La rumeur des racines
99 pages
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La rumeur des racines , livre ebook

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Description

Pour les besoins de ses études en géologie, Louise s’installe au Japon, non loin d’Aokigahara, la forêt des suicidés. Entre dépaysement et fascination, la jeune fille découvre auprès de ses hôtes, les Aomori, la culture et les traditions de la région.
Mais quand vient le temps de se perdre dans ces bois à la renommée aussi dérangeante que mythique, Louise multiplie les rencontres plus étranges les unes que les autres. Persuadée d’avoir croisé des personnes disparues, elle avertit les forces de l’ordre. Pour autant, aucune trace n’est décelée et l’enquête piétine. Alors, Louise met tout en œuvre pour les retrouver, comprenant qu’elle seule peut suivre la piste qu’ils ont laissée.
Parce que chaque rencontre est un indice qui lui est soufflé par les arbres de la forêt...
La rumeur de leurs racines.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782375681855
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Julie David
La Rumeur des racines
Editions du Chat Noir


À ma mère, la plus fidèle de mes lectrices.


La maison dans les bois
Comment aurais-je pu imaginer cela ? J’avais manqué quelque chose dans la description de la location. Sans doute une partie en encre sympathique que personne n’avait jugé bon de me signaler. Ou peut-être m’étais-je trompée d’endroit ? En tout cas, je regardais, ahurie, la masure dans laquelle j’ étais censée travailler. Une drôle de maisonnette abandonnée dans une forêt de 3500   hectares. J’entendais vaguement le garde-forestier, Aomori-san, m’expliquer en anglais et en japonais que les murs extérieurs étaient construits à la chaux blanche selon des normes écologiques chères aux Japonais. Non seulement l’effet naturel s’associait très bien avec les panneaux en bois, mais les murs pouvaient respirer et ainsi laisser l’humidité s’évacuer. Personnellement, je commençais à manquer d’air et à transpirer. Je n’osais pas lui demander un enduit de la même sorte. Je bus donc une gorgée de thé vert froid, acheté plus tôt dans un distributeur, et essayai de faire bonne figure lorsqu’il se tourna vers moi en attendant ma réaction. Je connaissais suffisamment bien les us et coutumes des conversations japonaises pour pratiquer ce qu’ils appelaient l’ aizuchi 1 . Je le laissais donc poursuivre sa description du bâtiment en ne l’interrompant que très rarement avec des questions techniques. Mes maigres notions de japonais ne me permettaient pas de comprendre tout ce qu’il m’expliquait à propos des travaux donc, naturellement, je faisais souvent semblant. Cela n’était pas bien important en soi, car je le soupçonnais de faire la même chose à certaines de mes questions. Cela ne nous empêchait pas de converser avec bonne humeur.
En regardant bien la maison, je pus vaguement visualiser son allure une fois retapée. Le plus gros du travail était de nettoyer les murs, de poncer les armatures en bois avant de les vernir et d’installer de nouveaux volets. Heureusement, le toit avait déjà été refait. Imaginer ces travaux me rasséréna en quelque sorte. Le choc initial fit place à un sentiment plus mesuré. Cet endroit avait tout d’une cachette idéale pour quiconque cherchait une retraite provisoire. La maison n’était pas complètement sous les arbres, ce qui laissait passer suffisamment de lumière, et le village de Saikominami était à dix minutes à pied environ. Je n’avais pas de voisin immédiat, mais je n’étais pas complètement isolée non plus.
Mon courage se figea un instant lorsqu’il ouvrit la porte d’entrée et me fit signe de passer devant lui. Une stupéfiante odeur de renfermé me sauta à la figure et essaya de m’étrangler. Sans rien laisser paraître, je fis quelques pas timides à l’intérieur pour permettre à mon guide d’entrer à son tour. Il sortit une lampe torche et éclaira le sol devant nous. Nous étions dans le genkan 2 . Je regardai mes pieds et remarquai les pierres reconstituées sombres, en parfait état. Une étonnante couche de poussière indiquait que personne n’était venu depuis des années. Sur ma gauche, quelques marches rudimentaires en bois presque noir menaient à une galerie ouverte sur le vestibule. Sur ma droite, des étagères à chaussures avaient été installées contre le mur. Aomori-san passa devant moi et posa son sac sur le meuble. J’entendis des clés tourner dans une serrure et fut surprise de le voir ouvrir une porte que je n’avais pas remarquée quelques secondes plus tôt. Je le suivis, curieuse malgré moi.
Il s’agissait tout simplement de la cuisine. Rien à voir avec Schmidt. Seule la présence d’un évier me permettait d’identifier la pièce, car sinon, il n’y avait absolument rien. Je remarquai cette fois la porte coulissante qui se trouvait au fond et lui demandai vers où elle menait.
—   Ōfuro desu. Bathroom. Les toilettes se trouvent de l’autre côté.
La salle de bains était étroite, mais semblait posséder tous les charmes des furoba 3 à l’ancienne. Panneaux de bois sur les murs et sol fait avec des dalles de pierre imposantes. Elles semblaient plus claires que celles de l’entrée. Le bassin lui-même avait été fabriqué avec ces jolies pierres cendrées. Rien ne parassait abîmé.
Enfin, Aomori-san me fit visiter la pièce principale. Il fallait repasser par le vestibule, monter sur la galerie et faire coulisser la paroi qui cachait la pièce à vivre. Le peu d’éclairage n’aidait pas à se faire une idée de la grandeur de la pièce, mais vide de tout, cela ne me sembla pas si petit.
