Les Fantômes n’ont pas de pudeur
170 pages
Français

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Les Fantômes n’ont pas de pudeur , livre ebook

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Description

"Sans oser imaginer le pire, Mahon se hasarda à tourner son regard vers les félins. Le roi des animaux était en éveil. Assis sur ses pattes arrière, il secoua la tête entre deux soupirs pour chasser les insectes qui lui manquaient de respect. La lionne fut la première à se lever, rapidement suivie des lionceaux. Elle s’approcha lentement du maître, avant de se laisser choir tout près de sa progéniture. Les branches du buisson se remirent à trembler. Pourtant, nul souffle de vent, nul courant d’air."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387551
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Fantômes n’ont pas de pudeur
Arny Iancu
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Les Fantômes n’ont pas de pudeur
 
 
 
À Geneviève.
 
 
 
 
I. Delta de l’Okavango, Botswana
 
 
 
Il faisait encore nuit lorsque la silhouette de la Land Rover décapotable franchit, tous feux allumés, la barrière de l’« Impala Lodge ». La voiture avançait lentement sur le chemin de brousse, taillé et ondulé, s’enfonçant dans le sable fluorescent. Le ronronnement monotone du moteur s’intégrait aisément dans le silence omniprésent, ponctué de cris d’oiseaux désespérés ou de mugissements de félins, affirmant leur suprématie sur les autres espèces vivantes de la savane.
 
Dans les virages, le tout-terrain penchait dangereusement dans un bruit de moteur à la peine. Une odeur étouffante de gasoil brûlé enveloppait les passagers, pour s’évanouir ensuite, dès que la voiture redressait son museau à l’assaut des lignes droites. L’air matinal récupérait alors instamment sa pureté enivrante et se laissait humer, puis respirer à pleins poumons en même temps que des milliers d’essences tropicales qui s’échappaient des feuillages à moitié endormis.
 
 
Sur la banquette arrière, deux ombres imbriquées l’une dans l’autre paraissaient insensibles au spectacle qui défilait dans cette demi-teinte d’aurore fragile.
— Je vois des empreintes toutes fraîches de lion, dit Mahon, le chauffeur, qui scrutait la piste avec attention. Il tourna la tête vers les passagers et, le doigt croisé sur les lèvres en signe d’instruction, dit : « Silence, s’il vous plaît ! »
La voiture s’immobilisa aussitôt, le moteur se tut. Le silence était si épais qu’ils entendaient les battements de leur propre cœur. De brefs souffles de vent faisaient vibrer les branches d’un léger susurrement. Les doigts sur la clé de contact, Mahon, mi-tendu, mi-déçu pour ses deux passagers, épiait attentivement les environs.
— Je suis sûr qu’ils sont tout près ! affirma-t-il, comme pour en appeler au sort.
Il remit, à regret, le moteur en marche. Le 4x4 reprit, sans enthousiasme, sa tournée éprouvante sur la piste. Dans les virages les plus serrés, les roues arrière tournaient rapidement sur elles-mêmes, le temps que la voiture reprenne de l’élan et se dégage du sable onctueux. De nouveaux rayons de lumière aux reflets ocre-rouge inondaient massivement un ciel déjà lumineux, alors que des flaques d’obscurité s’attardaient encore au centre des buissons les plus denses.
 
Accrochées d’une main à leur siège, les deux ombres, éclairées subitement de la lueur du jour, ressemblaient à un homme et une femme entrelacés, émus de se retrouver après une longue absence. Parfois, leurs lèvres vibraient. Était-ce l’un de ces mirages dont la savane regorgeait au petit matin ? Soudain, la voiture fit un crochet sur le bas-côté de la route et s’immobilisa dans un crissement de pneus. Visiblement fier de lui, Mahon pointa énergiquement du doigt vers le buisson le plus proche, en affirmant :
— Regardez droit devant vous ! Ne bougez surtout pas ! OK ?
 
Suivant ses conseils, l’homme écarta lentement son visage de sa compagne. Il posa un regard scrutateur vers les branches du buisson indiqué. Dépouillées de leur feuillage, elles se balançaient au gré du vent qui les effleurait.

À quelques mètres du véhicule, devant ledit buisson, une lionne caressait du regard ses petits, tout occupés à achever les restes d’une antilope. De temps à autre, elle levait délicatement les yeux et humait l’air à la recherche de quelque odeur d’éventuelles proies qui se hasarderaient à s’approcher. C’est alors qu’elle se leva, s’éloigna de quelques pas de ses lionceaux, tous sens en alerte, puis revint parmi les siens.
De l’autre côté du buisson, un mâle dominant, assis sur un monticule de terre battue qui lui servait de trône, jouissait, marmoréen, de ses prérogatives royales pour interdire tout passage à des véhicules que le destin aurait conduit sur ce chemin de brousse. Plongé depuis la nuit dans une de ses méditations coutumières, il ne sembla éprouver aucune gêne par la proximité soudaine d’humains sur son territoire. Il fit même mine d’envelopper son clan une dernière fois du regard, avant de s’abandonner goulûment à un sommeil bien mérité.
 
