La boîte à souvenirs
51 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

La boîte à souvenirs , livre ebook

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Description

Un recueil de treize nouvelles imprégnées de souvenirs. Vous n'y trouverez nul fil rouge sinon celui d'un inventaire à la Prévert d'images fugaces, de silhouettes croisées, d'instants vécus ou imaginés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 décembre 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782806123688
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright






















D/2020/4910/64
EAN Epub : 9782806123688
© Academia – L’Harmattan s.a. Grand’Place, 29 B-1348 Louvain-la-Neuve
Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.
www.editions-academia.be
Titre
Michel Vanpé









La boîte à souvenirs



Nouvelles
Les droits d’auteur de cet ouvrage sont entièrement versés à l’ASBL « Un Toit Un Cœur » de Louvain-la-Neuve, centre d’accueil de jour pour sans-abri et personnes en grande précarité.
***
Un Toit Un Cœur – UTUC – est un centre d’accueil de jour pour sans-abri et personnes en grande précarité. Il est situé voie des Gaumais à Louvain-la-Neuve. Rapidement constituée en ASBL, l’initiative est née, il y a dix ans, de la rencontre, sur la Grand-Place de la ville, entre étudiants, habitants et sans-abri. Elle est soutenue par la Ville, l’Université et la province du Brabant Wallon.
Toute personne en situation de précarité y est accueillie en journée par une équipe de volontaires – habitants et étudiants de trois kots à projets – encadrée par trois professionnelles.
Outre l’accueil et l’écoute, les services de première nécessité et l’aide sociale, Utuc cherche à retisser du lien et à sensibiliser la population de Louvain-la-Neuve à la problématique de la précarité toujours plus présente dans la ville et ses environs. ( www.utuc.be )
Dédicace
Passons passons puisque tout passe Je me retournerai souvent Les souvenirs sont cors de chasse Dont meurt le bruit parmi le vent.
Guillaume Apollinaire
À Chantale, muse, illustratrice et ma première lectrice
Un coin de boulevard, un bonjour, un bonbon
Huit heures du matin, au coin d’un boulevard, un feu tricolore, tel un métronome, rythme la procession des véhicules sur cette voie de pénétration dans la ville.
Jadis, lorsque, chaque jour à la même heure, j’empruntais cet itinéraire, il était là, au bord du trottoir, sous le ciel d’été ou les frimas d’automne, qu’il pleuve, neige ou vente sur la capitale. Dès que je l’apercevais, à contre-jour sous le soleil ou flouté par la pluie et le va-et-vient des essuie-glaces, mes doigts arrêtaient de pianoter le volant et l’immobilité intermittente du serpent automobile cessait de m’insupporter.
Sa silhouette mince, un peu voûtée, son visage avenant sous le bonnet écossais à pompon m’étaient devenus familiers. L’homme portait son uniforme : pantalon knickers au pli millimétré sur des bas en laine beige, chaussures usées, mais soigneusement entretenues, lavallière bouffant d’un gilet grenat. Et comme chaque matin, les voitures défilaient au pas devant lui, à ses pieds, oserais-je dire, tant il m’apparaissait seigneurial.
Quand le feu passait au rouge, il descendait du trottoir et proposait ses bonbons aux navetteurs. Ces bonbons jaunes au premier goût sucré qui s’acidulent en leur centre : des napoléons pour ceux qui s’en souviennent.
Les vitres s’abaissaient. «  Bonjour, merci ». Son visage buriné se fendait du même sourire pour chacun, aimable ou grincheux. Les habitués se signalaient par un appel de phares, un coup de klaxon. La pièce de cinq, dix ou vingt francs dans le béret tendu. C’était une autre époque, celle d’avant l’euro !
Certains l’avaient connu au temps de sa splendeur, avaient été ses clients.
