Presque parfaite

Sandra Gougeon

Description

Elizéa était presque parfaite, mais un événement change la donne. De la Corse au Berry, sa perfection se dégrade. L'amour la frôle, entre désir et folie. L'homme est un requin. La sorcellerie s'en mêle... Aux côtés de son amie d'enfance Roxana, se vengera-t-elle ?

Sujets

• Science Fiction
• Fiction

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 07 juin 2018
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782414230938
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
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ISBN numérique : 978-2-414-23091-4

© Edilivre, 2018
« La vengeance qu’on exerce sur le méchant est une réparation qu’on fait à la vertu. »
–
Napoléon Bonaparte
A tous les hommes qui regrettent,
A tous ceux qui se battent pour les femmes,
A toutes celles qui ont saigné par eux,
A toutes celles qui ont pardonné,
A celles qui acceptent et celles qui refusent,
A toutes celles qui ont rêvé de se venger sans jamais le faire,
A celles et ceux qui font de l’amour un jardin d’Eden et pas un lieu de compétition, de violences et de salissures,
A toux ceux qui continuent de rêver,
A l’enfant que je suis fière d’être,
A mes racines corses qui ont fait grandir mon arbre de vie,
Aux hommes que j’aime ici et dans l’après-vie,
A ceux qui m’ont protégée,
A ma famille, pour tout l’amour qu’elle a et qu’elle m’a donné…
I ère partie
Chapitre 1
La perfection n’est pas un art mais un don.
Elizéa ne le savait pas, mais elle était presque parfaite.
Lisa pour les intimes.
Jolie sans excès, le charme pétillant de l’enfance au fond des yeux, son sourire suffisait à vous transporter dans un autre monde. Instruite et intelligente avec une capacité d’adaptation hors du commun, elle enchantait le monde par sa surprenante façon d’être complète. Aimante et câline, multipliant les douces caresses dans les cœurs et déposant en chacun une confiance moelleuse et réconfortante, elle était l’épaule la plus douce et la plus ferme qui soit. Souriante chronique et naturellement drôle, elle avait le pouvoir d’illuminer les âmes les plus sombres.
Lisa, à 20 ans, était presque parfaite.
Une démarche dansante, une voix légère comme un murmure, des petites mains fines et secrètes capables en un simple frôlement de donner plus que toutes les étreintes du monde. Lisa était une artiste à sa manière. Tout en elle était mélodie et apparente harmonie… Concentré de grâce divine, personnage fictif appartenant au monde des légendes car trop improbable pour avoir une existence réelle, Lisa était une princesse héritière des grandes héroïnes mythiques.
Lisa était presque parfaite.
Presque… Parce que la perfection a quelque chose de terrifiant… Lisa portait en elle un mystère, quelque chose d’inconscient avec lequel on naît, avec lequel on vit sans savoir qu’on est un être exceptionnel. Elle l’était mais elle l’ignorait.
Lisa était presque parfaite. Elle aurait pu l’être complètement s’il n’y avait pas eu ce jour… Autrefois, elle avait eu mal, très mal, peut-être trop mal… Elle avait fait quelque chose, elle ne savait plus très bien quoi, mais ce jour-là resterait comme une tâche de naissance sombre et irrégulière qu’aucune magie ne peut faire disparaître.
Chapitre 2 (2 Avril 1988)
L’affaire fait les gros titres du journal insulaire : « une jeune fille de 18 ans battue à mort dans son appartement de Santa Severa. » Quand les journalistes n’ont pas de précisions, ils gonflent leur récit de suppositions dramatiques et intensifient l’horreur pour alimenter les phantasmes d’un imaginaire collectif épris de sadisme. L’hémoglobine n’a malheureusement pas besoin d’être visuelle pour fasciner les foules et se les soumettre. Ce fut le cas pour cette coupure de presse qui insistait lourdement sur la découverte du corps sans vie d’une jeune femme. Le scoop ultime : il y aurait un témoin. Il s’agissait d’une fillette de 6 ans que la victime avait l’habitude de garder en nourrice. Le journaliste évoquait les yeux de l’enfant plantés dans le regard terrifiant d’immobilité de sa jeune baby-sitter. La vérité ? Le journaliste n’en savait rien car à aucun moment il n’avait rencontré la fillette. Mais supposons qu’il ait vu juste…
La petite s’était réfugiée derrière le meuble où reposait l’aquarium quand tout avait commencé. Les enquêteurs avaient tout essayé pour dissiper le trouble et inviter l’enfant à raconter le drame. Elle n’avait dit mot mais ces quelques minutes de vie repasseraient longtemps dans sa mémoire comme une bobine de film que l’on aurait oublié de changer.
