Nouvelles brèves et bizarres
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Nouvelles brèves et bizarres , livre ebook

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Description

Recueil de quatorze nouvelles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 novembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312005706
Langue Français

Extrait

Nouvelles brèves et bizarres
Philippe Lussiez
Nouvelles brèves et bizarres



Les éditions du net
70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux


















© Les Éditions du Net, 2012
ISBN : 978-2-312-00567-6
Le voyage
Ce fut le heurtoir de la porte d’entrée qui réveilla Emile ce jour-là. Bondissant de son lit en jurant contre son réveille-matin qui ne s’était pas déclenché, il se précipita dans l’escalier pour ouvrir violemment à sa femme de ménage qui émit un petit cri en sursautant. Il marmonna un vague « Bonjour » ainsi qu’un « Excusez-moi » approximatif et s’élança comme un fou dans la salle de bains pour y faire une toilette rapide. Fort heureusement, il avait préparé sa valise la veille aussi, une fois prestement habillé, il n’eut plus qu’à sortir de chez lui comme une flèche pour courir en direction de la gare.
Pour arranger les choses, il pleuvait à seaux mais par bonheur, le train avait du retard. Bien qu’Emile aurait dû parvenir cinq minutes trop tard selon l’horaire prévu, il jaillit sur le quai, rouge, hors d’haleine, dégoulinant d’eau et de sueur, alors que le convoi brillait par son absence. Cette chance devint rapidement une sombre déveine car le décalage s’accumula et c’est finalement deux heures après son arrivée à la gare qu’il entendit enfin le souffle de la locomotive. Emile était dans tous ses états : le train n’était que le début d’un long voyage. En effet, arrivé à Cherbourg, il devait se rendre au port afin d’embarquer pour New York après une traversée de plusieurs jours sur un superbe navire.
Enfin assis sur la banquette d’un wagon bruyant et enfumé, Emile se détendit et repensa à son billet de croisière, en première classe, qu’il avait gagné dans une loterie. Il n’était qu’à moitié surpris d’avoir remporté ce prix de marque, car la chance avait été, en toutes circonstances, son lot depuis sa naissance. C’est pourquoi les évènements de ce matin l’avaient fortement étonné et contrarié, il n’était pas habitué à un tel enchaînement d’incidents désagréables propres à un vulgaire malchanceux. Malgré ces retards successifs, il se dit en souriant qu’après tout, il aurait toujours assez de temps pour rejoindre son bateau. Il écourtera voire supprimera totalement la promenade en ville qu’il avait prévue, un point c’est tout. Ainsi rassuré sur la suite des évènements, il mit deux doigts dans son gousset pour y chercher sa montre mais en vain. Il s’affola une fraction de seconde puis la revit trônant sur le buffet où il l’avait laissée la veille au soir. Tranquillisé mais dépité par ce nouvel incident, il se consola en se promettant d’en acheter une nouvelle dès qu’il serait arrivé à destination, dans la Cinquième Avenue de préférence. Il ferma les yeux puis s’assoupit.
Emile parvint à Cherbourg dans le milieu de l’après-midi après un parcours sans autre contretemps. Il descendit de son wagon et se dirigea rapidement vers l’escalier qui menait à l’extérieur. Ce fut à ce moment précis que la serrure de sa valise céda dans un craquement sec. La mallette s’ouvrit largement laissant échapper le linge soigneusement plié la veille. Sous les regards mi-amusés mi-compatissants des voyageurs, Emile se mit à ramasser vivement ses affaires pour les ranger en vrac mais, trop pressé, il manqua une marche et dévala le reste en compagnie de son bagage. Allongé immobile au pied de l’escalier, Emile était passablement étourdi et hébété. C’est alors que des témoins de la scène appelèrent les secours et peu après, sans qu’il ait son mot à dire, une ambulance l’emmena à l’hôpital.
Il sortit de sa torpeur dans une chambre blafarde qu’il ne reconnut pas puis se souvint de sa mésaventure. Il était allongé sur un lit, seules ses chaussures lui avaient été retirées. Regardant la pendule murale avec angoisse, il se rasséréna immédiatement, car elle marquait dix-huit heures alors que son bateau ne partait que vers vingt heures. Emile se sentait fortement contusionné mais apparemment il n’avait rien de cassé. Le médecin de garde venu l’ausculter lui confirma son bon état de santé et lui conseilla de se reposer un peu avant de repartir.
