La fille d outre-monde
201 pages
Français

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La fille d'outre-monde , livre ebook

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Description

Moïra ne désire qu'une chose : vivre de son art et rester libre de son destin. Puisqu'elle refuse de se soumettre au mariage que lui impose sa communauté, elle est envoyée en apprentissage à l'autre bout du monde. Non contente d’être embauchée par un roi manipulateur et misogyne, Moïra se retrouve bientôt suspectée de trahison – tout ça parce qu’elle est un peu sorcière et que la couleur de sa peau ne plaît pas aux gens de la cour !
Ses talents de prophétesse semblent autant appréciés que craints. Heureusement, les quelques alliés sur lesquels Moïra peut compter l'aideront peut-être à garder la vie sauve. Du moins... si elle parvient à se débarrasser du fantôme qui la traque et menace de lui voler son âme !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 octobre 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782493078520
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
Éditions l’Abeille bleue — 38 rue Dunois 75013 Paris
Collection l’Imaginative
Retrouvez toutes nos parutions sur : https://editions-abeillebleue.fr
© Illustration couverture et intérieur par Marine Aimar

 
 
À ma grand-mère, disparue mais toujours présente.
PROLOGUE
 
 
Ourèm
11 e jour de Manthesis, an 1880
 
Monsieur. STOP. Tumulus trouvé dans mon domaine de Serpentrée. STOP. Équipe de prospection a mis à jour restes d’un squelette entouré d’offrandes. STOP. Présence de statuettes et ex-voto. STOP. Selon archéologue, corps d’une femme du neuvième siècle. STOP. A trouvé une dédicace à la Mantéia. STOP. Prière de m’envoyer Spiritiens assermentés au plus vite pour authentifier cadavre via une imprégnation. STOP. Me réjouis d’une telle découverte scientifique.
 
Jossué Nher Moloch
 
 
CHAPITRE 1 : LA VOIE DES MARTYRS
 
« PREMIER COMMANDEMENT :
L’esprit à la fois vagabond et serein, l’âme ouverte et à l’écoute, le cœur veiné de mélancolie ; ainsi sera le mage qui souhaite voir l’invisible. »
 
« Les Dits de la Mantéia », extrait de la Compilation destinée aux élèves spirites de la Maison Dilly par Rogaton Leste-Cuisse , 1354
 
