1942, j avais cinq ans
146 pages
Français

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1942, j'avais cinq ans , livre ebook

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Description

1942, j’avais cinq ans, relate, à partir de son cinquième anniversaire, les souvenirs de Léon.
C’est le retour des « réfugiats » à Crusnes, cité minière à cheval sur la nouvelle frontière entre la France et l’Allemagne.
Il garde des oies sur les forts de la ligne Maginot alors que des prisonniers russes récupèrent les ferrailles sous la garde de soldats allemands. Puis les troupes américaines repoussent les Allemands vers l’ancienne frontière.
Il raconte sa scolarité à l’école primaire de garçons, sa vie, ses jeux, ses frasques dans cette cité minière.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 septembre 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782332554901
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-55488-8

© Edilivre, 2017
1942, j’avais cinq ans


Sérieux et gravité se mêlent aux moments de joie et d’apprentissage de la vie d’un petit garçon.
Léon Filc nous entraîne, comme si nous en étions les acteurs nous-mêmes, camarades de jeu, parmi ceux de sa bande, dans des aventures illustrées avec un souci d’authenticité et beaucoup d’humour.
Quelle liberté ! Quels dangers aussi !
Curieuse éducation imposée par les circonstances, d’un enfant qui laisse présager de l’adulte inventif, généreux, artiste qu’il est devenu.
Ces petites histoires sont en même temps un hommage rendu à des parents attentifs et aimants.
Léon Filc nous offre un moment de plaisir peu ordinaire à travers ce recueil écrit avec spontanéité.
Annie Gaillard.
Crusnes cite
A vol d’oiseau, Crusnes se situe vers le nord, à moins de dix kilomètres de la frontière luxembourgeoise. En volant vers le nord-est, à environ quarante kilomètres l’oiseau se pose en Allemagne. Et en volant vers le nord-ouest, à moins de vingt kilomètres il se pose en Belgique.
Avant la guerre de 1870, Crusnes, le village, est administré par la préfecture du département de la Meurthe. En 1871, par le traité de Francfort l’Allemagne annexe l’Alsace et une partie de la Lorraine. C’est celle dont le sous-sol contient du charbon et du minerai de fer sans phosphore.
Le procédé de déphosphoration n’était pas encore connu.
Ce territoire s’étend sur une partie du département de la Moselle et du département de la Meurthe. Ce qui reste à la France de ces deux départements devient la Meurthe et Moselle. Ce découpage donne au département une forme d’oie. Crusnes se loge dans la nuque de l’oie. Ce que les Allemands conservent reste Moselle jusqu’au traité de Versailles en 1919.
En 1876, les Anglais Thomas et Gilchrist inventent un procédé d’affinage des fontes phosphoreuses.
La « minette » de Lorraine, minerai de fer chargé en phosphore devient exploitable. Après la première guerre mondiale, la Moselle et l’Alsace redeviennent françaises. L’exploitation de ce minerai est décidée.
C’est alors que le puits de mine de Crusnes est creusé. Il se situe à un kilomètre du village.
Pour loger les mineurs que l’on fait venir de Pologne, une cité est construite à proximité du puits, en pleins champs.
Les rues réservées au logement des mineurs n’ont pas de nom. Elles sont appelées « avenues » et sont numérotées de un à six. La rue de la Douane et son pendant la rue des Pins, sont également réservées aux mineurs et aux ouvriers non mineurs.
Les porions, les employés de bureau et le personnel de direction de la société minière sont logés dans les rues les plus proches du carreau de la mine. Elles ont pour nom : la rue des Employés, la rue du Réservoir, la rue de la Mine. Toutes sont perpendiculaires à espaces fixes, à la route nationale 52 et se terminent brusquement dans les champs. Des ruelles de traverse découpent la citée en rectangles réguliers.
Simultanément se construit la ligne Maginot. Elle passe à quelques centaines de mètres des avenues.
C’est là que mon père est arrivé en 1927 avec un passeport polonais 1 . Il laisse, dans son village d’Ukraine qui vient d’être annexé par laPologne, ma mère, ma sœur Olga et mon frère Bogdan.
Après une longue période d’adaptation, il les fait venir en France en 1933
La sage-femme de la mine me montre le jour le 9 février 1937 au numéro 25 de la rue de la Douane.
A la déclaration de guerre, femmes et enfants sont écartés loin de la ligne Maginot.
Nous arrivons donc en Gironde, à Car, aux environs de Blaye. Mon père nous y rejoint quelques temps après. Nous y resterons jusqu’en février 1942.
De notre séjour dans le midi je me souviens de peu de choses :
– l’incendie des raffineries de pétrole de Blaye, une nuit, allumé par un bombardement de l’aviation anglaise,
– mon départ pour l’école maternelle entre les rangs de vigne blanchis de gelée avec dans les poches deux galets chauffés dans le four de la cuisinière,
– mes visites chez deux vieux vignerons qui m’ont fait goûter mes premières gorgées de vin.
Ensuite, c’est le retour à Crusnes, et à partir de ce moment là, les souvenirs sont plus nombreux, plus précis.
Ce sont ces souvenirs que je raconte.
1 . Le village d’Ukraine d’où sont originaires mes parents est à cheval sur la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Il a été coupé en deux au moment de la création de l’URSS. Les habitants de cette région étaient appelés les « Polonais-Russes ».
Plan de CRUSNES et de ses environs
Plan de CRUSNES et de ses environs
Cinq ans

De notre vie de réfugiés il me reste bien peu de souvenirs : les galets chauffés dans le four de la cuisinière, que ma mère me glissait dans le fond des poches. Ils me gardaient le ventre et les doigts au chaud tout au long du trajet au travers des vignes couvertes de gelée blanche, sur le chemin de l’école maternell de Car…

Je vois aussi un gigantesque incendie par-dessus les vignes, au loin dans la nuit. Ma mère m’a réveillé pour me montrer, par crainte peut-être, les avions anglais bombardant les raffineries de pétrole de Blaye sur les bords de la Gironde.
Je vois encore le doux sourire et le regard malicieux du couple de vieux vignerons me servant quelques gouttes de vin pour faire descendre des biscuits secs….