— Avez-vous déjà vu pareille merveille ? interrogea, dans un souffle, Mahon, fier de sa découverte. Surpris qu’un spectacle de cette rareté ne suscitât que la retenue, il tourna légèrement la tête vers l’arrière. Quelle ne fut sa surprise de n’apercevoir qu’une seule silhouette sur la banquette : l’homme avait disparu ! N’en croyant pas ses yeux, il se retourna de nouveau, cachant mal l’immense frayeur qui l’envahissait, derrière un mauvais sourire de circonstance.
—  Where is he ? hurla-t-il sans management. Où se cache-t-il ? Derrière vous ? À quoi joue-t-il ?
Il ne reçut, en guise de réponse, que l’expression étrange d’un masque noir qui couvrait le visage de la passagère : les traits, tendus sur les pommettes, se plissaient autour des trous qui laissaient percer des yeux mobiles et inquiétants. Ils exprimaient étrangement à la fois un désespoir démesuré, proche de l’hystérie, et un apaisement solennel. Ces sentiments contradictoires semblaient coexister mystérieusement.
—  Where is your man, miss ? s’efforça-t-il d’articuler.
La femme ne répondit pas. Elle souleva légèrement le menton, puis inclina la tête. Esquivait-elle la question du chauffeur ou s’efforçait-elle d’indiquer, par ces mouvements, que son compagnon venait de sauter du 4x4 pour se jeter dans la gueule des lions ?
Sans oser imaginer le pire, Mahon se hasarda à tourner son regard vers les félins. Le roi des animaux était en éveil. Assis sur ses pattes arrière, il secoua la tête entre deux soupirs pour chasser les insectes qui lui manquaient de respect.
La lionne fut la première à se lever, rapidement suivie des lionceaux. Elle s’approcha lentement du maître, avant de se laisser choir tout près de sa progéniture. Les branches du buisson se remirent à trembler. Pourtant, nul souffle de vent, nul courant d’air.
 
C’est alors que s’offrirent au regard circulaire de Mahon deux jambes humaines, éloignées l’une de l’autre de quelques mètres, preuve indubitable d’un drame qui venait de se dérouler, dans un silence que des cris d’oiseaux perforaient, comme pour en signifier l’horreur.
 
 
 
II. Neuilly-sur-Seine, France. Six mois plus tard
 
 
 
La Rolls-Royce du président-directeur général de la McGregor International roulait à vive allure sur le bitume fraîchement arrosé. Le jour venait à peine de se lever. Un ciel, désespérément gris, ajoutait une dose de gravité à un début de matinée déjà sombre.
Le passager de marque, effondré sur la banquette arrière du cabriolet, se faisait conduire au domicile de la veuve de Sir Chesterfield, ancien président de la compagnie.
— Jean, lui avait-elle dit la veille au téléphone, j’ai à vous parler ! Je vous attends demain à déjeuner. À treize heures, cela vous conviendrait-il ?
— C’est absolument impossible, madame ! Je quitte Canberra dans l’heure. Je n’arriverai à Roissy que demain matin. De plus, je dois présider une réunion extraordinaire du comité de liaisons et perspectives.
— Alors, venez directement de l’aéroport, Jean ! Nous prendrons le petit déjeuner en tête-à-tête.
— Je suis vraiment désolé, madame, cela aurait été avec grand plaisir, mais ce n’est tout simplement pas possible. Je suis, bien évidemment, très touché de votre invitation.
— Il n’y a pas de « mais » qui tienne, Jean ! Et puis, soyez gentil, épargnez-moi ces excuses circonstanciées, pratiquées tant de fois par mon pauvre mari ! May his soul rest in peace !
 
Lady Chesterfield devint subitement plus personnelle.
— De toute façon, j’ai à vous parler, Jean, c’est urgent ! J’ai des choses à vous remettre, en mains propres, crut-elle bon d’ajouter, sûre de son effet. À demain alors. Votre heure sera la mienne !
 
La conversation cessa brusquement.
 
La perspective de revoir Brenda Chesterfield, six mois après le présumé suicide de son époux, le rendait profondément mal à l’aise.
Que s’était-il passé, en vérité, un beau matin de printemps, dans le delta de l’Okavango, au Botswana ?
 
Les avis divergeaient. Des bruits accablants soutenaient l’idée d’un crime pervers, commandité et exécuté par la compagne de Winston Chesterfield, jeune nymphette aux appétits sexuels toniques. Cherchait-elle l’ultime preuve d’amour en incitant son amant à commettre l’irrémédiable ?
Les diverses enquêtes en cours, déroulées en collaboration avec Interpol, allaient pourtant dans le sens d’une disparition crapuleuse.
 
Or, le dénouement de ces investigations se heurtait, depuis quelques mois déjà, à un cul-de-sac incontournable. Les enquêteurs venaient de découvrir un trafic d’instruments de musique de très grande valeur. D’importants soupçons pesaient dès lors sur les protagonistes du drame.
Enfin, revoir Brenda Chesterfield dans les circonstances actuelles signifiait la regarder droit dans les yeux et qui sait…
Or, Jean-Pierre Dubertrand, âme sensible, éduqué dans des établissements religieux où la rigueur morale avait droit de cité, n’ignorait pas que Winston Chesterfield aimait à s’entourer de créatures féminines attrayantes.
 
— On y sera dans combien de temps, Ernest ?
— Dans moins de cinq minutes, monsieur le président.
— Voulez-vous bien ouvrir la vitre, Ernest ?
Le bruit strident d’une mobylette le fit sursauter.
— Elle est vivante, Ernest, n’est-ce pas ?
— Je ne sais pas de qui v

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