Sur un sentier de feuilles
66 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Sur un sentier de feuilles , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
66 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

«?Et puis ce fut la passion du dessin : adossée contre un tronc, elle observait puis reproduisait feuilles, branches, buissons avec une grande minutie. Mais elle n'était jamais tout à fait satisfaite de ses dessins. Il y manquait le bruissement des feuilles dans la brise légère, le pépiement des oiseaux, l'œil aiguisé de l'écureuil à l'assaut de son arbre, le frôlement des bêtes dans les feuilles sèches. Elle aurait voulu rendre tout de la vie qu'elle percevait autour d'elle et même ce qu'elle ne faisait que deviner.?» Françoise Douchamps se réapproprie le mythe de la louve nourricière et protectrice qui vient en aide à une orpheline. Sylviane vit seule dans une maison au milieu de la forêt depuis la disparition de Jo, mort pendant la guerre d'Algérie. Elle meurt en mettant au monde une petite fille miraculeusement secourue par une louve. Le nourrisson est ensuite recueilli par un couple qui le prénomme Isis et l'élève comme son propre enfant. La jeune fille s'épanouit en vouant un profond attachement à la nature. Ce n'est qu'à l'adolescence qu'elle découvre les circonstances extraordinaires de sa naissance et renoue avec ses grands-parents paternels. Par un geste cathartique, elle rend hommage à l'animal qui lui a sauvé la vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342158540
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sur un sentier de feuilles
Françoise Douchamps
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Sur un sentier de feuilles

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
La forêt propagea un hurlement de rage qui se prolongea de longues minutes.
Deux petites boules de poils ensanglantées avaient roulé dans l’herbe.
La louve folle de douleur avait regagné sa tanière sans ses petits.
Le cri qui avait suivi la double détonation pénétra l’âme de Sylviane. Dans un sursaut de tout son corps, elle serra son enfant contre elle.
Comme en réponse au hurlement de la louve, le bébé poussa un cri déchirant qui à son tour emplit la forêt.
La louve perçut dans le cri de l’enfant la peur et l’angoisse de l’abandon. Elle quitta sa tanière et marcha vers le refuge de Sylviane qu’elle connaissait pour l’avoir suivie plusieurs fois, intriguée par cette présence humaine silencieuse et non agressive.
Le bébé en pleurs était recroquevillé près de sa mère mourante. La louve avança prudemment et saisit le bébé doucement dans sa gueule, comme elle le faisait avec ses petits, emprisonnant le cou de l’enfant entre ses crocs. La louve dut faire de gros efforts pour le porter suffisamment haut afin qu’il ne traîne pas au sol. Mais la colère qui s’était emparée d’elle décuplait sa force, elle reprit le chemin de sa tanière.
Épuisée, elle lâcha l’enfant sur un lit de feuilles et s’allongea près de lui. L’enfant ressentant le bienfait de la chaude fourrure se détendit et chercha la mamelle que lui proposait le ventre doux contre lequel il s’était blotti.
La louve satisfaite avait doucement posé sa patte sur le petit corps en signe de protection et d’appropriation.
L’enfant de Sylviane allait devenir « l’enfant loup » des contes et des légendes qui racontaient une semblable histoire sur tous les continents.
 