Puis nous repartons pour Crusnes, laissant en Gironde l’étiquette de « réfugiés ».
Le premier souvenir marquant de ce voyage retour est désagréable.
C’est un repas qui nous est servi au cours du trajet dans la salle d’attente d’une gare de transit quelque part en France.
Nous sommes assis autour de longues tables sur des bancs. Des dames portant un voile, bonnes sœurs ou infirmières de la croix rouge, nous prennent en charge. Elles impressionnent le petit homme que je suis encore. Puisant dans le fond d’une énorme marmite posée sur un chariot à l’aide d’une énorme louche, elles nous servent une épaisse bouillie verte dans des écuelles métalliques. Le nez au raz de la table, j’aspire à pleines narines les vapeurs de cette nourriture qu’aujourd’hui je nommerais « bouse de vache » mais ce devait être une purée d’épinards, de blettes ou peut-être d’orties.
Par faim, mais aussi parce qu’on me l’ordonne, à contre cœur, je mange.

Et avant d’avoir vidé mon assiette, en un hoquet, je renvoie sous la table cette nourriture nouvelle que mon estomac refuse énergiquement.

Je suis sans réaction et bien mal en point quand mon père m’installe sur la banquette en bois du wagon qui nous emportera vers la Lorraine.
Il baisse la vitre. L’air entre en apportant un peu de fraîcheur et, je le sens, un peu de couleur à mes joues.
C’est un peu moins désagréable.
Au roulement strident d’un sifflet répond le cri modulé dans les aigus de la locomotive. Malgré les gargouillis de mon estomac je me dresse sur la banquette et passe la tête à la fenêtre.

Le chef de gare agite un drapeau rouge. La locomotive souffle une boule de vapeur. Celle-ci roule sur le quai vers les jambes des piétons qui s’agitent, comme roule une boule dans un jeu de quilles.
La machine hésite, éternue une seconde boule, puis une troisième.
Elle hésite encore, rassemble ses forces. Dans un raclement, en couinant, elle lâche encore une nuée et glisse lentement le long du trottoir.
Je me sens beaucoup mieux.
La gare recule. Mon père relève la vitre à guillotine. Le voyage recommence. Les maisons, puis les arbres et les champs dérivent vers l’arrière du train.
Dans le jour gris, sous les rubans de fumée et de vapeur mêlées nous roulons vers la Lorraine.
Je me sens enfin très bien.
Soufflant, crachant, la locomotive nous arrache à la clarté du jour et nous pousse lentement dans une lueur grise qui mange les couleurs. Puis c’est la nuit. Le contrôleur nous ordonne de baisser les rideaux pour masquer la faible lumière électrique qui nous éclaire. Nous roulons toujours.

Plus de lumière, plus de couleurs, il ne reste rien à voir.
Je somnole, glisse lentement, pose la tête sur les genoux de mon père et m’endors…
Je me sens soulevé, habillé et transporté.
J’ouvre les yeux. Mon père me pose sur un quai tout juste éclairé. Mais au-delà du quai, le sol renvoie sur les maisons aveugles la lumière bleue de la lune. Un léger vent court le long des rails en poussant devant lui les hoquets de vapeur que crache toujours la locomotive. Au passage, il pince cruellement le bout de mon nez et mes joues qui dépassent entre le gros cache-nez et le bonnet de laine enfoncé sur mes oreilles.
Il fait froid. Tout est sombre et dans la nuit on s’agite fébrilement.
Les « voyageurs-femmes » passent par les vitres baissées, valises, baluchons et « voyageurs-petits-enfants ». Les « voyageurs-hommes » descendus du train les attrapent à bout de bras et les déposent à leurs pieds. Les « voyageurs-femmes » et les « voyageurs-enfants-plus-grands » rejoignent les hommes.
Les familles se reforment. Chacun empoigne ses bagages. En un flot de plus en plus dense, tous se hâtent vers une porte que la lune dessine en noir entre deux fenêtres borgnes, sur un mur bleuté.
Dans le flot des voyageurs qui nous poussent, devant ma mère qui porte ma petite sœur, je suis mon père.
Anxieux, je ne quitte pas des yeux le fond de son pantalon qui bouge sous le bas d’un sac à dos entre deux valises lourdes et ventrues qui balancent sous ses gros poings.
D’un pied, il pousse la porte de la salle d’attente qu’il maintient ouverte en nous invitant à passer. D’autres personnes nous suivent. Ceux qui nous ont précédés ont déjà posé leur charge. Nous les imitons. Il fait chaud et clair dans cette pièce. Tous regardent vers l’autre porte, un homme jovial v

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