—   De ce côté, derrière les cloisons , il y a de la place pour faire une petite chambre, me précisa-t-il. Les toilettes sont accessibles par la galerie extérieure.
—   L’intérieur de la maison semble en bon état, remarquai-je.
—   Oui, mon frère avait bien avancé dans les travaux. Il souhaitait transformer cet ancien kissaten 4 en petit cottage de vacances. Puis ils sont partis et ils ont tout laissé comme ça. J’ai gardé les meubles dans un monooki 5 , chez moi.
—   Ah ? fis-je en essayant de deviner ce qu’était un «  monooki  » .
—   L’endroit ne leur plaisait plus, je crois. Enfin, ne vous inquiétez pas, lorsque vous vous installerez, il y aura l’électricité et l’eau courante ! L’endroit vous paraîtra bien plus sympathique. Et je demanderai à mon fils de m’aider à nettoyer l’extérieur.
—   Vous êtes très gentil, merci, dis-je, confuse.
Tout en me faisant signe pour que nous retournions dehors, il continua d’alimenter la conversation.
—   Vous êtes chishitsugakusha 6 , n’est-ce pas ? Qu’allez-vous étudier ici ?
—   En formation. Je m’intéresse à cette forêt, Aokigahara . Surtout à son sol.
Le laboratoire de géologie de l’ É cole normale supérieure de Paris avait effectivement accepté que je parte à l’étranger pour peaufiner mes recherches et écrire un article détaillé sur les propriétés mécaniques et magnétiques des roches basaltiques. La région du Fujisan n’était pas le terrain le plus populaire pour ce type de recherches, mais puisque la culture japonaise ne m’était pas étrangère, j’avais rapidement pris ma décision, même si la bourse accordée n’était pas mirobolante.
—   Sō ka 7 . La majeure partie de cette forêt couvre l’emplacement d’une large coulée de lave à la suite de l’éruption du Fujisan, il y a… 1150   ans à peu près. Elle a même divisé en deux le lac Senōmi !
—   Le lac Senōmi ? Je ne me rappelle pas l’avoir vu dans le guide, me questionnai-je en attrapant une carte touristique dans mon sac.
Il m’aida à déplier la carte et pointa le lac Sai avant de faire glisser son doigt vers l’est pour s’arrêter sur le lac Shoji.
—   C’était le même lac avant, m’informa-t-il, en ménageant son effet.
—   Quoi ? Mais il y a bien dix kilom ètres entre les deux ! m’exclamai-je un peu trop fort.
Je n’avais pas réalisé à quel point cette coulée de lave gigantesque s’était répandue au pied du Fujisan . C’était fascinant. Je commençai à penser que ces quelques mois n’allaient pas être suffisants pour faire le tour de cet endroit curieux.
—   Aomori-san, on m’a dit que cette forêt n’avait pas très bonne réputation, enfin vous voyez ce que je veux dire ?
—   Ah, ça. Bah, ne vous en faites pas, répondit-il évasif. Il ne faut pas être trop émotif. En tant que scientifique, ça devrait aller pour vous, non ?
Je hochai la tête. Je savais que l’ Aokigahara avait une sinistre réputation, mais je ne connaissais pas l’ampleur du phénomène. Aomori-san me raconta des récits à vous glacer le sang. La police venait une fois par an écumer la forêt pour la nettoyer des corps pendus, des amoureux morts par empoisonnement, des tentes qui avaient été laissées là, des poupées vaudou clouées aux arbres…
—   Soyez prudente lorsque vous vous promènerez seule, Louise-san. Ce ne serait pas étonnant si vous faisiez de mauvaises rencontres, surtout sur les sentiers non balisés. Vous allez sûrement voir des choses qui vont vous… comment dire, kokoro ga ugokute 8 , vous comprenez ?
—   Je comprends, je crois. Je ferai attention.
—   Enfin, si vous avez des inquiétudes en étant seule, vous pouvez venir à la maison à Saikominami. Ma femme sera contente de vous recevoir, me proposa-t-il gentiment.
Décidément, cet Aomori-san était un guide sympathique et rassurant. Était-il particulièrement chaleureux ou était-ce simplement dû à la célèbre affabilité japonaise  ? J e ne pouvais le dire, mais cela faisait le même effet.
Il me proposa de me raccompagner jusqu’à mon hôtel, dans la petite ville de Narusawa, lorsqu’un miaulement déchirant me fit sursauter. Le récit d’Aomori-san m’avait sans doute plus atteinte que ce que je voulais bien croire. Nous regardâmes dans la direction de l’horrible plainte et nous vîmes un chat noir aux yeux verts, assis tel un sphinx, nous fixer. Il portait une curieuse tache blanche, toute ronde, sur le poitrail. Je le trouvais assez maigre.
—   Ah, c’est Noroi-san. Je le vois souvent traîner par ici. Il n’est pas méchant, mais il n’aime pas qu’on vienne traîner chez lui.
Le chat en question bougeait le bout de sa queue avec agacement et avait légèrement baissé les oreilles en entendant son prénom. Les chats dédaignent toujours les êtres humains avec beaucoup de style.
—   Donc ce miaulement, c’était pour nous demander de partir ? m’amusai-je.
—   Oui, en quelque sorte. Noroi-san, il va falloir t’y faire, tu vas bientôt avoir une nouvelle voisine. Ne prends pas cet air désagréable, voyons, lui lança-t-il.
Le chat tourna la tête et nous ignora, plein de superbe. Le voir avec la peau sur les os me déchirait le cœur, mais le garde-pêche faisait moins de sentiment.
Aomori-san nous ramena jusqu’à sa voiture dans laquelle nous pûmes discuter de tout et de rien. Du chat, du Fujisan, de la France, de mon projet, de ses expériences en forêt. Je lui parlai des mots franponais qui m’amusaient beaucoup. J’avais eu l’occasion de découvrir une pâtisserie qui s’appelait «  ma

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