus féroces. Pourtant tous ces efforts l’avaient à peine rendu apte à survivre au passage.
Sa survie, il ne la devait qu’à sa volonté. Seule sa farouche détermination lui permettait de franchir l’ultime frontière et de rester en vie dans le palais des Brumes. Car, si y pénétrer était une chose, côtoyer les morts en était une autre.
Néanmoins, il refusait catégoriquement que quelqu’un d’autre que lui accomplisse la mission que lui avait confiée Sylnor, même si l’aventure avait un prix.
Askorias tendit l’oreille. Aucun son ne lui parvint. Tant mieux ! Il préférait être seul encore un moment avant d’affronter les esprits d’Outretombe. Dans le silence de cette petite salle sombre et oubliée, perdue au cœur d’un royaume dont les mortels ignoraient l’existence, le nécromancien effectua quelques mouvements compliqués. Une gestuelle aussi précise que secrète, répétée des centaines de fois, destinée à duper les défunts en dissimulant son odeur de vie. Ainsi nimbé d’une aura de putrescence, le vieillard squelettique pouvait aisément passer pour l’un des leurs.
Une fois le rite accompli, il se dirigea vers l’unique porte de la pièce. Il l’ouvrit et jeta un coup d’œil prudent au-dehors. N’ayant rien détecté de suspect, il referma soigneusement le battant derrière lui. C’était une règle à laquelle les morts ne dérogeaient jamais. Toujours refermer les portes du palais des Brumes.
Tous ses sens aux aguets, Askorias se mit en route. Il connaissait le chemin et n’hésitait pas à chaque croisement. Pourtant il s’arrêtait régulièrement pour humer l’air, redoutant de tomber nez à nez avec l’une de ses anciennes victimes ou l’un des démons qu’il avait autrefois invoqués. Aussi violentes qu’imprévisibles, ces entités aimaient rarement être dérangées par les mortels. Même si le nécromancien pouvait à présent passer pour mort, il n’était pas à l’abri des représailles d’un démon rancunier.
Car il en allait ainsi dans le palais des Brumes. Si certaines âmes erraient sans but, attendant qu’on leur offre une éventuelle rédemption, d’autres s’alliaient, pactisaient, ourdissaient des complots pour gagner en puissance, nourrissant le secret espoir de devenir un jour maître d’une des tours du palais. Mais ce n’était pas celles-là que craignait Askorias. Il redoutait plutôt les esprits tourmentés qui n’aspiraient qu’à se venger de sévices subis de leur vivant. Et Lloth savait qu’Askorias lui avait offert de nombreux sacrifices !
Le palais était comme une arène gigantesque où le danger pouvait surgir de nulle part, à n’importe quel moment. Même les brumes qui flottaient au-dehors étaient redoutables.
Lors de sa première incursion dans le monde des morts, le nécromancien avait atterri sur l’une des terrasses de l’immense édifice. Il ne s’était pas inquiété des nappes de brouillards filamenteuses qui se mouvaient lentement autour de lui ; il ignorait alors leur véritable nature. Ce n’avait été que plus tard, alors qu’il avait commis l’erreur de laisser une porte entrouverte, que des défunts anciens lui avaient appris que les nuées blanchâtres pouvaient se transformer en redoutables bourrasques et déferler telles des vagues glaciales et implacables, pour tout balayer sur leur passage. Il avait également vu des tourbillons se glisser dans les labyrinthiques couloirs comme autant de tentacules avides, afin de s’emparer de défunts. Ceux qui ne parvenaient pas à leur échapper disparaissaient à jamais dans les limbes cotonneux où flottait le palais. Personne ne savait ce qu’ils devenaient.
Les morts pouvaient-ils mourir une deuxième fois ? Cette pensée fit frissonner le nécromancien. Lors de son deuxième séjour à Outretombe, il avait vu trois de ses alliés, pourtant de robustes démons, aspirés et entraînés vers le néant comme des fétus de paille. La puissance de la tourmente avait été telle qu’Askorias n’avait dû son salut qu’à une porte dérobée qu’il s’était empressé d’ouvrir et de claquer derrière lui. Il n’avait d’ailleurs pas osé la rouvrir, préférant regagner aussitôt le monde des vivants.
Ayant réalisé le danger extrême auquel il s’exposait, Askorias avait inventé maints prétextes pour reculer son troisième périple au royaume des morts. Mais, devant l’insistance de Sylnor, il n’avait pu différer indéfiniment son départ. Par chance, lorsqu’il avait atterri une fois de plus sur la terrasse, il avait bénéficié de la même clémence des éléments. Conscient que ce coup de veine ne se renouvellerait sûrement pas quatre fois de suite, il avait pris ses précautions et gravé sur le sol d’une pièce déserte des signes occultes qui allaient lui garantir une prochaine arrivée en toute sécurité.
De nature prévoyante, le nécromancien n’avait pas choisi cette salle au hasard. Située dans la tour des Pleurs, où erraient les âmes vagabondes qui ressassaient en sanglotant leurs crimes passés, elle jouxtait une passerelle qui menait à la tour des Sages. Or, c’était dans cette tour précisément que se trouvaient les bonnes âmes qui avaient délibérément choisi de rester à Outretombe pour influer sur les vivants et protéger les leurs, plutôt que de rejoindre le royaume des dieux pour se transformer en anges.
« Un ange ! Quelle horreur ! » songea Askorias en grimaçant de dégoût. L’idée de devenir un jour l’une de ces entités lumineuses sans personnalité ni volonté propre le révulsait. Heureusement, ce ne serait jamais le cas. Son âme était tellement corrompue que le jour de sa mort il rejoindrait directement les cohortes d’esprits maléfiques qui hantaient la tour des Monstres. Un sourire mauvais déforma sa face émaciée. Ce jour-là, nul doute qu’il chercherait à évincer ses concurrents et aspirerait à devenir le plus puissant des monstres.
Mais avant il avait une mission à accomplir.
Arrivé au bout du couloir, Askorias s’approcha de l’un des vitraux du palais et s’assura que les nappes de brouillard à l’extérieur étaient immobiles, avant d’ouvrir la lourde porte qui donnait accès à la passerelle.
Le mince bras de pierre suspendu dans les airs ne mesurait qu’une vingtaine de mètres de long, mais parcourir cette distance dans une brume épaisse et moite qui pouvait prendre vie d’une seconde à l’autre pour attaquer était réellement oppressant, même pour un nécromancien expérimenté.
Askorias referma la solide porte derrière lui et prit une grande inspiration. Il était seul, maintenant. Seul avec ces nappes blanchâtres qui flottaient autour de lui. S’il marchait assez lentement, s’il essayait de les contourner pour ne pas les effilocher, s’il prenait son temps et retenait son souffle, il aurait peut-être une chance d’atteindre