Latium (Tome 2)
246 pages
Français

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Latium (Tome 2) , livre ebook

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Description

Dans un futur lointain, l’espèce humaine a succombé à l’Hécatombe. Reste, après l’extinction, un peuple d’immenses nefs stellaires, confrontées à une redoutable invasion extraterrestre.
Plautine fut l’une d’elles. À présent réduite à un corps unique, hantée par de mystérieuses réminiscences, elle accompagne Othon, automate obsédé par sa propre gloire, dans l’Urbs, siège du pouvoir impérial. Mais le complot qu’elle y met au jour dépasse ses pires craintes. Réfugiés à bord du vaisseau géant Transitoria, traqués par leurs ennemis, Plautine et Othon se lancent dans une quête métaphysique dont l’enjeu n’est autre que le retour du dernier Homme.
Latium est un space opera aux batailles spatiales flamboyantes et aux intrigues tortueuses. Un spectacle de science-fiction vertigineux, dans la veine d’un Dan Simmons. Il a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire, le Chrysalis Award et le prix Futuriales révélation.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 1
EAN13 9782207133088
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ROMAIN LUCAZEAU
 
 

LATIUM-II
 
 

ROMAN
 
 
 

À l’année 2015
Sauvée in extremis
 
Avez-vous oublié que dans ces tristes lieux
Je ne souffre que moi, les ombres et les dieux ?
Et qu’étant par mon art consacrés au silence,
Aucun ne peut sans crime y mêler sa présence ?
 
C ORNEILLE , La Toison d’or , acte IV, sc. 1
 
INTERMÈDE
 
Un jet d’antiélectrons fusa dans l’atténuateur de la poupe. Ceflux relevait du presque rien : quelques grains, un milligramme àpeine. Il advint en un bref cliquetis, quasi musical mais pas toutà fait — le son, infinitésimal, inaudible pour une oreille animale,mais néanmoins décelable par des moyens idoines, accompagnantle ballet de la machine traversant l’espace. Car ce quasi-non-événement signait le point de départ d’un cycle qui s’achèverait par undéplacement instantané d’une dizaine de katétophotès 1 , au termed’une séquence faite d’opérations physiques et de calculs complexes.
Quelques instants auparavant, les antiparticules, après leurcréation dans l’un des deux accélérateurs de la Nef, avaient étéstockées dans la chambre de confinement, un ovoïde blindé de lataille d’un hippodrome. Là, une pompe cryostatique 2 maintenaitle vide le plus rigoureux, à défaut duquel une explosion de pureénergie emporterait la Nef et ses occupants. Créer de l’antimatièreconstituait un jeu dangereux et compliqué : elle renâclait à existerdans l’environnement ordinaire. Il existait bien entendu des possibilités alternatives, fondées sur l’antique mais irremplaçable fissionde l’uranium ou du thorium. Elles ne permettaient néanmoins pas de disposer, en un temps très bref, du millier de térawattheuresrequis pour transporter le vaisseau.
Aussi Transitoria fonctionnait-elle comme les anciens Léviathande la planète des origines, ces baleines qui erraient dans les profondeurs des océans, et qui passaient leur vie entière à filtrer l’eaude mer pour en recueillir le krill et le plancton. Ici, d’invisiblesfilets moissonnaient les atomes errants d’hydrogène ou, occasionnellement, la stratosphère de géantes gazeuses. La matière ainsirécoltée était stockée, puis accélérée à une fraction de la vitesse dela lumière, enfin fracassée en un choc qui produisait des foules decorpuscules étranges, et en particulier des antiélectrons. Ces derniers n’avaient qu’une hâte : retourner au néant, dans un délugede redoutables rayons gamma et de chaleur, à l’occasion de la rencontre avec les électrons ordinaires, ceux qui peuplaient, sans faireplus d’histoires, l’univers connu.
L’atténuateur, qui succédait à la chambre de confinement,servait à maîtriser ce risque. Il ressemblait à un étroit et longcylindre de trois cents mètres, sa structure interne composée d’unmillefeuille de métal et de vide, parcouru par un ensemble d’inductions magnétiques aussi fines que des pinceaux. Ces dernièresguidaient les flux pour éviter la moindre fuite aux conséquencescatastrophiques.
La rencontre entre matière et antimatière eut lieu, cette foisencore, de manière contrôlée. La température grimpa à des niveauxeffrayants. Toute créature vivante à la ronde, tout support de logiciel semi-biologique aurait été annihilé. Une fraction de la chaleurainsi produite se transmit aux tuyaux remplis d’argon. L’élémentgazeux connut une transformation instantanée en une vaguefluide, dont le passage mit en mouvement les turbines géantes à lapoupe de la Nef, et à leur suite un ensemble d’électroaimants. Leflux d’électrons ainsi créé se précipita à travers des canaux supraconducteurs. Comme chaque fois, les noèmes qui pilotaient l’opération adressèrent une brève prière au Nombre et au Concept pourla résistance du système de transmission.
La puissance électrique inonda l’un des deux modulateurs monadiques situés non loin, derrière plusieurs couches de blindage.Le système de déplacement instantané revint à la vie.
Les modulateurs formaient une catégorie d’êtres étranges, à lastructure pas plus qu’à moitié matérielle, et en grande part situéehors de l’espace physique. Ils ne se déplaçaient pas, ne savaientagir sur leur environnement immédiat. Ils n’avaient ni mains, nipieds, ni systèmes sensoriels. Moteurs sans être mus, impossibilitésphysiques, plus spirituels que temporels, ils faisaient partie d’unerace séparée d’Intelligences, aux fins différentes, incompréhensibles,aux facultés mentales étranges. Les modulateurs monadiquesn’agissaient pas. Leur tournure d’esprit les portait davantage àla contemplation de plans incompréhensibles de l’être : ils calculaient, comme le Dieu des pythagoriciens, et leurs computationsmodifiaient l’étant, la distance et le temps.
Les Intelligences plus conventionnelles ne les avaient pas créés,mais accueillis en leur sein dans un lointain passé, aux termesd’un pacte simple : en échange de quantités importantes d’énergiefournies à intervalles réguliers, ils condescendaient à manipulerla structure monadique du monde pour accomplir leur étrangemiracle. Les princes de l’Urbs, héritiers des humains, les soupçonnaient de disposer de pouvoirs autrement plus vastes, mais jamaisils n’avaient souhaité les partager.
Que faisaient-ils le reste du temps ? Personne, depuis leur invention accidentelle par les physiciens humains de l’académie d’Io, nele savait. Ces derniers avaient cherché à perfectionner des supercalculateurs et non à développer un moyen de locomotion. Leurspouvoirs se justifiaient par une théorie abstruse selon laquelle uneinfinité d’atomes spirituels constituaient le sous-jacent de l’univers.Chacun disposait d’un point de vue sur l’être, particulier et unique— à l’image des différents angles permettant de découvrir une ville— et constituait sur tous les autres une parmi l’infinité des perspectives possibles, les contenait, pour ainsi dire, de manière partiellemais bien réelle. Dans une telle perspective, tout s’interconnectait,et une solidarité subtile tenait ensemble cet infini. L’espace et letemps n’existaient pas. Ils n’étaient que la transcription, au sein de la confuse sensibilité des animaux, des humains et de leurs successeurs artificiels, des différences conceptuelles.
Le modulateur de bâbord s’activa, tandis que son jumeau sereposait du précédent saut, intervenu trois quarts d’heure auparavant.
Il se concentra sur la délicate structure des alentours et observala manière dont s’organisait la trame de l’univers dans l’environnement immédiat de la Nef.
Expression.
Chaque point exprimait adéquatement tous les autres. Le discret se lisait dans l’ordre du continu, ce qui effaçait la différenceentre le proche et le lointain. L’axiomatique implicite du mondeétait complète et cohérente. Aucune propriété n’échappait aumodulateur. Rien d’irrationnel. Rien d’ineffable.
Torsion.
Modifier les caractéristiques d’un point revenait à transformertous les autres. Par un artifice mathématique, lointain cousin ducalcul différentiel, le modulateur modifia à la fois les points dedépart et d’arrivée pour faire coïncider, temporairement, leursperspectives.
Translation.
Une vibration dérangeante parcourut la Nef, comme si chaqueminuscule grain de matière ou d’énergie se retrouvait dans uneposition inconfortable. Les monades se réalignèrent, le mondechangea, dans un jaillissement de particules exotiques, et la machinerie de la poupe se réarma pour un nouveau cycle de déplacementinstantané.
 