Il fut autrefois le propriétaire d’un magasin de mode au centre-ville. Les gens huppés voulaient un vêtement façonné par ses mains d’artiste. Une renommée acquise en habillant des politiciens férus des plateaux de télévision, un footballeur, un pilote automobile à l’aura internationale. Que de chemin parcouru jusqu’au sommet et combien brutale fut la chute ! La crise survint sans qu’il mette un frein à son goût du luxe. Il ne se priva de rien : bateau, vacances exotiques, restaurants huppés pour profiter des rares heures de loisir grappillées sur le métier. Puis un contrôle fiscal et à sa suite, le tourbillon des recommandés, la valse des huissiers, la vente de tout un univers gagné de haute lutte. Il avait fini son parcours dans une chambre d’un quartier populaire proche de celui de sa gloire. Mais toujours une farouche volonté de vivre, l’optimisme chevillé à l’âme. Chaque matin, rasé de frais, vêtements usés, mais impeccables, il arrivait à sept heures sur cet emplacement conservé avec persévérance.
Il le quittait vers midi quand le flot de véhicules se tarissait et que ses jambes ne le portaient plus. Avec la soixantaine, le corps rechignait, surtout par temps de pluie ou de neige.
Sa recette lui permettait de survivre et de payer l’essentiel après les mensualités des banquiers.
Aujourd’hui, les hasards de la vie me font reprendre cet itinéraire d’antan. La fluidité du trafic ne s’est pas améliorée, bien au contraire. Je me traîne. J’aperçois enfin, le coin du boulevard. Je sens le goût d’un bonbon acidulé envahir ma bouche, mes doigts cessent de tapoter le cuir du volant, un sourire gagne mes lèvres. Pas pour longtemps. À la place de la silhouette familière, mes yeux accrochent les masses d’un jongleur qui virevoltent dans l’air. Au lieu de l’homme élégant, à la figure avenante, à la bonne humeur communicative, un jeune dégingandé aux bras tatoués regroupe ses accessoires dans une main et salue d’une révérence caricaturale. Il se précipite, visage fermé, vers les premiers véhicules, grimace en cas de refus ou d’ignorance du conducteur, marmonne un merci si la pièce tombe dans sa casquette aux couleurs des Lakers de Los Angeles.
Je détourne les yeux quand il arrive à ma hauteur. Je lui en veux d’être là. Je me sens orphelin du béret. Qu’est-il devenu ? Absence momentanée ? Maladie ? Bataille perdue pour conserver sa place, ses créanciers, la maladie ?
— Non, pas cela ! me dis-je.
Je l’imagine plutôt promener son sourire dans une vie plus agréable pour sa fin de parcours, un peu d’aisance retrouvée, un ami, une femme auprès de lui. Juste retour des choses pour ses bonjours et mercis venus du cœur, cette pincée d’humanité distribuée dans la monotonie du quotidien.
Le feu passe au vert ; j’accélère doucement et me surprends à murmurer :
— Merci, Monsieur, pour ces instants de vie.
***
La disparition d’Alfred Breilan
L’inspecteur principal Jean Maillard franchit d’un pas alerte la porte du commissariat.
De quinze jours passés à Montauban, sa ville natale, il rapportait le teint bronzé et une cheville en parfait état. Trois semaines auparavant, une arrestation musclée lui avait valu, dans l’ordre, une entorse, les félicitations de la hiérarchie et un repos forcé sous le soleil du Tarn-et-Garonne.
La cinquantaine alerte, une carrure d’athlète et un nez cassé sous des yeux bleus, il avait importé de son sud-ouest, l’accent aux finales chantantes, la passion du rugby et, bien sûr, l’amour du cassoulet. Surtout celui confectionné avec amour par Jeanne, son épouse.
Solange, l’inspectrice de permanence, l’accueillit d’un large sourire. Ils avaient fait équipe au début du stage de la jeune femme et en avaient gardé une connivence sans ambiguïté.
— Tu es attendu par le Pacha, séance tenante. Et ne me demande pas pourquoi, je n’en sais rien.
— Même pas une petite idée ? Je te connais, toujours une oreille qui traîne.
— Nada
— Aïe ! Ça pue l’embrouille !
— On ne devrait jamais quitter Montauban 1 , lui lança-t-elle en riant, tandis qu’il s’éloignait vers l’escalier menant «  au ciel », appellation contrôlée de l’étage du patron de la brigade.
Dès l’entrée dans le bureau du commissaire divisionnaire Leblanc, il comprit. Le Pacha s’était levé pour l’accueillir et s’enquérir de sa santé. Mauvais signe.
Habituellement, il restait assis, calé dans son fauteuil de cuir. Il vous épiait en silence, la tête penchée et les yeux plissés derrière des lunettes aux verres épais, comme s’il cherchait le moment de porter l’estocade.
Rien de cela aujourd’hui. No

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