Couronnée de six tresses et d’une résille en perles d’ambre, Moïra attend dans la cour de la Grande Maison. Les épingles meurtrissent son cuir chevelu, mais ne parviennent pas à retenir toutes ses boucles : deux mèches ont déjà quitté leur poste pour onduler autour de son oreille.
Assise sur ses talons à l’ombre des peccanilliers, elle tâche d’oublier ce détail en observant la mosaïque du dallage. C’est son père qui en a réalisé l’essentiel il y a plus de vingt ans, pour répondre à une commande des Vieilles Femmes. Le sol est subdivisé en sept cercles qui illustrent chacun un épisode de la vie des Martyrs. Moïra est perchée sur le sixième, celui qui représente Paba Zoru affrontant une tempête de sable. C’est le dernier travail de son père… Avant d’avoir pu commencer le septième, une mort violente l’a emporté.
— Ma sœur, dit quelqu’un, les Anciennes sont réunies. Elles sont prêtes à te recevoir et à statuer sur ton sort.
Une jeune fille au crâne rasé s’est approchée d’elle sans qu’elle s’en aperçoive. Jadis, elle a passé de longs après-midi à jouer avec Moïra et les autres enfants dans la poussière des chemins, mais c’était une autre époque : elle répondait alors au nom d’Agarpè et était la fille puînée du rémouleur. Elle a renoncé à cette identité il y a trois ans lorsqu’elle a pris le saraji – la tunique jaune sans manches des oblates. À partir de ce moment, elle a choisi de mettre sa vie au service des Vieilles Femmes, empruntant la voie du Deuxième Martyr : une décision qui a fait d’elle une figure admirée de tous.
Moïra se redresse et traverse la cour à sa suite. L’oblate marche à pas lents et réguliers, sa tunique ondoyant avec élégance autour de ses mollets. Sous sa peau brune, l’os de la nuque saille et fait ressortir les cercles concentriques de l’ anqh qui y est tatoué.
Dans la Grande Maison, il fait sombre mais frais. Baignées par la lueur des lampes à huile, les Vieilles Femmes la regardent avancer depuis le banc où elles sont assises. Comme dans une grotte aux échos, leurs paroles se déforment et se confondent pour l’assaillir de bribes disparates.
— Refuser d’emprunter la Première voie, vous vous rendez compte ?
— Elle est en âge, pourtant. Et elle est robuste, avec de bonnes hanches. Elle nous ferait de beaux petits.
— C’est qu’elle désire suivre les traces de Celui-qui-l’a-engendrée… Elle a son savoir-faire, nous en sommes témoins.
— Le savoir-faire n’implique pas la maîtrise de soi ou la maturité. Elle a encore beaucoup à apprendre si elle veut prétendre au rang de maîtresse mosaïste.
La réprobation est sourde mais patente. Comment pourrait-il en être autrement alors que Moïra est dans sa vingtième année et ne s’est toujours pas soumise à la mayesía , le rite de passage vers l’âge adulte ? Il y a quelques jours, pour la cinquième fois depuis qu’elle est en âge, elle a rejeté la demande d’un homme souhaitant la prendre pour compagne – au grand dam de son beau-père, qui rêve de se débarrasser d’elle. C’était la fois de trop. Le surlendemain, les Vieilles Femmes lui adressaient une convocation officielle.
Moïra s’applique à respirer calmement, mais un nœud lui étreint la poitrine. Que ce soit sa gouvernante, son beau-père ou ses voisins, tout le monde l’assaille de remarques et de jugements. Vivre « à la manière d’une épousée » pendant un an, tout de même, ce n’est pas la mer à boire ! Pour qui se prend-elle, à la fin ? Ne comprend-elle pas qu’elle donne une mauvaise image d’elle-même et de son éducation en faisant la tête de mule ? Moïra sourit – jaune –, riposte, mais ne cède pas. Elle n’a aucune intention de devenir la femme de quelqu’un : à quoi bon s’y entraîner ?
Malheureusement, les Vieilles Femmes ne l’entendent pas de cette oreille.
— Approche, shaya . Mets-toi dans la lumière.
Alors qu’elle s’exécute, les Anciennes échangent des œillades lourdes de sens avant de se tourner vers celle qui siège le plus à gauche : une grand-mère aux yeux noirs du nom de Zanata. Celle-ci penche vers Moïra un visage fin et osseux.
— Dis-moi, shaya , pourquoi dédaigner le mariage ? N’as-tu pas envie d’avoir un foyer à toi ?
La jeune fille tâche d’adopter un ton humble.
— Si je me mariais, vénérable Zanata, il me faudrait partager ce foyer avec un homme. Après avoir vécu chez Shobé pendant dix ans, j’aimerais connaître l’indépendance. Travailler à mon compte le permettrait.
— Et tu considères avoir suffisamment d’expérience pour ouvrir ton propre atelier ?
« Oui ». Telle est la réponse qui brûle les lèvres de Moïra. Son art l’anime plus que n’importe quel homme. Depuis l’âge de sept ans, elle se crevasse les doigts à ciseler et agencer des tesselles. L’un de ses premiers souvenirs est la mosaïque monumentale qui décore la place de Yenasha, ondulant à la lumière des feux. Dès qu’elle a pu, elle a supplié l’ancien maître de son père de lui enseigner les rudiments du métier. L’intéressé ne prenait plus d’apprenti depuis longtemps. Il était voûté et chenu, presque sans dents… mais il a fini par accepter et, grâce à lui, Moïra a commencé à apprendre .
Il y a dix ans, le vieil homme est mort. Passée sous la houlette d’un autre maître, Moïra a participé au grand chantier consacré à la vie du Premier Martyr – ce même grand œuvre qui orne les murs autour d’elle. Depuis, elle a façonné des centaines d’étoiles, de lunes, de femmes en prière et de foules en procession.
Hors de question de s’arrêter en si bon chemin.
— Yeser m’a fait passer l’épreuve du chef-d’œuvre et a estimé que j’étais apte à travailler par moi-même, mais si vous le jugez plus opportun, je peux continuer mon apprentissage… En revanche, suivre la Première voie implique de renoncer au travail public pendant un an : je ne peux me le permettre.
Zanata et ses compagnes échangent quelques paroles indistinctes. Certaines semblent mécontentes tandis que d’autres haussent les épaules. Seule Pocca l’Ancienne ne bouge pas, paupières closes et bouche entrouverte. Moïra mettrait sa main à couper qu’elle s’est endormie.
 
