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Corée, VIIème siècle. Complots au royaume de Silla.
La Chine des Tang est plus écrasante que jamais. Comment unifier les Trois Royaumes lorsque qu’il faut se méfier de ses frères autant que de ses ennemis ?
Amour, politique, trahison, vengeance, foi, Haneul va devoir apprendre à se servir des armes qui sont les siennes pour survivre dans cette époque chaotique de l’Histoire, où ses croyances sont mises à mal.
Prêtresse du temple Céleste, élevée au sein du palais royal, elle voit ses dieux se faire avaler par un Bouddhisme de plus en plus influent. Ne cache-t-il pas dans son ombre les sombres desseins des Tang qui veulent s’emparer du pays ?
Alors que Silla est plus fragile que jamais, où ira sa loyauté ? À la famille royale ou à la nation ?Haneul, sa soeur l’empoisonneuse, son amant l’écuyer, Mok le prince bâtard, autant de destins qui vont se croiser autour de cette question tragique...
Céline Chevet
Sous les sabots des dieux
1
Editions du Chat Noir
À ma grande soeur et à mon père que j’aime,
L’une pour m’avoir donné l’idée de ce roman,
L’autre pour y avoir cru si fort.
Annexes
Généalogie Simplifiée
Autres personnages
- Gaozong : Fils de Taizong, Empereur de Chine, Dynastie Tang
- Gyebaek : Grand général de Baekje
- Uija : Roi de Baekje
- Yeon Gaesomun : Mangniji de Goguryo, général et dirigeant de la nation Goguryo malgré l’existence du roi
- Kim Alcheon : Ancien Sangdaedeung sous le règne de la reine Jindeok, et noble de rang d’Os Véritable
Contexte historique
Kim Chunchu est couronné roi de Silla en 647. Silla, ayant annexé Gaya en 567, est alors l’un des Trois Royaumes de Corée avec Baekje et Goguryo. Kim Chunchu poursuit le rêve de ses prédécesseurs qui vise à les unifier sous une même bannière. Les tensions sont alors particulièrement fortes entre Baekje et Silla, d’autant plus que les bonnes relations de ce dernier avec les Tang de Chine inquiètent ses voisins.
La culture chinoise laisse d’ailleurs de plus en plus son empreinte dans le paysage politique et religieux de Silla ; soumis à cette influence grandissante, la religion chamanique tend à s’effacer au profit du Bouddhisme que les rois et reines ont d’hors et déjà adopté.
Cette histoire se situe dans une époque troublée, au croisement des croyances, des ambitions et des grandes guerres avant l’Unification.
Système de rang d’Os
Le système de rang d’Os est un système aristocratique utilisé dans le royaume de Silla pour hiérarchiser la noblesse. Il est très complexe et détermine les mariages entre les membres des familles au pouvoir.
Les rangs d’Os Saint sont la lignée royale la plus pure dont la reine Jindeok était la dernière représentante.
Les rangs d’Os Véritable sont inférieurs aux rangs d’Os Saint, ils ne peuvent normalement pas accéder au trône.
Chapitre I
— Dis-moi, si tu croisais la jeune Haneul que tu étais à quinze ans, que lui dirais-tu ?
— Que lui dirais-je…
Je lui dirais que sa vie sera dure et que le monde dans lequel elle évoluera ne lui fera aucune place. Je lui dirais que ceux qu’elle chérit seront ceux qui lui feront le plus de mal, et que ceux qu’elle n’imaginait pas un seul instant pouvoir aimer deviendront sa raison de vivre. Je lui dirais d’être méfiante, car la trahison a tous les visages, mais je lui dirais aussi d’aimer inconditionnellement, car la mort nous surprend toujours dans les moments de doute et nous laisse plein de regrets. Je lui dirais de ne pas fuir comme elle sait si bien le faire, mais plutôt de se battre avec les armes qui sont les siennes. Je lui dirais que le monde au-delà du temple mérite tous ses efforts. Je lui dirais d’enfourcher sa plus belle jument et de partir le découvrir. Courir au vent, loin, très loin de la cour, à cent lieues du palais où la corruption s’éveille, où le sang coule, où toute forme de liberté disparaît. Je lui dirais : cesse de chevaucher tes rêves, franchis les rivières du réel au grand galop, abandonne tes larmes aux portes du passé et vis. Vis pour lui, mais surtout pour toi. Haneul, ta vie sera triste et tragique. Tu ne laisseras rien derrière toi. Mais endure. Endure tout cela et rappelle-toi qu’il n’est pas trop tard pour changer.
