Antarctique : le rêve va mal finir
110 pages
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Antarctique : le rêve va mal finir , livre ebook

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Description

Embarqué comme médecin sur un navire ravitailleur des stations scientifiques en Antarctique, l'auteur découvre la violence et la beauté du sixième continent : le froid, les tempêtes des cinquantièmes et des soixantièmes sud, les icebergs, le sifflement obsédant du vent, la mer qui se transforme en glace, la solitude... et la beauté immaculée de ces confins du globe que l'homme n'a pas encore sali. Pour combien de temps ? Les scientifiques rencontrés dans les bases, les marins, tous craignent les décennies à venir qui pourraient transformer l'ultime continent vierge en zone de forage et d'exploitation commerciale.

Pendant des années l'auteur avait rêvé de l'Antarctique : le rêve pourrait mal finir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 décembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414170562
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-17054-8

© Edilivre, 2018
Dedicace

A celle qui a compris et m’a laissé partir.
A celles et ceux qui m’ont permis de revenir.
Montevideo 34.53 Sud/56.10 West
20 février.
4.00 Heures.
Les projecteurs du port de commerce déchirent la nuit. La moiteur salée de l’océan tout proche colle à la peau. J’ai dormi dans un hôtel de la vieille ville : des rues pavées où les touffes d’herbe s’efforcent de survivre ; des ruelles défoncées, des murs en lambeaux, ruisselants de tags. Huit cent mètres séparent l’hôtel du « Puerto Contenedores », le terminal des navires de commerce. Huit cent mètres qui ressemblent à toutes les zones portuaires du monde : en pire ! Le veilleur de nuit de l’hôtel est horrifié de me voir partir là-bas de nuit : « ten cuidado, senior, mucho drogadictos ! ». J’essaye de me fondre dans la nuit ; je prends un air renfrogné face à une bandes d’excités tatoués jusqu’aux oreilles : ils aiment inspirer la peur. Il ne faut pas la montrer. J’enjambe prudemment les « sin hogar » qui dorment à même le sol… Une lumière blafarde vacille dans la baraque des douanes : un militaire ensommeillé se défoule avec son tampon sur une page vierge de mon passeport. Il me le rend sans un regard. C’est fait : je suis dans l’enceinte du port ; rassuré ; au milieu des hangars, les vitres sales mais éclairées d’un café. Je m’installe dans ce seul bar nocturne des quais de commerce.
Troisième bol de café ; les dernières putes ont quitté leur tabouret en embarquant trois marins russes : les roubles vont changer de poche. Le patron somnole. Dehors, les dockers s’agitent ; les grues grincent et les containers volent au-dessus des quais. Les groupes électrogènes des cargos font un bruit d’enfer ; ça pue le fuel et la sueur.
Plus que soixante minutes et j’embarque : là, à cinquante mètres, au-delà des rails rouillés qui rayent le bitume décharné du port. Partir. Aller voir ce que les autres ne voient pas ; où ne cherchent pas à voir. « Aller où personne ne part », disait Brel. L’excitation du départ et les cafés m’ont volé ma nuit : je m’en fous. Dans une heure je respirerais l’air du Rio de Plata, les yeux tournés vers ce large qui m’obsède depuis si longtemps. Partir : excitation et angoisse. Angoisse de l’inconnu, angoisse de ce que l’on laisse derrière soi, angoisse de ce que l’on n’a pas dit ou pas fait avant. C’est étrange : je découvre qu’il faut du courage pour partir ; pourquoi ?
Le patron du bar pose un quatrième bol fumant sur le formica de la table :
– « A donde vas ? »
– « Me embarco para la Antartica ».
Il hoche la tête, retourne à son bar et me rapporte une assiette de biscuits. A quatre heures du matin, la conversation est synthétique dans les tavernes des ports : réduite au strict nécessaire.
Dehors, la sirène du « Cap San Antonio » hurle : il part vers l’Europe. C’est cet énorme porte-container allemand qui me ramènera à la maison, dans quatre mois, lors de sa prochaine rotation. Quel pied de nez du destin : j’embarquerai fin mai sur un navire baptisé « San Antonio » ! Frédéric Dard doit se marrer là-haut : j’entends sa voix douce me chuchoter « mais pourquoi tu pars mon gentil doc ; tu t’ennuyais à terre ! ». Mais le départ sur le « Cap San Antonio » n’est que dans quatre mois : cette nuit, j’ai rendez-vous avec l’« Almirante Maximiano », qui largue ses amarres dans vingt minutes.
