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Description

« Et puis, soudainement, je me demande ce qu’il se passe : nous sommes, Camille et moi, en présence d’un conseil de chiens ! Quelle aberration ! Comment un esprit sain peut-il envisager chose pareille ? La colère enfle... Je ferme les yeux et tente de me raisonner, pour ne pas faire capoter cette entrevue. Il me faut accepter cette absurdité pour ne pas la voir s’évanouir... Absurdité dans l’absurdité ! Je salue les chiens (je ne peux les considérer comme des “Sages”) de la main, avec une certaine magnanimité dans le geste, imité en cela par Camille, afin de bien montrer que nous restons, malgré tout, des êtres supérieurs. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 janvier 2008
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342003208
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vide
Pierre Jactat
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Vide
 
 
 
 
Chapitre 1
 
 
 
Les brumes du sommeil s’estompent doucement. La sonnerie du radio-réveil se mettra en fonction dans un instant, annonçant le prélude à une nouvelle journée. Une journée, toujours la même, aussi monotone que toutes les autres, toutes celles que je subis depuis bien trop longtemps.
Quand a commencé cette période d’ennui, de renoncement ? Je ne me rappelle plus très bien. Comment, pourquoi, quand… Et même où… Qu’est-ce que ça peut bien faire ?
Quinze ans… Oui. Quinze ans déjà. Depuis tout ce temps, je me vautre dans cette nonchalance morose, prostré dans une barque dérivant au gré du courant calme de mon existence. Il me reste encore tant d’années à vivre, tant d’années de solitude, d’indifférence à tout. Toutes ces années encore, sans tendresse, sans amour, tout ce vide où se fond mon univers. Mais à quoi bon se mettre martel en tête ?
Mes pensées se promènent, par habitude, par complaisance. Et comme toujours, lorsque mes esprits s’éclaircissent, le souvenir revient : pourquoi ce vide, cette non-existence presque voulue, presque forcée, cette rupture d’avec la vie. L’attente de la fin, peut-être, comme le condamné dans son couloir de la mort, ne sachant pas quand, mais résigné à attendre ?
Attendre… Ne plus faire que ceci. Attendre et dormir. Dormir, mettre mon existence en sommeil. Depuis qu’ elle m’a quitté, me laissant seul, désemparé.
Bien sûr, je me suis marié depuis, croyant que tout passe, que le temps guérit, croyant qu’une autre pourrait chasser ma douleur. Même la présence de mes enfants, ces deux adorables chérubins qui m’ont donné, un instant, l’illusion que tout était bien, même leur chère présence n’y fait plus rien. Quelque chose s’est cassé, à l’intérieur de moi, quelque chose qui reste irréparable avec, peut-être, pas même l’envie de réparer. Depuis qu’ elle est partie.
Elle… Flore…
De tous les souvenirs, ceux qui me parlent d’ elle sont les plus flamboyants, les plus poignants, les plus…
Flore …
Ma plus belle histoire d’amour, la plus douloureuse. Ma seule véritable histoire…
Elle … Flore … oh, ma Flore…
Les larmes noient mes yeux et mes pensées. Je ne m’habituerai jamais à mes larmes, compagnes silencieuses. Et pourquoi cette tristesse soudaine et inhabituelle, pourquoi ce matin, aujourd’hui ?
Puisque ma mémoire s’est remise en marche, il me revient ce rêve bien trop réaliste. Je m’en remémore les bribes restées dans mon esprit, par habitude, inconsciemment, mais une sourde frayeur accompagne les images.
Je revois cette fourgonnette, face à moi, quittant sa trajectoire, le choc épouvantable qui, néanmoins, me laisse conscient, mon impuissance à me dégager et ma voiture qui prend feu.
Il m’arrive parfois de faire des songes dont le réalisme est troublant. Ce rêve-ci en fait assurément partie. J’essaie d’analyser ma frayeur qui se dilue et m’aperçois que son origine est due à la peur ancestrale du feu.
Bien. Voici un rêve de plus et je l’aurai oublié dans moins de cinq minutes.
Bzzzzzzz… ! Le buzzer du radio-réveil ! Je sursaute. Dans le noir, je trouve le bouton d’arrêt. Il est neuf heures treize ! Comment cela se fait-il ? Il devrait être sept heures quarante-cinq… ! Je suis affreusement en retard !
Et puis, zut, pour une fois… ! Monsieur Deschamps, mon supérieur, sera bien obligé d’avaler l’explication que je vais lui donner. Un de nos « clients »… Je suis passé voir l’un de nos chers et gros contribuables, puisqu’il demeure sur ma route.
Je prends alors mon temps, allongeant les jambes. Le lit est froid. Je tends la main, cherchant la chaleur familière de celle qui dort avec moi depuis bien trop longtemps. La chaleur n’est pas là ! Ma femme s’est-elle déjà levée ? Cela ne lui ressemble pas, pourtant. Elle qui attend que je sois parti… Bien éveillé maintenant, je m’assieds sur le lit.
Allons ! Une autre journée m’attend, toujours aussi monotone, bien que mon travail soit prenant. Cela me permet de moins subir le temps qui passe. Je me lève, enfin.
Un étrange sentiment de solitude, froid, sournois, s’insinue dans mon esprit. Je ne fais rien pour chasser cette impression… Je suis seul depuis qu’…
Elle …
Je déjeune. Ma femme n’est pas au rez-de-chaussée. Elle sera restée à l’étage, faire je ne sais quoi et sera retournée se coucher pendant que je vaquais à mes affaires. Bah ! Quelle importance.
Je monte dans ma voiture. Il me faudra passer une vingtaine de minutes dans ma vieille Mercedes jusqu’au bureau, une vingtaine de minutes de circulation plutôt fluide, d’habitudes tranquilles. Je mets le moteur en marche, je sors la voiture du garage, je sors de la voiture pour ouvrir le portail. Je n’ai jamais pu ouvrir le portail avant de monter en voiture… ! Ce serait bien plus pratique, mais on a des manies idiotes !
C’est étrange… Je n’entends pas le bruit diffus et habituel de la circulation sur la voie rapide toute proche. On se croirait un dimanche, tôt le matin.
 
