Le prix de ma peau
158 pages
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Le prix de ma peau , livre ebook

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Description

Jeune étudiant, l'auteur fait la connaissance de façon fortuite des angbins, génies de la forêt, qui le plongent dans un coma artificiel profond. Comme dans un songe, il appartient désormais à la race des hommes verts habitant sur le continent Carbol. Un continent dont l’histoire se superpose parfaitement à celle de tous les pays pauvres du monde, singulièrement à celle de l’Afrique. Pour poursuivre ses études universitaires, il va au Nalgo, la Métropole, pays hyper-développé, situé sur le continent Blofosse, lui-même occupé par des hommes à la peau orange...
Une fois au Nalgo, il découvre le seul problème de la vie humaine qui n'a jamais trouvé de solution : l'interprétation erronée des différences, surtout de couleurs de peaux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 juin 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332686343
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-68632-9

© Edilivre, 2014
Le prix de ma peau


Il faisait beau temps ce matin. Comme tous les mercredis, le village s’était vidé de ses habitants au profit de la grande ville où se déroulait le marché hebdomadaire. La veille, mon père avait oublié sa pipe au champ, sur le tronc d’un okoumé qu’il avait laborieusement abattu en vue d’y tailler sa pirogue. Il m’envoya la chercher. La machette dissimulée sous le bras, je marchais sur le sentier, à travers la forêt. Le feuillage dru des hauts arbres m’isolait de la chaleur étouffante qui montait en intensité au fur et à mesure que le soleil prenait de la hauteur. Ce jour-là, il n’y avait pas assez de vent et tout semblait se reposer dans la fraîcheur naturelle. Tout à coup, un bruit de feuilles sèches rompit le calme de la forêt. Trois petites créatures se dirigèrent vers moi, l’air grave. La petite distance qui les séparait de moi ne me permit pas de fuir. Une peur viscérale parcourut, à la vitesse d’un éclair, ma colonne vertébrale. C’était la première fois que je me trouvais nez à nez avec des angbins , génies de petite taille qui pullulent dans nos régions et dont la force légendaire défraie la chronique villageoise.
– Bonjour jeune homme ! me saluèrent-ils ensemble.
Je fis un effort surnaturel pour contenir mon émotion.
– Bonjour messieurs ! répondis-je, avec tous les gestes que la tradition m’avait enseignés de respectueux.
Celui qui paraissait être leur chef se détacha du groupe pour se placer tout près de moi.
– Où allez-vous ? m’interrogea-t-il.
– Je vais à notre plantation, répondis-je.
– Vous ne savez pas qu’aujourd’hui est anan’mlan – mercredi sain – jour sacré où les humains ne doivent pas travailler au champ ?
– Je le sais parfaitement. Et c’est pour cette raison que je ne suis pas venu pour travailler. Mon père m’a envoyé chercher sa pipe qu’il a oubliée dans le champ hier.
– Je l’espère bien, aujourd’hui est un jour qui nous est exclusivement réservé. C’est le jour où nous sortons pour faire nos activités.
Un de ceux qui étaient restés à l’écart vint chuchoter quelques phrases à l’oreille de mon interlocuteur et alla reprendre sa place. J’en profitai pour faire sortir de ma poche le petit flacon rempli de poudre de tabac que mon père m’avait remis et que j’avais gardé, par-devers moi, pour l’empêcher de le priser. Connaissant les effets néfastes de la nicotine pour les avoir étudiés à l’école, mon souci avait toujours été de l’empêcher, autant que possible, sans lui manquer de respect, de consommer trop de tabac. Je m’accrochai à l’idée que cet altruisme allait me servir d’échappatoire, car, selon les dires des anciens, les angbins étaient friands de ce produit. Je lui en donnai. Il le renifla et se mit à éternuer. J’en mis quelques pincées dans la paume des deux autres. Au lieu de le priser comme le premier, ils choisirent la voie orale et, avec une habileté extraordinaire de la langue, en firent des boules qu’ils placèrent dans le coin des lèvres.
Après que ses éternuements lui eurent laissé un peu de répit, le chef angbin continua :
– Vous, les hommes, vous ne tardez pas à violer les lois de la nature.
– Non, croyez-moi, je les respecte et vous respecte également, le rassurai-je.
Le timbre de ma voix s’affaiblit à la fin de cette phrase. Une tension douloureuse et brûlante, une sorte de crampe se saisit des muscles de mon bas-ventre. Mon estomac et ma vessie s’apprêtaient à se vider de leur contenu. Je commençai à transpirer abondamment. Fort heureusement, sentant la peur me malmener, il s’adoucit en disant :
– Calme-toi, petit.
À ce moment précis, le ténesme qui me malmenait cessa subitement. De même que la pression vésicale.
