Substitution d enfants et autres nouvelles
146 pages
Français

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Substitution d'enfants et autres nouvelles , livre ebook

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Description

« [...] Cat s'avança à son tour devant le Conseil :

Nous ne les oublierons pas – miaula-t-il d'une voix rauque – et vous tous, artistes et poètes, sentinelles et chasseurs, mères et chatons, le temps est venu de vous souvenir de nos proches disparus et de transmettre à vos portées et à vos amis l'enseignement que nous avons appris au village : sa poésie passée, ses croyances fécondes. Désormais qu'elles vivent dans nos cœurs, qu'elles nous inspirent et nous protègent et que poussent leurs fruits là où nous serons, partout et nulle part, dans les vastes forêts du monde. [...] »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 août 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334110631
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-11061-7

© Edilivre, 2017
Substitution d’enfants
I l entrait en prison ! Il avait mis son journal sous le bras. Ce serait la dernière fois. Avec le souvenir de sa dernière lecture en tête, une histoire de substitution d’enfants à la maternité, il entendit les lourds battants de fer se refermer derrière lui avec un bruit sourd et malgré lui, il tressaillit. Il ne survivrait jamais dans un tel lieu. Dans un instant il prendrait le bateau et contemplerait les mouettes du Caire sur le pont arrière, leur vol gracieux, la liberté à l’état pur.
Il venait rendre visite à Hiram pour la dernière fois, mais les gardiens avec lesquels il s’entretenait d’ordinaire familièrement, le traitèrent sans ménagement lors de la fouille à corps, comme un futur détenu ! Si cela lui arrivait un jour, pour de bon, autant en finir ! Hiram, cet être doux, amateur de poèmes et de chants traditionnels ! Qui aurait pu prévoir ? L’architecte égyptien de l’antiquité, du même nom, était un homme et son ami arabe lui aussi, la différence étant les vingt ans fermes. Autrement ils auraient pu être de sexe féminin, cela n’aurait rien changé, ni à leur histoire commune, ni à la peine si lourde. La langue française manque de genres, pour s’élever au-dessus du lot commun.
Hiram avait disparu ; impossible de le joindre sur son portable et quand le visiteur s’était présenté chez sa mère, dans un logis que l’on ne rejoignait qu’après avoir gravi les sept étages du vieil hôtel délabré, elle l’accueillit dans son squat, construit à même la terrasse du bâtiment. Il vivait là, dans son réduit aménagé, où les instruments de musique flirtaient avec des livres de toutes sortes. Elle avait demandé à son hôte d’attendre une heure ou deux, le temps d’avoir des nouvelles. Puis elle était revenue le chercher, le questionnant longuement sur leurs relations, finissant par l’inviter à une fête de la terrasse, avec les autres habitants, des voisins squatters payant un petit loyer, pour l’occupation de quelques mètres carrés. Des poules dans des cages, des lapins, et des chats en liberté dont un persan avait-il cru discerner. Un tagine était en cours, glougloutant doucement dans une bassine posée sur un brasero en plein air. On entendait au loin l’appel du muezzin. L’un ou l’autre des êtres présents, sans se soucier de la promiscuité et des cris des enfants – qui tentaient d’apprivoiser d’antiques patins à roulettes – s’étaient un instant recueillis. Mais il devait refuser. Sa visite, dictée par la crainte de cette absence de plusieurs jours, ne lui permettait pas de se mettre à l’unisson. Il devait vraiment le retrouver, impérativement. Il repasserait, à moins que l’on ait de ses nouvelles entre-temps, auquel cas il avait laissé son numéro de portable et entreprit de redescendre par le long escalier de service, aux planches douteuses. Sa visite l’avait transporté dans un autre monde, non pas celui décrit par tous les Paris Match, pour touristes en mal d’étrangeté : les vibrations aériennes de l’appel à la prière, le ciel bleu foncé du crépuscule sur la terrasse, la gentillesse des enfants, le recueillement des hommes, et ce temps qui ne comptait pas, l’harmonie à portée de la main, jusque à cet escalier en quasi colimaçon où les sens se perdaient. Un jour, une ou deux semaines plus tard, un message était apparu sur son portable, lui demandant d’arrêter de chercher Hiram, puisqu’il était en prison.
Son ami, au long de cette dernière visite, comme de tant d’autres auparavant peinerait à lui donner la cause ultime de son incarcération par une si lourde peine. Il connaissait la sophistication de la pensée orientale, ses méandres infinis, sa subtilité, son respect pour tout ce qui a trait à l’au-delà, la réalité enchantée par le rêve, dirigée par lui, revue et corrigée jusqu’à en faire une denrée acceptable pour nous autres, mortels. Mais il n’était qu’un nigaud ignorant, persuadé encore qu’une telle incarcération ne pouvait être que le fruit d’un acte déloyal et probablement crapuleux. La police avait commencé son enquête en se basant sur les indices matériels. Au sein de la bibliothèque privée, où les faits avaient été commis, ils ne manquaient pas. Une vitrine avait été brisée, d’un coup de maillet en bois, que l’on retrouva ensanglanté ; l’étrangeté venait du fait que la victime – le gardien de cette bibliothèque – agonisant, mais toujours conscient – avait refusé de livrer le nom de son agresseur, que pourtant il assurait connaître parfaitement, tout en sachant qu’il n’allait probablement pas survivre ! Les policiers eurent tôt fait d’identifier Hiram, qui n’avait rien tenté pour dissimuler ses empreintes, ni même pour masquer sa fuite, sur la vieille mobylette qu’il utilisait pour son job de livreur de pizzas, ni rien non plus pour se défendre, quand il fut appréhendé. Ils n’eurent même pas à l’interroger, puisque Hiram avait avoué spontanément que c’était bien lui, l’auteur du meurtre.
