À travers un continent
166 pages
Français

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À travers un continent , livre ebook

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Description

1946 : voyage éclair d'Haïti au sud de l'Argentine. Alors que la guerre avait ruiné l'Europe, certains peuples du continent américain vivaient encore dans la méconnaissance du drame qui s'était passé... ailleurs.

Leur façon de vivre m'a parfois étonné, mais ma participation momentanée à leur quotidien a été pour moi un enseignement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 janvier 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332830876
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-83085-2

© Edilivre, 2015
Du même auteur


Du même auteur :
– Poèmes inédits de chansons
– Nouvelles brèves
Série Policière « Al Stabritt, Détective Privé :
– Le rire de la peur
– La main du diable
– Violences feutrées
– Incendie au Grant Hôtel
Romans :
– Gorgonie (ou La Maison à béquilles)
– Le Baron Sampain (ou Les Mondanités)
– Pousse d’ivraie (ou Une leçon de Vie)
– Dernier de Lignée (ou Noblesse Oblige)
Récit de Voyage :
– À travers un Continent
(Perlustration aux Amériques)
– Haïti –
1946. Fatigué et terriblement amaigri par ces années d’Occupation, je décide de prendre quelques vacances pour essayer de me refaire une santé.
Par curiosité aussi, voir ce qui s’était passé ailleurs pendant cette période désastreuse subie par l’Europe. Je m’envole alors vers l’exotisme…
Un avion, deux, trois, quatre avions ; une escale à Récife , trois sauts de puce imprévus pour atteindre Belem . Enfin, sur deux tons de bleus sans tache, entre le ciel et la mer des Caraïbes , j’ai découvert le chemin enchanté qui mène à Haïti .
J’ai atterri à Port-au-Prince . Et constaté que mes illusions s’envolaient à la cadence de mes pas dans la Capitale. La rue centrale est longue. L’absence de trottoirs n’en modifie pas l’étroite perspective partagée en son milieu par une surprenante rangée d’arbustes anémiés. J’ai à peine le temps d’apercevoir quelques maisons. Certaines sont si vieilles que les colonnes qui les soutiennent ressemblent à des béquilles.
La foule est là, encombrante et bariolée. Je suis happé, englouti. C’est un peu comme si, subitement, je faisais partie de la figuration pour une prise de vues destinée à une publicité touristique. Mais la réalité, très triste, s’impose bien vite. L’apparent désordre s’est refermé sur moi en un cercle parfait et je suis assailli par des mains tendues, des gestes implorants, des « ji sui malad ».
Quelques oboles ne font que multiplier le nombre des quémandeurs. Ceci, ajouté à l’odeur qu’un soleil ardent accentue au lieu de dissiper, me fait comprendre qu’il faudrait être un Saint pour s’apitoyer devant une telle généralisation de la mendicité.
Je parviens à me dégager en sautant dans un taxi. Un taxi sans taximètre. Trois minutes de parcours me coûtent deux dollars. Et, lorsque j’en descends, d’autres mendiants sont là qui semblent m’avoir attendu. Au moment où je désespère de leur échapper, j’en suis délivré comme par enchantement. Il a suffi d’une voix forte et de deux mots de créole pour qu’ils se dispersent.
Je me retourne et j’aperçois un colosse blanc. Son visage est dur mais ses grands yeux bleu pétillent de satisfaction et de malice. Il s’avance et me tend la main :
– Moi, c’est Grégoire. Toi, t’es nouveau ici… Viens prendre un verre à la maison.
Je le suis. Nous débouchons sur une esplanade de terre jaune eczémateuse de quelques plaques vertes entourant un magnifique Palais blanc dont les lignes harmonieuses se découpent sur un fond unique de ciel bleu et de montagnes multicolores.
– Le Palais National… C’est beau, hein ?… Ici, ceux qui ont de l’humour l’appellent la Maison Blanche…
Au bout de la Place, une allée. Au bout de l’allée, un hôtel tout en bois. Il appartient à Grégoire. Nous y prenons un verre, puis deux, puis trois. Loquace, tour à tour protecteur et ironique, il m’informe en détail de ce qu’il convient que je sache sur Haïti . J’en conclus que si c’est loin d’être parfait,
c’est là qu’il a découvert sa joie de vivre. Je le comprends d’autant plus quand il me confie qu’il est un ancien Bagnard évadé de Guyane .
Je loge chez lui. Il y règne. À la fois sur sa femme, une Noire volumineuse qui se déplace avec une étonnante rapidité, et sur une armée de domestiques de même couleur dont, par contre, le zèle modéré réclame des encouragements que je l’entends distribuer, tout au long du jour, sous forme de menaces ou d’injures définitives.
Je finis par m’émouvoir poliment en faisant allusion à ce que son métier peut avoir de fatigant. Alors, d’un ton pénétré, il m’adresse cette réponse imprévue et superbe :
– Oui… c’est fatigant… Toujours assis !…
Je n’ose pas m’esclaffer. Parce que, en effet, je le vois presque toujours assis. Hurlant, mais assis. Pourquoi donc ne considérerait-il pas cette position comme une rançon de sa réussite ?
Cependant, je sais qu’il lui arrive de se lever. Parfois, c’est pour accueillir certains hôtes de choix avec lesquels il se rassoit bien vite puisqu’il s’agit d’un poker clandestin auquel il participe…
