Shirley
454 pages
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Description

Charlotte Brontë (1816-1855)



"Les deux jeunes filles ne rencontrèrent âme qui vive dans leur retour à la rectorerie. Elles rentrèrent sans bruit ; elles se glissèrent à l’étage supérieur sans être entendues : le jour naissant les éclairait suffisamment de ses premiers rayons. Shirley se dirigea immédiatement vers sa couche ; et, quoique le lieu lui parût étrange, car elle n’avait jamais couché à la rectorerie, malgré la scène de terreur et d’excitation à laquelle elle venait d’assister, elle eut à peine posé sa tête sur l’oreiller, qu’un rafraîchissant sommeil vint fermer ses yeux et calmer ses sens.


Une santé parfaite était un des bienfaits dont jouissait Shirley ; elle avait le cœur chaud et sympathique, mais n’était point nerveuse. De puissantes émotions pouvaient l’exciter et la dominer sans l’abattre : secouée et agitée pendant la tempête, elle retrouvait après l’orage toute sa fraîcheur et son élasticité habituelles. De même que chaque jour lui apportait ses stimulantes émotions, chaque nuit lui procurait un repos réparateur. Caroline la regardait en ce moment dormir, et lisait la sérénité de son âme dans la beauté et le calme heureux de son visage.


Quant à elle, étant d’un tempérament tout opposé, elle ne pouvait dormir. La vulgaire excitation du thé et de l’assemblée des écoles eût suffi seule pour la tenir éveillée toute la nuit : le souvenir du drame terrible qui venait de se jouer sous "ses yeux n’était pas de nature à laisser longtemps son esprit en repos. Ce fut en vain qu’elle s’efforça de rester couchée : elle se releva bientôt et demeura assise à côté de Shirley, comptant les minutes et regardant le soleil de juin montant à l’horizon.



1812, Yorkshire. Victime de l'embargo mené par la France, l'industrie anglaise subit une grave crise. Robert Moore voit son usine tourner à vide. Il doit également faire face à la violente colère des ouvriers qui accusent les machines-outils de voler leur travail. Sa cousine Caroline est amoureuse de lui sans succès... Arrive une jeune héritière, Shirley...


Tome II

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782374637044
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Shirley

Tome II


Charlotte Brontë

traduit de l'anglais par Ch. Romey et A. Rolet


Juin 2020
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-704-4
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 704
XIX
Le lendemain