 
Après un long débat animé de chuchotements et de signes tracés dans les airs, les aïeules finissent par tomber d’accord. Une à une, elles opinent de leur vieux cou ridé. Moïra ne bronche pas : « un Yenashi doit affronter l’adversité avec résolution » – Dit du Cinquième Martyr.
— Nul ne peut être exempté du rite de passage à l’âge adulte, reprend Zanata d’une voix claire. Mayesía pour les femmes, mayesùn pour les hommes. Telle est la loi. Ceux qui refusent de suivre la Première voie doivent s’acquitter d’une amende de mille deux cents soléis. Détiens-tu cette somme d’argent ?
Moïra cille.
— Non, vénérable Zanata.
— Alors il ne reste plus qu’une solution. Tu la connais, n’est-ce pas ? Oshai Phari y a été condamné il y a un mois seulement par cette même assemblée.
La jeune fille baisse à demi la tête. Oui, elle sait ce qu’on va lui proposer. C’est bien cela qu’elle redoute… mais elle a pesé le pour et le contre. Quoiqu’en dise Illy, sa gouvernante et boussole morale, elle est prête.
— Nous allons te donner le choix entre deux tâches aussi ardues l’une que l’autre, déclare Zanata. La mayesià n’aurait pas de sens sans épreuve… Lorsque tu auras achevé ta mise à l’essai, tu auras gagné le respect de tous et personne ne contestera la valeur de tes décisions.
Malgré la fraîcheur de l’air, les paumes de Moïra sont humides de sueur et ses joues empourprées. Le mois dernier, le fils de boucher a dû choisir entre l’exil au désert et le travail dans les mines de sel. Va-t-on lui proposer la même chose ? Elle y a longuement réfléchi et en est venue à la conclusion que si on lui soumettait pareille offre, elle choisirait la Gogoshen Baten, elle aussi. Elle n’a pas peur des tempêtes de sable et, là-bas, au moins pourrait-elle rêver de mosaïque.
En supposant qu’elle ne meure pas de faim et ne devienne pas folle comme tant d’autres ermites.
— L’une ou l’autre des tâches sera pour toi l’occasion de suivre le cheminement d’un Martyr, fait Zanata. Nous pensons que la voie d’Uruk Ten serait particulièrement judicieuse : de toute évidence, tu as tendance à faire passer tes envies avant celles des autres. Nous proposons donc que tu adoptes la vie d’oblate pendant un an : si tu l’acceptes, tu veilleras sur notre confort et nos besoins. Tu nous assisteras en nous servant d’yeux, d’oreilles et de bouche. Tu dormiras ici, sur une paillasse à même le sol, et te nourriras des dons de nos concitoyens. Tu laveras les morts et les nouveau-nés. Tu apaiseras les malades et les accouchées.
En d’autres termes, elle sera assujettie jour et nuit au bon vouloir des Vieilles Femmes, qui se chargeront de dompter ses désirs égoïstes. Perdue, la liberté de créer, de

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