Parfois, afin de ne pas distraire sa femme dans son travail, c’est pour aller se coucher auprès d’une jolie petite Noire… Il n’y a pas d’indiscrétion. Les chambres de l’hôtel ne sont séparées que par de minces cloisons de bois s’arrêtant à un mètre du plafond. Chacun le sait, tout le monde l’ignore.
Je pars chaque jour à la recherche du pittoresque. Et je le trouve. Aujourd’hui, je le rencontre sur la colline dominant la Ville. Sous les traits d’un Français qui m’a invité pour se raconter. C’est ainsi que j’apprends que sa connaissance de l’arithmétique dollarisée lui a permis, en vingt années d’ Haïti , d’amasser une belle fortune.
Il m’en montre une partie. Un Palace tout neuf, blanc, vert et rouge, dont les vastes galeries aux dalles vernies recèlent des objets d’Art et des tableaux anciens voisinant avec des meubles en tubes d’acier. Incontestablement, c’est riche. Mais la froideur de l’ensemble m’a sûrement empêché de m’apercevoir que l’installation de l’air conditionné n’était pas terminée.
Il m’en informe obligeamment et le peu d’attention dont je témoigne l’incite à un sursaut de fierté puisqu’il m’entraîne vers une piscine où s’ébattent deux jeunes Noires dont les formes sculpturales et nues se détachent joliment sur l’azur de l’eau que limite le rose du marbre…
Mais cette colline est surtout un émerveillement. Sa végétation, ornée de quelques splendides résidences, évoque une chevelure piquée de joyaux polychromes. Quand je la vois se refléter dans la baie ensoleillée et frémir de toutes ses nuances sous un voile léger d’or et d’argent, je ressens l’impérieuse nécessité d’écourter mon séjour chez Grégoire.
J’ai pu y louer une maison. Assez facilement mais sans parvenir à éviter la charge de cinq domestiques dont, on me l’assure, la présence est aussi indispensable que celle des meubles. Cette exigence m’était apparue singulière.
Dès le lendemain, je pouvais en comprendre l’utilité. Tout simplement en observant les règles établies pour une équitable répartition des efforts : ayant chargé le jardinier d’aller récupérer une valise à l’hôtel, je l’ai vu revenir, accompagné, réclamant le salaire du « pauv’ malreu » engagé pour porter le bagage.
Je prends donc le parti de ne rien changer aux habitudes de ceux qui se dévouent à mon bien-être : la blanchisseuse-femme de chambre doit aimer la propreté plus qu’il n’y paraît puisque, à en croire les notes qu’elle me présente, elle utilise le savon à la cadence d’une tonne par an. La cuisinière ne saurait faire sa promenade quotidienne au Marché autrement qu’en taxi.
Le jardinier coupe nonchalamment quelques branches et aussi quelques fleurs qui ornent la maison puis, assis, surveille son arrosage automatique pendant une heure avant de recommencer le lendemain.
Le chauffeur lave la voiture chaque matin, même si elle est propre, et, si je n’ai pas pris soin de lui faire savoir que j’aurai besoin de lui, il s’éclipse pour la journée. Enfin, il y a le Maître d’Hôtel. Celui que je vois le plus souvent. Avec la gravité d’un Grand d’Espagne que la République aurait ruiné, il est, en fait, le maître de la maison. Il répond au nom de Mécène. Il me tutoie.
Dans les jours qui suivent, je découvre l’influence de l’altitude sur les relations humaines. Il m’a suffi, pour cela, d’élever ma résidence à une centaine de mètres au-dessus de la Capitale. Ayant ainsi accédé au niveau de la bonne société, me voici l’objet des plus flatteuses invitations.
Un Anglais est venu ici il y a plus de vingt ans. Il y est resté. À défaut d’une technique spécialisée, il possédait de précieuses qualités de travailleur et l’unique industrie du Pays lui appartient.
Ce soir, sa femme reçoit seule ses invités. À ceux qui s’enquièrent sur l’absence de son mari, elle répond négligemment qu’il a été arrêté. La nouvelle n’émeut personne. Certains y sont franchement indifférents, d’autres sourient d’un air entendu. Tous parlent d’autre chose et j’évite de montrer mon embarras en faisant l’inventaire de la discothèque.
Plus tard, la soirée déjà très avancée, le retour de l’Anglais n’étonne que moi. Assez nettement pour que, très naturellement jovial, il prétexte la visite de son jardin afin de chasser mes inquiétudes par une explication.
L’incident est banal. Périodiquement, il subit une ponction du porte-monnaie. Sous la forme d’une condamnation à une amende de plusieurs milliers de dollars pour infraction à la Loi inconnue dont le texte nébuleux est chaque fois nouveau.
Tout d’abord, jouant le jeu, il refuse. Que sont, usant le temps, quelques heures de Prison si, à la faveur d’un revirement aussi soudain qu’habituel, elles lui permettent de faire une économie momentanée ? Ensuite, la situation s’avérant défavorablement calme, il transige et recouvre sa liberté…
Nous revenons vers le salon. Une énorme araignée, noire et velue, s’est aventurée sur la terrasse. Il l’écrase délicatement et conclut sans la moindre amertume :
– Je suis intime avec chaque Membre du Gouvernement.
L’insolite est parfois justifié. J’en suis convaincu par certaines manifestations d’une vie mondaine auxquelles je participe : en dansant à des

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