Les deux jeunes filles ne rencontrèrent âme qui vive dans leur retour à la rectorerie. Elles rentrèrent sans bruit ; elles se glissèrent à l’étage supérieur sans être entendues : le jour naissant les éclairait suffisamment de ses premiers rayons. Shirley se dirigea immédiatement vers sa couche ; et, quoique le lieu lui parût étrange, car elle n’avait jamais couché à la rectorerie, malgré la scène de terreur et d’excitation à laquelle elle venait d’assister, elle eut à peine posé sa tête sur l’oreiller, qu’un rafraîchissant sommeil vint fermer ses yeux et calmer ses sens.
Une santé parfaite était un des bienfaits dont jouissait Shirley ; elle avait le cœur chaud et sympathique, mais n’était point nerveuse. De puissantes émotions pouvaient l’exciter et la dominer sans l’abattre : secouée et agitée pendant la tempête, elle retrouvait après l’orage toute sa fraîcheur et son élasticité habituelles. De même que chaque jour lui apportait ses stimulantes émotions, chaque nuit lui procurait un repos réparateur. Caroline la regardait en ce moment dormir, et lisait la sérénité de son âme dans la beauté et le calme heureux de son visage.
Quant à elle, étant d’un tempérament tout opposé, elle ne pouvait dormir. La vulgaire excitation du thé et de l’assemblée des écoles eût suffi seule pour la tenir éveillée toute la nuit : le souvenir du drame terrible qui venait de se jouer sous ses yeux n’était pas de nature à laisser longtemps son esprit en repos. Ce fut en vain qu’elle s’efforça de rester couchée : elle se releva bientôt et demeura assise à côté de Shirley, comptant les minutes et regardant le soleil de juin montant à l’horizon.
La vie s’épuise vite dans des veilles semblables à celles auxquelles Caroline était trop souvent soumise depuis quelque temps, veilles durant lesquelles l’esprit, n’ayant aucune nourriture agréable pour se repaître, aucune manne d’espérance, aucun rayon de miel de joyeux souvenirs, s’efforce de vivre avec la maigre chère des désirs ; puis, ne tirant de là ni plaisir ni soutien, et se sentant près de périr de besoin, se tourne vers la philosophie, la résolution, la résignation, implore de tous ses dieux l’assistance, mais l’implore vainement, et languit sans secours.
Caroline était chrétienne ; dans les moments d’affliction, elle formulait de nombreuses prières d’après la croyance chrétienne, les proférait avec une fervente ardeur, implorait la patience, la force, le secours. Mais ce monde, nous le savons tous, est un lieu de souffrances et d’épreuves ; et par le résultat de ses prières il lui semblait qu’elles n’étaient point entendues. Elle croyait quelquefois que Dieu avait détourné d’elle son visage. En certains moments elle était calviniste, et, tombant dans le gouffre du désespoir religieux, elle croyait voir planer sur elle le sceau de la réprobation.
Combien ont eu ainsi dans leur vie une période où ils ont pu se croire abandonnés ; où, ayant longtemps espéré contre l’espérance, et ne voyant jamais se réaliser leurs désirs, ils ont senti leur cœur languir et se dessécher dans leur poitrine ! C’est une heure terrible, mais c’est souvent le moment obscur qui précède le lever du jour ; cette période de l’année où le vent glacé de janvier sonne à la fois le glas de l’hiver qui expire et l’avènement du printemps qui commence ; mais, comme les oiseaux qui périssent ne peuvent comprendre que ce vent qui les tue est l’avant-coureur des beaux jours, de même l’âme qui souffre ne peut reconnaître dans l’excès de son affliction l’aurore de sa délivrance. Que quiconque souffre s’attache cependant fermement à l’amour de Dieu et à la foi. Dieu ne le trompera et ne l’abandonnera jamais. « Il châtie celui qu’il aime. » Ces mots sont vrais ; on ne doit pas les oublier.
La maison s’anima enfin : les servantes se levèrent ; les volets du rez-de-chaussée furent ouverts. Caroline, en quittant le lit qui avait été pour elle une couche d’épines, sentit revivre cette vigueur que ramène toujours le retour du jour et l’action chez ceux que le désespoir et la souffrance n’ont pas tués entièrement : elle s’habilla, comme d’habitude, avec soin, et fit tous ses efforts pour que rien dans son extérieur ne trahit l’affliction de son cœur. Elle parut aussi fraîche que Shirley, lorsque toutes deux furent habillées, avec cette différence toutefois que les yeux de miss Keeldar étaient animés, et que ceux de Caroline avaient une expression de langueur.
« Aujourd’hui j’aurai beaucoup de choses à dire à Moore, telles furent les premiers mots de Shirley, et l’on pouvait lire sur son visage que la vie était pour elle pleine d’intérêt, d’espérance et d’occupation. Il aura à soutenir un interrogatoire, ajouta-t-elle. Je suis sûre qu’il s’imagine m’avoir très habilement dupée. Et c’est ainsi qu’agissent les hommes vis-à-vis des femmes, leur cachant toujours le danger, s’imaginant, je suppose, leur épargner par là de la peine. Ils ne se doutaient guère que nous savions où ils étaient cette nuit ; nous savons qu’ils étaient loin de conjecturer où nous étions nous-mêmes. Les hommes, je crois, s’imaginent que l’esprit des femmes ressemble un peu à celui des enfants. Eh bien ! c’est une erreur. »
Cela fut dit tandis que, debout devant la glace, elle arrangeait en boucles, en les enroulant sur ses doigts, ses cheveux naturellement flottants ; elle poursuivit ce thème encore cinq minutes, pendant que Caroline lui attachait sa robe et bouclait sa ceinture.
« Si les hommes pouvaient nous voir telles que nous sommes réellement, ils en seraient un peu étonnés ; mais les plus remarquables, les plus sensés, se font souvent illusion en ce qui concerne les femmes : ils ne les comprennent ni sous le rapport du bien ni sous celui du mal. Leur bonne femme est un être fantastique, moitié poupée, moitié ange ; leur méchante femme est presque toujours un démon. Il faut les entendre s’extasier sur les créations imaginaires, adorant l’héroïne de tel poème, de tel roman, de tel drame, qu’ils trouvent ravissante, divine ! Ravissante et divine peut-être, mais souvent aussi artificielle, aussi fausse que la rose de mon chapeau. Mais si j’exprimais toute ma pensée sur ce point, si je donnais mon opinion sur les principaux caractères féminins de certains ouvrages de premier ordre, qu’adviendrait-il de moi ? Je serais ensevelie sous une avalanche de pierres vengeresses avant une demi-heure.
– Shirley, vous babillez tellement que je ne puis finir de vous lacer : restez donc tranquille. Et, après tout, les héroïnes de nos auteurs valent bien les héros de nos bas-bleus.
– Vous vous trompez : les femmes tracent le caractère des hommes avec plus de vérité que les hommes celui des femmes. C’est ce que je prouverai dans quelque Magazine , un jour où j’aurai le temps ; seulement, mon travail ne sera jamais inséré ; il sera refusé avec des compliments et tenu à ma disposition dans les bureaux.
– Assurément ; vous ne pourriez écrire assez bien ; vous ne savez pas assez ; vous manquez d’érudition, Shirley.
– Dieu sait que je ne vous contredirai pas, Cary. Je suis ignorante comme une borne. Une chose me console cependant, c’est que vous n’êtes guère plus instruite que moi. »
Elles descendirent pour le déjeuner.
« Je voudrais bien savoir comment mistress Pryor et Hortense Moore ont passé la nuit, dit Caroline en faisant le café. Égoïste que je suis ! Je n’ai pas songé à elles jusqu’à ce moment. Elles auront entendu tout le tumulte ; Fieldhead et le cottage sont si proches ; et Hortense est très peureuse pour ces sortes de choses. Il en est sans doute ainsi de mistress Pryor.
– Vous pouvez m’en croire, Lina, Moore a eu soin d’éloigner sa sœur ; elle s’en retourna hier avec miss Mann ; il l’a bien certainement fait rester là pour la nuit. Quant à mistress Pryor, j’avoue que j’ai quelque inquiétude de ce côté ; mais avant une demi-heure nous serons auprès d’elle. »
Pendant ce temps, la nouvelle de ce qui s

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