— Je partirai vers dix-huit heures trente , dit Emile au docteur en dirigeant son regard vers l'horloge.
— Comme vous voulez mais ne faites pas attention à la pendule, elle a toujours plus d’une heure de retard… précisa l’interne en quittant la pièce.
Comme si la foudre l’avait frappé, Emile resta interdit, les yeux hagards rivés sur le cadran rond. Puis, dans un sursaut d’énergie, il se chaussa, se jeta sur sa valise, la ferma avec l’un des cordons du rideau qu’il noua et sortit de sa chambre en se précipitant. Dehors, il faisait nuit et froid et il lui fallait se diriger vers le port. Il courut au hasard en direction de grues dont la silhouette se détachait sur le ciel étoilé. Auprès d'un passant, il se fit confirmer la direction à prendre et un autre le renseigna sur l’heure. Dix-neuf heures cinquante. Vite, il remonta une immense avenue à en perdre haleine. Il parvint sur le port de marchandises. « Malchance, encore » se dit-il. Il s’égara au milieu des quais, aperçut une horloge qui indiquait vingt heures cinq et redoubla de vélocité. Puis ce fut la capitainerie et l’embarcadère tant espéré. La foule l’empêchait d’avancer, il bouscula, piétina, se fit huer voire agonir en termes indélicats. Il tenait sa valise au-dessus de la tête et la posa violemment sur le guichet d’embarquement. Il chercha son billet, ne le trouva pas, s’énerva en fouillant dans ses affaires, mit enfin la main dessus et le tendit fiévreusement à un employé en poussant un profond soupir.
Interloqué par l’attitude de ce passager, le préposé regarda le ticket d’abord avec suspicion puis avec une mine gênée. Emile s’impatientait visiblement, la pendule du guichet indiquait vingt heures quinze.
— Monsieur… Votre bateau … commença le guichetier de la compagnie maritime.
— Quoi mon bateau ! répliqua Emile de manière peu aimable .
— Il… Il a quitté le port depuis un bon quart d’heure !
Une chape de plomb tomba sur les épaules d’Emile, le monde s’effondrait autour de lui, il avait l’impression d’évoluer dans un cauchemar. Quinze minutes de retard ! Qu’était-elle devenue cette chance légendaire que tous ses amis, et lui-même lui attribuaient ? Depuis le début, cette journée n’avait été que malchance, guigne et déveine.
Devant la mine déconfite d’Emile, l’employé lui sourit et lui dit :
— Monsieur, ne vous tracassez pas : j’ai deux bonnes nouvelles. Premièrement votre billet se termine par 188 et selon le tirage au sort que nous avons effectué ce matin, vous gagnez une nuit et tous vos repas dans le meilleur hôtel de la ville aux frais de la compagnie. De plus Mon sieur, comme votre embarquement est encore valable, je vous propose de partir demain onze avril 1912 à quatorze heures trente sur un autre bateau. Il est un peu moins luxueux mais il vous sera toujours possible de prendre le Titanic une autre fois…
L’ascenseur
Ce jour-là, Evelyne était sortie pour aller déjeuner dans une pizzeria qu’elle connaissait bien, assez loin de chez elle mais située au centre du quartier commerçant qu’elle affectionnait particulièrement. Elle avait ensuite passé son après-midi à traîner dans les rues, à fureter dans les grands magasins, à fouiller dans les étals à la recherche de l’objet ou du vêtement qui lui aurait soudainement paru indispensable et incroyablement bon marché. Evelyne aimait cette période de Noël. Les artères illuminées, les vitrines flamboyantes, les passants chargés de paquets cadeaux, l’odeur des pralines et des châtaignes grillées, le froid vif, la musique et les annonces publicitaires, tous ses sens étaient alors à l’affût. Ce fut bien après la tombée de la nuit, tout en se promenant seule dans la ville et les yeux écarquillés comme ceux des enfants qu’elle croisait, que la jeune femme ressentit soudain le vent glacial pénétrant et qu’elle décida de rentrer.
Elle pouvait revenir chez elle en bus mais elle se dit qu’elle aurait encore plus froid à attendre dans l’abribus que de marcher énergiquement. Ce qu̵

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