 
Cette journée, interrompue si brutalement, avait commencé sous les meilleurs auspices. Le ciel était redevenu serein, une pluie matinale l’avait libéré de ses nuées. Tout était propre et neuf dans le sous-bois. Une bonne odeur de terre mouillée pénétrait par la fenêtre ouverte.
Sylviane s’était habillée en hâte. Elle venait de ressentir les premières contractions, c’était pour aujourd’hui, le grand jour qu’elle attendait depuis des semaines.
Il lui fallait compléter sa réserve de salades sauvages, de baies et de champignons : elle ne pourrait peut-être pas sortir pendant plusieurs jours.
Elle vérifia que tout était en ordre, prêt pour l’événement avant de quitter la cabane.
Quand elle s’agenouilla pour cueillir son premier champignon, une détonation éclata, une douleur vive lui déchira l’omoplate, elle y pressa la main, sentit la déchirure de la peau et le sang qui coulait abondamment, un grand désespoir l’envahit. « Oh non, pas maintenant ! » gémit-elle.
La mort ne l’effrayait pas mais elle portait une vie à naître qu’elle voulait sauvegarder. Elle se releva avec peine et se traîna jusqu’à sa cabane, souffrant à la fois de sa blessure mais aussi des premières contractions qui lui nouaient le ventre. Elle s’allongea sur sa couche avec difficulté, vérifia que tout était en place ; le petit couteau qu’elle avait pris soin de passer à la flamme de la bougie, les linges soigneusement pliés près de sa couche, une bassine d’eau de source au pied du lit.
Elle n’avait eu aucune raison d’être inquiète pour cet accouchement. Elle avait assisté parfois à la mise bas d’une biche ou d’une chevrette qui n’était pas toujours sans douleur, elle s’y était préparée pour elle-même.
Elle tentait d’être attentive à sa respiration mais, dès qu’elle l’intensifiait ou la prolongeait volontairement, la douleur dans son dos devenait insupportable. Elle fit de gros efforts pour rester consciente et active, rythmant ses respirations et poussant à chaque expiration comme elle l’avait appris dans les livres.
La douleur de la blessure s’était atténuée, elle pouvait se concentrer sur les contractions mais elle saignait abondamment – le matelas était détrempé. « Il faut que je tienne », pensait-elle. Le courage et la force dont elle avait déjà fait preuve à maintes reprises lui permirent de tenir.
Dans un dernier effort, elle expulsa un petit être sanguinolent mais bien vivant. Le bébé glissa de ses cuisses à son ventre, Sylviane saisit le couteau et coupa le cordon ombilical, elle enveloppa l’enfant dans les linges qu’elle avait posés près d’elle. Elle le serra contre elle et lui proposa le sein qu’il se mit à suçoter. C’est à ce moment que la double détonation avait éclaté dans la forêt que prolongea le hurlement de la louve dont on venait de tuer les petits.
Au moment où Sylviane donnait la vie, quelqu’un non loin de là venait de donner la mort. De grosses larmes coulèrent de ses yeux, jamais elle ne pourrait accepter qu’un homme puisse volontairement et sans raison, détruire la vie quelle qu’elle soit.
Sylviane sentait que ses forces commençaient à l’abandonner, elle se savait perdue, mais son bébé bien vivant accueillait la vie, elle en fut heureuse et remercia le ciel de l’avoir voulu ainsi. Elle se sentait proche d’un sommeil dont elle ne sortirait pas. Avant de sombrer dans cette nuit définitive, elle adressa une prière fervente aux esprits de la forêt leur demandant de veiller sur son enfant, de le préserver de la bêtise et de la cruauté des hommes.
Confiante, Sylviane s’apaisa, les larmes inondaient son visage, elle les accueillait comme une pluie bienfaisante.
Toute son amertume et son chagrin s’évacuaient dans ces larmes qu’elle ne retenait plus.
Elle desserra lentement l’étreinte de ses bras sur le bébé dans un geste d’abandon et d’offrande envers ceux qui allaient le recueillir, elle ne doutait pas que des jours heureux l’attendaient.
Son rôle à elle, ici-bas, s’arrêtait là, mais l’enfant qu’elle avait mis au monde saurait poursuivre une œuvre qu’elle n’avait fait qu’entrevoir : réconcilier l’homme avec l’âme sauvage de la forêt.
Durant un bref instant, Sylviane revécut des parcelles de sa vie avant de la quitter tout à fait.
Sylviane
Son enfance n’avait pas été heureuse. Sa mère, après avoir été abandonnée par l’homme qu’elle avait aimé, s’était repliée sur sa douleur sans plus jamais en sortir. La forêt toute proche fut pour Sylviane refuge et consolation.
Elle parlait aux oiseaux, aux arbres. Les animaux avaient pris l’habitude de sa présence silencieuse et amicale. Certains plus curieux que d’autres l’approchaient, c’était le cas de l’écureuil à qui elle destinait quelques friandises : noisettes ou petits fruits cueillis à son intention. Il caracolait de branche en branche pour descendre au pied des grands sapins. Il semblait glisser le long des troncs jusqu’au sol, ses pattes s’articulaient si rapidement qu’on avait l’impression qu’il glissait sur son ventre.
La biche venait souvent à sa rencontre, gardant toutefois une bonne distance qui lui aurait...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents