La Bibliothèque de Mount Char
316 pages
Français

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La Bibliothèque de Mount Char , livre ebook

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Français

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Description

Carolyn était une jeune Américaine comme les autres. Mais ça, c’était avant. Avant la mort de ses parents. Avant qu’un mystérieux personnage, Père, ne la prenne sous son aile avec d’autres orphelins.
Depuis, Carolyn n’a pas eu tant d’occasions de sortir. Elle et sa fratrie d’adoption ont été élevés suivant les coutumes anciennes de Père. Ils ont étudié les livres de sa Bibliothèque et appris quelques-uns des secrets de sa puissance. Parfois, ils se sont demandé si leur tuteur intransigeant ne pourrait pas être Dieu lui-même.
Mais Père a disparu – peut-être même est-il mort – et il n’y a maintenant plus personne pour protéger la Bibliothèque des féroces combattants qui cherchent à s’en emparer.
Carolyn se prépare pour la bataille qui s’annonce. Le destin de l’univers est en jeu, mais Carolyn a tout prévu. Carolyn a un plan. Le seul problème, c’est qu’en s’acharnant à créer un nouveau dieu elle a oublié de préserver ce qui fait d’elle un être humain.
Avec une galerie de personnages mémorables et une intrigue qui vous réserve plus d’une surprise, La Bibliothèque de Mount Char est à la fois terrifiant et hilarant, étrange et humain, visionnaire et captivant. Un roman qui marque l'entrée en scène d’une voix nouvelle dans le monde de la fantasy.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782207135532
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

… un jour d’été, alors qu’elle avait environ huit ans, les ennemis de Père avaient lancé l’offensive contre lui. Père avait survécu, ainsi que Carolyn et une poignée d’enfants. Mais pas leurs parents.
Elle se rappela la voix de Père lui parvenant à travers une fumée noire à l’odeur d’asphalte fondu, le cratère où s’étaient trouvées leurs maisons qui luisait derrière lui d’un éclat orange terne.
« Vous êtes maintenant des Pelapi, dit Père. C’est un mot très ancien. Il signifie quelque chose comme “bibliothécaire” et quelque chose comme “élève”. Je vous emmènerai dans ma maison. Je vous élèverai à l’ancienne, comme j’ai moi-même été élevé. Je vous enseignerai les choses que j’ai apprises. »


SCOTT HAWKINS
La Bibliothèque de Mount Char
ROMAN TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR JEAN-DANIEL BRÈQUE



À Heather,
ma si douce et si patiente épouse,
avec tout mon amour et plein de mercis