Elle avait tout vu ou plutôt tout entendu ; la porte qui claque, le tourbillon de haine quand il est entré, ses hurlements giflant les vaines tentatives d’explications de la belle victime, puis les gémissements supplicateurs sous les coups meurtriers. Les vibrations de cette violence assassine avaient atteint la petite fille comme un écho corporel et l’avaient rouée de frissons. Cachée derrière le meuble, le souffle court et assaillie par des tremblements coriaces, elle entendit :
– Roméo arrête ! Laisse-moi t’exp…
– Crie, hurle, pleure tout ce que tu as mon ange, personne ne peut t’entendre ici. Je t’avais prévenue !
– Tu te trompes, je…
Un bruit sourd, épais et morbide se fit entendre, comme un corps qui se brise en silence.
– Tu es à moi, Manon ! A moi, tu entends, et pour l’éternité !
Quelques plaintes étouffées s’évanouissaient dans l’atmosphère fiévreuse. Le corps de Manon était en train de la quitter mais son esprit semblait danser dans la pièce et s’accrocher pour pouvoir dire ses derniers mots. Elle savait que la petite Lisa entendait et c’est pour elle qu’elle repoussait l’échéance.
– Chut… ma belle ! Là, ce sera bientôt fini. Il le fallait, tu sais bien. Tu n’aurais jamais dû et tu le savais très bien. Tu te rends compte à quoi tu m’as obligé, tu te rends compte ?!! Moi qui t’aime tant… Moi qui t’ai tant donné.
Le petit témoin de la scène releva doucement la tête pour enregistrer à jamais dans sa mémoire les derniers instants de celle qu’elle avait aimé comme une jeune maman. Etendue sur le carrelage froid et le visage maquillé d’un sang pourpre virant au noir, la victime paralysée par une mort trop imminente se laissait caresser lentement les cheveux. Son meurtrier la regardait avec les yeux étincelants d’une folie satisfaite. Son corps athlétique transpirait, comme si les flammes de l’Enfer commençaient déjà à venir le lécher.
– Tu vas me manquer Princesse ! et il s’accroupit sur elle pour lécher le sang de ses lèvres agonisantes.
Et c’est alors que se dessina la destinée de toute une vie planquée pour le moment derrière le gros aquarium.
Manon sourit et Lisa crut voir gigoter dans ses yeux le feu d’une vengeance animale. Ce brasier serait de courte durée, alors Manon dans un dernier souffle murmura :
– Je serai toujours là…
Les yeux de l’affront et de la revanche à venir pétillèrent encore un instant avant de s’éteindre pour de bon. Roméo resta silencieux, sans doute interloqué par la puissance de ces derniers mots. Il se leva enfin et aperçut les petits yeux brillants dans l’espace aquatique. Sans surprise ni peur, il s’approcha de la fillette. Sa bouche se tordit et il lui sourit. Enfin, il prit le visage de l’enfant entre ses mains et lui mit un doigt sur la bouche. Assuré et précis, il lui dit :
– Lisa, les adultes demandent toujours la vérité aux enfants mais eux ne la disent jamais, tu le sais bien. Si tu veux être grande, tu ne diras rien. Tu dois garder le secret parce que de toute façon, quand on est petit et qu’on dit la vérité, on ne nous croit jamais. Je parie que ça t’est déjà arrivé plein de fois d’être accusée de menteuse et punie alors que tu disais juste la vérité, non ?!!
Lisa approuva de la tête.
– Ecoute ma belle, on va faire un pacte tous les deux : on va dire que ce que tu as vu sera notre petit secret à tous les deux, d’accord ?!! Manon a fait quelque chose de très vilain et voilà ce qui arrive quand on fait des bêtises. Tu comprends ?
Lisa approuva de nouveau.
Le bourreau charmant lui caressa alors le visage avec le toucher rugueux de ses gants de cuir noir et partit en vainqueur. Lisa sut qu’elle ne le reverrait que dans ses songes. Elle ne dirait rien, cet Apollon de Roméo lui avait pointé le complexe de Cassandre sur la tempe. Ses moindres gestes l’avaient plongée dans un profond état hypnotique, attirance irrésistible et inexplicable pour ce qui nous effraie et que l’on appelle fascination. Lisa s’approcha de Manon et vit briller dans sa main gauche le petit papillon doré qui était son symbole affectif. Avant que ne débarque toute la cavalerie, elle le prit et le mit en sécurité dans sa poche. Puis elle scruta les yeux de sa baby-sitter et le rictus sur son visage. Jusque dans la mort, elle était rayonnante, belle et redoutable comme la seule pomme rouge d’un panier.
Lisa n’eut jamais plus de nourrice. Le visage fermé comme les masques en plâtre froid des tragédiennes antiques, la petite corse voyait défiler sans cesse les mêmes images. Les mots prononcés formèrent un leitmotiv entêtant qui devint son parchemin secret.
Elle resta muette sur cette histoire, digne comme l’île le lui avait appris. Et puis de toute façon, tout le monde au pays savait qui était l’auteur de cette humiliation : le fameux « pinzutu 1 «. C’est ainsi que, quelques mois plus tard, on apprit la mort « accidentelle » de Roméo qui avait...