 
 
Chapitre 2
 
 
 
La boulangerie voisine est vide, malgré la porte non-verrouillée. Je me racle la gorge, pour attirer l’attention. J’attends, puis appelle. Personne !
Serions-nous effectivement dimanche matin ? Mais non ! Nous sommes bien mardi 17 juin 2006… ! J’en suis absolument certain. Je vérifie même par mon cellulaire. Un court instant de panique court-circuite mes pensées. Il me faut mon petit pain ! Fugitivement, je me rends compte que ma vie n’est faite que de petites manies et obsessions, toutes plus futiles les unes que les autres. Un dérivatif à la monotonie ? Ou une cause de la monotonie ?
Je vais être très en retard et cela commence à m’irriter ! Je contourne le comptoir et prends, craignant l’arrivée de la boulangère, un pain au chocolat, dépose la monnaie sur le marbre et sors en courbant le dos. Je ne suis pas un voleur… !
C’est surprenant, ces voitures vides stationnées un peu n’importe comment ! Plusieurs véhicules sont arrêtés presque au milieu de la rue principale, comme si leurs propriétaires les avaient subitement abandonnés, ayant soin de bien refermer les portières avant de s’éloigner.
Je parviens enfin sur la voie rapide. Des véhicules sont arrêtés sur l’asphalte, en amont et en aval, bien alignés, comme des jouets posés par un enfant géant. Il faut que je contourne un autocar de tourisme. Il est vide ! Les trois voitures qui le doublent, ou le doublaient, immobiles, sont vides également. J’arrête ma voiture et en descends, pris un instant de panique, le même affolement que tout à l’heure, dans la boulangerie…
Tous les véhicules sont vides, complètement vides ! Abandonnés, délaissés. Une moto, couchée près de la glissière de sécurité, attire mon regard. Je m’en approche et pose une main hésitante sur le carénage du moteur. Froid… Terriblement froid… ! De l’essence finit de couler lentement sur le macadam sale.
Mais que se passe-t-il donc ? Où sont-ils donc tous allés ? Je pense soudain à un terrible accident ou quelque catastrophe, et les gens se sont rendus sur les lieux du drame. J’escalade le haut talus, à ma droite et, arrivé au sommet, constate qu’il n’y a personne.
Personne ! Ce mot résonne dans ma tête, comme un coup de gong, comme une évidence monstrueuse.
Personne ? Mais c’est impossible ! Il y a toujours quelqu’un, même loin de soi. Je visite d’autres voitures, sachant pourtant que je ne trouverai rien. Je le fais pour faire quelque chose, pour tromper la panique qui me gagne.
Un instant, je m’imagine que je dors toujours, rêvant de je ne sais quel jeu monstrueux, puis, recouvrant un semblant de lucidité, je devine une effroyable contamination soudaine, tuant toute une partie de la population. Mais je m’aperçois bien vite que cette hypothèse ne tient pas debout : où sont les cadavres ? Pourquoi les véhicules sont-ils stoppés comme si le temps s’était soudain arrêté ? Pourquoi suis-je encore vivant, alors que… ?
Les enfants ! Ma femme ! Vite, il faut que j’aille voir si… !
Je fais faire demi-tour à ma voiture, refaisant le chemin en sens inverse, conscient que je circule à contresens. Cela a-t-il encore une importance ? Je regarde la montre du tableau de bord. Elle indique neuf heures treize… Est-elle en panne ? Je tends mon bras et regarde ma Lip. Neuf heures treize ! Quoi encore ! ?
Partout, les choses sont restées telles que je les avais découvertes, il y a quelques instants. Rien n’a changé, ni les voitures dans les rues, ni les magasins et les trottoirs vides de gens. J’ai le sentiment que plus rien ne changera…
Je fonce vers la maison et m’arrête soudain de courir, m’apercevant subitement de ce qui est présent depuis que je me suis levé et que je n’avais pas remarqué : le silence… ! Ce silence gigantesque, oppressant, qui me fait l’impression d’être devenu sourd. D’être seul.
Seul !
 
 
 
Chapitre 3
 
 
 
Je sais déjà, en montant les trois marches accédant au perron, que la maison sera vide. Irrémédiablement vide. Ni femme, ni enfants. Sont-ils partis ? M’ont-ils quitté ?
Je me précipite dans le dressing et constate que tous les vêtements sont là, rangés comme toujours. J’en suis presque soulagé, bêtement et déraisonnablement soulagé. J’appelle, et ma voix me fait sursauter, résonnant dans cette grande maison vide et silencieuse. Mon cœur bondit, cognant ma poitrine, cognant mon crâne de coups de canon, comme une immense pendule rythmant le temps qui, seul, ne s’arrête pas. Quoique l’horloge comtoise indique neuf heures treize…
Neuf heures treize

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