PREMIÈRE PARTIE
LA BIBLIOTHÈQUE DE GARRISON OAKS


1
Aurore
I
Inondée de sang et les pieds nus, Carolyn marchait seule sur le ruban d’asphalte à deux voies que les Américains appelaient la Highway 78. La plupart des bibliothécaires, dont elle-même, avaient fini par la baptiser la piste des Tacos, ainsi nommée en l’honneur d’un restau mexicain où il leur arrivait de filer en douce. Le guacamole y est vraiment bon , se rappela-t-elle. Son estomac émit un gargouillis. Des feuilles de chêne, rouge orangé et délicieusement croustillantes, craquaient sous ses pieds. Son souffle dessinait un plumet blanc dans l’air d’avant l’aube. Le poignard d’obsidienne avec lequel elle avait tué le détective Miner était niché au creux de ses reins, secret et affûté.
Elle souriait.
Les voitures étaient rares sur cette route, mais on en croisait parfois. Durant sa randonnée nocturne, elle en avait observé cinq. Celle qui freinait à présent, un pick-up Ford F-250 bien cabossé, était la troisième à s’arrêter pour y regarder de plus près. Le chauffeur se gara de l’autre côté de la chaussée, faisant crisser le gravier du bas-côté, et laissa son moteur tourner au ralenti. Lorsque la vitre s’abaissa, elle sentit une odeur de tabac à chiquer, de vieille graisse et de foin. Un homme aux cheveux blancs était assis au volant. Sur le siège passager, un berger allemand la regardait d’un œil soupçonneux.
Et merde. Elle ne voulait pas leur faire de mal.
« Bon Dieu, dit l’homme. Y a eu un accident ? » Le souci perçait dans sa voix — un souci sincère, pas simulé comme chez le dernier prédateur. En l’entendant, elle sut que le vieil homme la regardait comme un père aurait regardé sa fille. Elle se détendit un peu.
« Non, dit-elle en fixant le chien du regard. Rien de grave. Ça vient de l’écurie. De la jument. » Il n’y avait pas d’écurie, pas de jument. Mais elle savait à l’odeur de cet homme qu’il aimait les animaux et comprendrait que certaines opérations font couler pas mal de sang. « La mise bas s’est mal passée, pour elle comme pour moi. » Elle renifla d’un air penaud et se prit le torse entre les mains, le collant à la soie verte noircie et roidie par le sang du détective Miner. « Ma belle robe est fichue.
— Essayez un peu d’eau gazéifiée », lâcha l’homme. Le chien gronda doucement. « Tais-toi, Buddy. »
Elle ignorait ce qu’était exactement l’eau gazéifiée, mais elle comprit au ton du vieil homme que c’était une blague. Pas le genre de blague à donner le fou rire, le genre de blague pour consoler. Elle renifla. « D’accord.
— La jument va bien ? » De nouveau cette voix soucieuse.
« Ouais, ça ira. Le poulain aussi. Mais la nuit a été longue. Je me promène un peu pour m’éclaircir les idées.
— Pieds nus ? »
Elle haussa les épaules. « On est élevés à la dure dans la région. » Cela était vrai.
« Vous voulez que je vous emmène quelque part ?
— Non. Non, merci. La maison de mon père est pas loin, par là-bas. » Cela aussi était vrai.
« Où ça, à côté de la poste ?
— À Garrison Oaks. »
Le regard du vieillard se fit lointain l’espace d’un instant, pendant qu’il cherchait à se rappeler où il avait entendu ce nom. Il y réfléchit un moment puis renonça. Carolyn aurait pu lui dire qu’il risquait de passer quatre fois par jour devant Garrison Oaks durant un millénaire sans jamais s’en souvenir, mais elle n’en fit rien.
« Ohhh…, fit le vieil homme d’un air vague. Oui. » Il contempla ses jambes d’une façon qui n’était pas vraiment paternelle. « Vous êtes sûre que vous voulez pas que je vous conduise quelque part ? Buddy sera d’accord, pas vrai ? » Il tapota le molosse assis à côté de lui. Buddy se contenta de la scruter de ses yeux marron, tel un fauve suspicieux.
« Ça ira. Je serai bientôt remise. Mais merci. » Elle étira les muscles de ses joues pour afficher un semblant de sourire.
« De rien. »
Le vieil homme embraya et le pick-up s’éloigna, la baignant dans un nuage tiède de fumée de gazole.
Elle le suivit du regard jusqu’à ce que ses feux arrière aient disparu derrière un virage. Question vie sociale, ça ira pour cette nuit, je crois bien. Elle monta en haut du talus et se glissa dans les bois. La lune était toujours levée, toujours pleine. Les Américains appelaient ce moment de l’année « octobre », ou encore « automne », mais les bibliothécaires se fiaient au ciel pour mesurer le temps. Cette nuit était celle de la septième lune, la lune des lamentations noires. Sous son éclat, les ombres des branches nues hachuraient les cicatrices de Carolyn.