*
D’une main experte, Haneul terminait de suspendre les clochettes d’or sur les bûches de bouleau qui serviraient au rituel. Au cœur du bosquet sacré de la colline — le sodo où se déroulerait la cérémonie —, l’autel regroupait la vaisselle d’or et de bronze, les assiettes garnies d’épices, de fruits et de pâtisseries, les brûle-parfums qui troublaient l’air de leurs volutes lactées, les poteries percées de losanges, et les tambours sertis d’anneaux bariolés, prêts à battre le rythme. L’ombre d’un haut poteau délimitant l’entrée du sanctuaire coupait en deux la scène où les chamanes s’affairaient.
L’anxiété lui nouait le ventre, alors que sous la brise naissante, les grelots tintinnabulaient, appelant déjà les esprits à se rassembler. Haneul passa ses longs doigts blancs sur les perles de son collier pour puiser dans le roulement des pierres un peu de la sérénité qui lui manquait.
Les dieux nous observent , songea-t-elle tandis que le bosquet vibrait d’une énergie troublante.
La cérémonie devait se tenir dans quelques heures. Sa mère, Grande Prêtresse du temple Céleste, était en train de se préparer. La danse liturgique pour entrer en communication avec les esprits se déroulerait ici même et, soutenue par le chant des chamanes et le grondement des tambours, la Grande Prêtresse exécuterait le gut en compagnie de la maîtresse des lieux : la reine Munmyeong.
En dépit de sa préférence pour les enseignements bouddhistes, Sa Majesté n’en restait pas moins le chef spirituel de la nation et le peuple semblait rassuré de voir que la famille royale n’avait pas totalement tourné le dos aux anciennes croyances.
Le rôle de Haneul se limitait à préparer le rituel en guidant les servantes, elle ferait également partie des danseuses lors de la première phase cérémoniale. Elle devait son autorité à la Grande Prêtresse qui l’avait nommée songwan , chamane de haut rang. La bienveillance de cette femme de foi était source de quiétude, et malgré la sévérité dont elle faisait preuve, Haneul ne pouvait que bénir ses douces attentions qui lui confirmaient leur lien unique. Bien que la jeune fille eût souhaité l’appeler « Mère », personne ne devait connaître la tragique histoire de la Grande Prêtresse . Ils ne doivent pas savoir, songeait-elle pour refréner sa frustration, ni pour moi ni pour ma sœur. Personne ne doit savoir.
Dès que sa tâche fut terminée, Haneul reprit le chemin vers le temple Céleste. La route descendait de la colline vers le mur d’enceinte de la capitale, Seorabeol, dont les larges monticules funéraires des anciens rois et reines définissaient les quartiers. Aux quatre points cardinaux se dressaient des monastères bouddhistes flambant neufs et l’intérieur même du palais royal de Donggung abritait des dizaines de pagodes de pierre et de Bouddhas gravés. Élevé avec ses dharmas en nouveau protecteur de la Nation, il était à présent si bien intégré au paysage que Haneul se sentait continuellement observée par ses petits yeux de granite. Elle se rendit sur le chemin fortifié qui menait à la porte de Jade, à l’ouest du palais, puis passa l’entrée du temple Céleste. La large porte rouge dans son dos, elle traversait prestement la cour pavée jusqu’au hall central, elle bifurqua alors pour pénétrer la loge de sa mère qui se préparait à la cérémonie.
— Que les Cieux vous inondent de leur grâce, murmura-t-elle à l’oreille de la Grande Prêtresse qui nouait un ruban blanc dans ses longs cheveux noirs.
Haneul l’aida à enfiler les colliers de verre, ajusta les gogok — virgules de jade, symboles de pouvoir et d’autorité —, plaça la couronne sur sa tête en vérifiant que l’anneau d’or lui cerclait le chef. Elle redressa les bois de renne qui s’en élevaient, enroula les tissus bariolés tout autour et recouvrit son front d’un rideau de perles. À sa ceinture trônait un éventail volumineux habillé d’une peinture de la déesse des montagnes représentée avec son tigre.
— Je crois que tout est prêt à présent, certifia Haneul en souriant tendrement.
Elle n’en menait pourtant pas large, mais la femme pardonna son inquiétude, balayant l’air avec assurance. Les clochettes tintèrent dans le silence de la chambre, comme un ultime appel. La jeune fille observa minutieusement sa mère et l’attirail chamane qui lui alourdissait les épaules. L’âge et les longues années de service au temple avaient terni sa jolie peau blanche lui conférant un teint laiteux, transformant de petites rides en rigoles d’anxiété tout le long de ses tempes. Du haut de ses quinze ans, Haneul semblait avaler toute la beauté passée de sa mère, comme si sa simple présence à ses côtés suffisait à vampiriser celle qu’elle avait été autrefois. Elles ne se ressemblaient pas tant, mais on distinguait chez la Grande Prêtresse une prestance, un charme doux, qu’on pouvait aisément retrouver chez la fille. Leur regard possédait également la même résignat