– Nous savons bien que tu nous respectes, continua-t-il. Cela fait des mois que nous te suivons. Nous te connaissons plus que tu ne le crois. Tu as un comportement de profond respect que nous apprécions. Nous savons que, pour toi, les études sont un moyen de réussite sociale qui ne doit pas t’éloigner de la ligne de conduite que tes ancêtres et tes parents t’ont inculquée. Nous sommes par ailleurs au courant qu’un jour, tu vas partir à l’étranger pour terminer tes études. Notre rencontre avec toi, ce jour, est le dernier test, l’ultime épreuve, la conclusion de tout un long processus de choix. Le fait de nous avoir donné spontanément la poudre de tabac montre que tu as l’esprit du partage. Nous allons te faire vivre une expérience qui te permettra de voir combien l’homme empêche l’homme de mener correctement sa vie à cause de son égoïsme et son esprit conquérant. Tout ce qui se passe sur la terre aujourd’hui démontre que la loi de l’Amour, seule capable de créer l’Harmonie entre les hommes de toutes les couleurs, donc l’Équilibre du monde, n’est pas respectée. Bon nombre de tes semblables sont accrochés au dieu argent et ne se soucient pas des problèmes d’autrui. Tournez le dos à l’égocentrisme et assistez-vous mutuellement. Arrêtez de croire que les autres sont moins que vous. Souvenez-vous que « même un cheveu a son ombre ». Cherchez à l’intérieur de votre prochain ce qu’il y a d’Humain et construisez ensemble un monde d’Amour et d’Harmonie. C’est de cette seule manière que vous pourrez perpétuer votre existence dans le monde.
Tu rencontreras des personnes qui t’aideront à mener à bien cette tâche d’observation que nous t’assignons. Ton principal rôle est de la matérialiser, après, sur des bouts de feuille, afin qu’elle serve de mémoire aux générations futures.
Malgré le calme apparent que j’affichais désormais, au fond, je continuais à trembler comme une feuille. L’idée de cette expérience me préoccupait d’autant plus que j’ignorais absolument sa nature !
Il alla cueillir des feuilles, les écrasa dans ses paumes et en pressa le liquide dans mes narines. Un tourbillon de particules lumineuses enveloppa tout mon corps. Je perdis le contrôle de tous mes sens. Dans l’impossibilité d’opposer la moindre résistance à ce qui m’arrivait, je tombai dans un coma profond…
… La transition fut rapide et suave. Ma vie continuait normalement, comme si cette rencontre n’avait pas eu lieu. Le seul changement notable était que j’appartenais désormais à la race des hommes verts habitant sur le continent Carbol, un continent dont l’histoire se superposait parfaitement à celle de tous les pays pauvres du monde, singulièrement à celle de l’Afrique. Sa richesse, sa liberté, ses pensées… ne lui appartenaient plus. Son passé, son présent, son futur… étaient dans les mains de son colonisateur, le continent Blofosse . Même son bon climat avait failli à l’enlèvement.
Comme prévu dans mon cursus universitaire, je me préparais à aller poursuivre mes études au Nalgo , la Métropole, pays hyperdéveloppé, situé sur le continent Blofosse , lui-même, occupé par des hommes à la peau o range…
I
… L’avion avait regagné le vide et planait au-dessus de la chaîne des nuages. Une foule de voyageurs insouciants, indifférents à l’inexprimable tristesse dont j’étais l’objet en ce mois d’octobre, faisait ses allées et venues d’une cabine à l’autre. À côté du hublot, un homme, victime d’un malaise, vomissait pendant qu’une dame, apeurée, s’agrippait aux accoudoirs de son siège. Les hôtesses de l’air, le visage animé par un sourire avenant, s’affairaient autour de nous, distribuant gentillesse et nourriture à volonté. Un enfant, sans doute fatigué par les préparatifs du voyage, dormait paisiblement sur les genoux de ma voisine, le pouce entre les dents. La mine renfrognée, le regard hagard, je revivais cette scène du village où mon père, après la libation et autres sacrifices rituels, me prit à tour de bras, me serra très fort contre sa poitrine, sous les yeux affligés des autres membres de la famille. Pour la première fois, je vis des larmes parcourir ses joues, dévaler les sillons allant de chaque côté du nez jusqu’aux commissures labiales pour se croiser à la pointe du menton, avant de s’évanouir dans la serviette qui entourait son cou. Il se retourna rapidement et s’éloigna en disant : « Mon fils, va en paix, nous sommes avec toi ». Je revoyais ma mère m’observer avec insistance pendant toute la cérémonie d’au revoir, le cœur meurtri. Depuis que la nouvelle de mon départ au Blofosse était parvenue à ses oreilles, elle avait perdu le goût de la plaisanterie. Un morceau de pagne attaché autour de la taille, sous sa camisole, exerçait une légère pression sur son ventre vide et noué, lui permettant de résister à la faim ainsi qu’à l’angoisse qui la tourmentaient. Voir son fils, son « bébé », partir si loin du cercle familial était pour elle une pilule difficile à avaler. « Une maman a beau dormir dans sa chambre en fermant la porte à double tour, ses pieds se trouvent toujours dehors », disaient souvent les sages du village. Une partie de sa chair s’éloignait d’elle, portant ainsi atteinte à sa fibre maternelle. C’était un handicap social.
Je volais irrémédiablement vers l’inconnu, comme attiré par l’action d’un aspirateur géant. Tout mon être était en proie à une torpeur indicible. On aurait dit que je sortais d’une bataille farouche où j’étais le seul survivant. Ma tête était lourde d’émotion. Je voulus esquisser une conversation avec ma voisine, mais aucun son ne sortait de ma gorge étranglée. Finalement, je décidai d’enterrer ma souffrance dans un sommeil réparateur. Je fermai à peine les yeux quand les pleurs du môme suceur de pouce qui venait de se réveiller me firent sursauter. Tous les efforts que je fis pour me rendormir furent vains ; surtout que, par moments, les secousses dues aux zones de turbulence traversées par l’appareil me faisaient tressaillir.
Il était

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