Au bout de quinze cents mètres environ, elle arriva devant l’arbre creux où elle avait planqué sa robe de bure. Elle la débarrassa de ses bribes d’écorce et fit de son mieux pour la nettoyer. Elle garda un morceau de la robe verte ensanglantée pour David et jeta le reste, puis s’enveloppa dans la bure, rabattant la capuche sur sa tête. Elle l’aimait bien, cette jolie robe — la soie, c’est si doux —, mais le tissu rêche de sa tenue la réconfortait. Il était familier et, comme vêture, celle-ci lui suffisait.
Elle s’enfonça plus avant dans la forêt. Les pierres cachées par les feuilles et les aiguilles de pin étaient rassurantes sous ses pieds, comme si elle se grattait là où elle n’avait pas perçu de démangeaison jusqu’ici. Juste après la prochaine crête , se dit-elle. Garrison Oaks. Elle aurait voulu réduire le lieu en cendres, mais, cela dit, ça lui ferait plaisir de le revoir.
Chez moi.
II
Carolyn et les autres n’étaient pas nés bibliothécaires. Au temps jadis — comme cela lui semblait lointain —, ils étaient en fait très américains. Elle s’en souvenait, un peu : il y avait quelque chose qui s’appelait Super Jaimie et autre chose qu’on appelait les mini-chocolats au beurre de cacahouète Reese. Mais, un jour d’été, alors qu’elle avait environ huit ans, les ennemis de Père avaient lancé l’offensive contre lui. Père avait survécu, ainsi que Carolyn et une poignée d’enfants. Mais pas leurs parents.
Elle se rappela la voix de Père lui parvenant à travers une fumée noire à l’odeur d’asphalte fondu, le cratère où s’étaient trouvées leurs maisons qui luisait derrière lui d’un éclat orange terne.
« Vous êtes maintenant des Pelapi, dit Père. C’est un mot très ancien. Il signifie quelque chose comme “bibliothécaire” et quelque chose comme “élève”. Je vous emmènerai dans ma maison. Je vous élèverai à l’ancienne, comme j’ai moi-même été élevé. Je vous enseignerai les choses que j’ai apprises. »
Il ne leur demanda pas ce qu’ils voulaient.
Carolyn, qui se sentait reconnaissante, fit tout d’abord de son mieux. Sa maman et son papa étaient partis, partis pour de bon. Elle le comprenait. Il ne lui restait plus que Père et il lui sembla au début qu’il ne demandait pas grand-chose. La maison de Père était cependant différente. Au lieu de bonbons et de télévision, il s’y trouvait des ombres et des vieux livres, écrits à la main sur d’épais parchemins. Ils en vinrent à comprendre que Père avait vécu très, très longtemps. Et au cours de sa longue vie il avait maîtrisé l’art de façonner des merveilles. Il était capable de faire tomber la foudre, ou d’arrêter le temps. Les pierres l’appelaient par son nom. La théorie et la pratique de son art étaient réparties en douze catalogues — un pour chaque enfant, comme il se trouva. Tout ce qu’il leur demandait, c’était de les étudier avec sérieux.
Ce fut quelques semaines plus tard qu’elle eut un premier indice sur la nature des catalogues. Elle étudiait à l’un des petits kiosques éclairés disséminés çà et là sur l’étage de jade de la Bibliothèque. Margaret, qui devait avoir neuf ans, surgit en courant des immenses étagères enténébrées du catalogue gris. Elle hurlait. Aveuglée par la terreur, elle trébucha sur une table basse et arrêta sa course quasiment aux pieds de Carolyn. Celle-ci lui fit signe de se cacher sous son bureau.
Margaret passa quelque dix minutes à trembler dans l’ombre. Carolyn lui souffla des questions mais elle ne voulait pas parler — ne le pouvait pas, peut-être. Mais les larmes de Margaret étaient striées de sang et, lorsque Père la ramena de force entre les étagères, elle se souilla. Cela suffisait comme réponse. Carolyn repensait souvent à l’odeur ammoniaquée de l’urine de Margaret se mêlant à l’odeur poussiéreuse des vieux livres, à l’écho de ses cris entre les allées. Ce fut en cet instant qu’elle commença à comprendre.
Le catalogue de Carolyn était plus barbant que terrifiant. Père lui avait confié l’étude des langages et, pendant presque une année, elle compulsa consciencieusement ses livres de lecture. Mais la routine l’ennuyait à mort. Le premier été de son enseignement, alors qu’elle avait neuf ans, elle alla voir Père et tapa du pied. « J’en ai marre ! dit-elle. J’ai lu assez de livres. Je connais assez de mots. Je veux aller dehors. »
Les autres enfants se voûtèrent sous l’expression de Père. Comme promis, il les élevait comme lui-même l’avait été. La plu

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