La difficulté, selon l’un des enquêteurs qu’il connaissait et qu’il avait interrogé, était le mobile. Aucun d’eux n’avait réussi à mettre en évidence le pourquoi, qui ne pouvait évidemment résulter du bris de vitre de l’une des armoires, laquelle ne contenait aucun de ces livres anciens, souvent de valeur inestimable, mais au mieux des polycopiés et une série de livres sur des sujets vieillots tels que la taille des pierres ou le symbolisme des chiffres. « Ce n’était pas la bibliothèque d’Alexandrie ! », témoigna l’homme en riant. Il en avait été choqué : comment un être si raffiné, avec lequel il s’était plu à découvrir un peu de ces traces anciennes si banales au Caire, comment un tel être avait-il pu se laisser aller à tant de violence inutile ? Il avait évoqué un acte dicté par la passion, mais son interlocuteur secoua la tête, le regardant ironiquement.
– Ah, oui : cherchez la femme ? dit-il.
– C’est ça !
Il secoua la tête. Il n’y avait pas de femme dans la vie de Hiram, pas une seule et apparemment depuis des années, en tout cas aucune entre lui et le malheureux gardien et le policier ajouta sibyllin :
– Votre ami était un mec, mais il aurait pu tout aussi bien être une femme ! Çà n’aurait rien changé, je pense.
Il conservait un doute manifeste, voire même une idée plus précise qu’il n’avait toutefois aucun moyen d’objectiver.
– Que voulez-vous dire, ce n’était pas un androgyne !
– Rassurez-vous, non, ni un être à voile et à vapeur ! Et il explosa d’un rire apitoyé, poursuivant, légèrement méprisant désormais :
– Vous savez bien, dans nos métropoles, on tue pour un rien, parfois quelque monnaie et parfois pour vraiment rien !
– Il y a bien une motivation, Hiram est loin d’être fou !
– Ce n’est pas ce que je veux dire, quand je dis pour rien, je veux dire rien de concret, mais une idée, un rêve, une croyance…
– Un acte terroriste ?
– Non plus ! Votre ami n’était pas un terroriste, bien que très religieux par certains côtés, au sens où la religion, étymologiquement, est ce qui relie les choses entre elles, pour leur donner du sens…
Il l’avait laissé là, persuadé qu’il n’en tirerait pas davantage, stupéfait qu’un agent puisse raisonner en philosophe, mais le cas était fréquent, de ces hommes qui avaient fait de longues études universitaires et finissaient dans un boulot de second ordre, pour vivre. Puis il avait pénétré dans la cellule de visite, divisée en deux par une cloison de verre épais et un sas au milieu pour le transfert des colis autorisés.
– Hiram, je suis content de te voir ! Je t’ai amené ça.
– Tu m’as amené des oranges ? Il va te falloir une fortune, si tu dois me fournir pour les vingt ans…
Bouleversé il ne trouvait pas les mots, se bornant à un pauvre : « comment est-ce possible, c’est bien toi qui… ? », réprimant son émotion perceptible.
Hiram n’avait pas cherché à lui dissimuler la vérité, comme l’aurait fait n’importe quel condamné, qui, si souvent, continue longtemps à proclamer son innocence, ni à tenter une explication quelconque, encore moins à avancer une excuse, un regret.
Ce n’était plus le même garçon qu’il avait connu quelques semaines plus tôt, dissertant sur le nombre trois, de la dialectique, le chiffre quatre, celui de la terre, le chiffre cinq, de l’amour, le chiffre sept de la perfection, le huit de l’éternité, le onze du recommencement de cycle, tout ce savoir symbolique qu’il lui apprenait lors de leurs rencontres ; mais un être tout autre, un monument inconnu et impénétrable, telle une pyramide avec deux faces lumineuses, tandis que les deux autres demeurent dans l’ombre. Il lui serait difficile d’en faire le tour. Mais il n’avait pas le choix. Il tenait alors à ces rendez-vous amicaux, fut-ce dans un parloir de prison. Vers la troisième livraison d’oranges, Hiram comprit, ou fit mine de comprendre, ce qu’il voulait et tenta de lui livrer une connaissance plus personnelle que celles qu’il avait apprises sur le tas, dans cette bibliothèque privée, si maléfique pour lui.
Hiram avait grandi au milieu de frères et de sœurs plus petits, assumant la tâche d’un père. Pendant de longues années, dès après le décès, il avait sillonné les rues de la ville, juché sur des deux-roues volés, rendant service sur service, aux commerçants, aux touristes, dans un quasi mutisme que l’on respectait. Si on le questionnait sur son caractère un peu renfermé, il se bornait à dire qu’il ne savait pas grand-chose et que, pour le moment, il apprenait, puis il remettait les gaz en riant et repartait vers une autre livraison, un autre service à rendre. Il n’y avait rien à apprendre de la rue, juste de la violence, du sexe et de la misère. Il servait les autres, mais aucun d’eux ne pouv

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