###
 
Lorsque la désagréable impression de dislocation le traversa,Othon leva les yeux pour observer le changement dans la configuration des étoiles. Il se trouvait dans le vaste amphithéâtredont il avait fait sa salle d’observation en le couvrant d’un dômetransparent. Assis sur les gradins en pierres antiques entourés de deux niveaux d’arcades, le Dieu était resté seul à méditer pendantl’approche de l’Urbs. Son esprit était capable d’identifier les légersglissements de position affectant certaines étoiles proches. Mais lagalaxie, visible sous la forme d’un long ruban scintillant, changeaà peine. Il laissa son esprit s’abîmer dans ce spectacle.
La Voie lactée. Vagina gentium 3 , la matrice des peuples, et lasource du danger. D’ici, presque de l’extérieur, cela ressemblait àun réseau cristallin de points brillants, d’une beauté stupéfianteet glacée. L’Humanité avait grandi à la bordure tranquille de laGrande Spirale, où les étoiles demeuraient rares, et l’énergie contingentée. Sur cette grève, au-delà de laquelle il n’y avait que le désertfroid entre les super-amas galactiques, l’Homme avait pu prospérer à l’abri du danger. Mais les signes, subtils, ne trompaient pas.La vie foisonnait, là-bas, vers le bulbe central, baignée dans undéluge continuel de radiations nourricières. De grandes batailleséclataient parfois, étendues sur des volumes de mille katétophotèsd’arête , mettaient en jeu des explosions capables de souffler dessoleils entiers. Les peuplades se dévoraient entre elles, jusqu’à ceque le plus puissant chasse les autres de son nouvel espace vital,ce qui les forçait, eux aussi, à se ménager une place par les armes,et ainsi de suite. Le processus qui avait mené les barbares à entamer leur migration vers l’espace posthumain avait pu démarrerdes centaines de milliers d’années auparavant, et mettre en jeu unnombre invraisemblable d’espèces. La terreur et la violence se propageaient ainsi, de civilisation en civilisation, chacune repoussantles suivantes, jusqu’aux bords mêmes du monde.
Othon se battrait pour maintenir l’intégrité de l’espace épanthropique, de ce Latium étendu à l’échelle stellaire. Sa création,dans une profonde et froide forteresse pierreuse, n’avait eu d’autreobjectif que d’offrir à l’Humanité l’ultime guerrier. Il se considérait comme l’incarnation parfaite et l’exemplaire final d’une longue lignée de combattants que l’histoire avait offerte au monde.L’antique puissance de destruction, l’instinct de mort et le désirde gloire, l’intelligence tactique portée au plus haut point —cristallisés en un unique esprit. Parmi les noèmes survivants del’Hécatombe, les généraux de l’antique

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