Je ramasse mes sacs, salue le patron et sort sur le quai. Les lamaneurs ont déjà rejoint leur poste, prêts à libérer le « Cap San Antonio ». Des chariots de déchargement zigzaguent. Quelques marins courent en s’interpellant. Je m’approche du franc bord du navire : c’est une muraille verticale rouge qui s’élève à vingt mètres au-dessus de l’eau. Les containers sont empilés à perte de vue.
Deux cent mètres plus loin, l’« Almirante Maximiano » semble minuscule avec ses cent vingt mètres de long. Je l’ai rêvé depuis des mois, ce navire scientifique qui doit m’emmener vers le sixième continent : malgré le bruit, l’odeur et l’obscurité, je le trouve magnifique. Il est le premier acte de mon départ.
Partir : quête éternelle et inconsciente de l’homme ; fuite en avant, vers l’aventure, vers l’inconnu. Je vais jouer le « clochard céleste » de Kerouac, répondre à l’appel de la route, celle de London, de Rimbaud, de Monfreid, et de tant d’autres ; je vais chercher l’infini du ciel au-dessus de mes pas ; le rêve de l’errance solitaire : briser les murs apaisants et protecteurs du quotidien, découvrir, humer le large, le loin, le différent. Combien m’ont précédé ? Et sur des routes bien plus incertaines et dangereuses ; eux avaient le courage : le vrai. Moi, je me contente de faire par la mer et sur des navires de commerce ce que d’autres font par les airs en avion charter ! Seule la lenteur nous sépare ; la lenteur et le monde du large et des ports.
Je sais en partie les raisons de mon départ : elles ont peuplé mes nuits d’insomnie. J’ai accepté de donner quatre années de ma vie dans une fonction qui ne m’attirait guère : je sais maintenant pourquoi ! S’approcher du pouvoir, servir l’état, louvoyer entre les femmes et les hommes politiques est grisant. Grisant pendant six mois. Pendant ces instants où l’on se croit quelqu’un parce qu’un chauffeur et un gyrophare sont à votre service, parce qu’on dîne avec des gens que l’on voit dans les magazines, parce qu’on a partagé la nuit d’une ministre… La griserie s’épuise vite. Le carrosse de Cendrillon redevient citrouille ! Le temps de découvrir la violence et la haine de « leur » monde, tapies sous des sourires et des accolades de complaisance ; le temps de découvrir que les trahisons font mal.
Pendant quatre années, j’ai enduré sourires et lâchetés, amitiés de façade et coups tordus… J’ai appris ce qu’était la pensée unique, « pré-réfléchie » par d’autres. Celle qu’il est inadmissible de discuter. J’ai tenu. Probablement en parlant trop : ils savaient que je n’acceptais ni leurs certitudes ni certaines de leurs règles non écrites. Alors ils ont frappé ! Sans trembler, sans aucun sentiment, froidement : le même fonctionnement que celui des tueurs à gage : on appuie sur la gâchette sans réfléchir ; on éjecte ! Les deux dernières années, je me répétais qu’au-delà de ce mandat, ma vengeance serait la réalisation de mes rêves de départ et d’océan. C’est fait. J’embarque comme médecin sur ce navire ravitailleur des stations scientifiques de l’Antarctique ; dans cinq ou six semaines, après le périple dans l’océan Austral, quand l’« Almirante Maximiano » me débarquera, je poursuivrais ma route maritime sur un cargo chilien jusqu’à Valparaiso d’où je rejoindrais l’Uruguay pour rentrer en Europe sur un porte-container allemand, le « Cap San Antonio ». Partir : pour oublier ce monde d’égocentriques nombrilistes où j’ai vécu quatre ans ; partir pour respirer autre chose que leur monde fermé et leur parfum de certitude ; partir pour partir, pour fouler une route qui n’appartient qu’à moi. Partir pour réaliser mes rêves d’enfant, pour vivre mes lectures d’adolescent quand je m’endormais avec « Moby Dick » ou « Croc Blanc ».
La passerelle de coupée de l’« Almirante Maximiano » semble minuscule ; je m’y engage. Le sac pèse dans mon dos : la pente est raide. Je perçois déjà la vibration lente de la machine. Je pars.
La route maritime qui conduit de Montevideo à Ushuaia est bordée de lieux et d’amers aux noms enchanteurs : le Rio de Plata, le Cabo Corrientes, la péninsule de Valdès ; puis la route plonge vers le sud, pénètre les quarantièmes « rugissants », passe au large du golfe San Jorge et de Bahia Grande, oublie les Malouines dans l’est, laisse la porte d’entrée atlantique du Détroit de Magellan dans l’ouest et embouque le canal de Beagle en se faufilant dans le détroit de Lemaire, entre le Cap San Diego et l’île des Etats. Je passe plus de temps sur les ponts où à la passerelle que dans ma cabine : cette route maritime que Magellan et son équipage ont mis des mois à parcourir, à ouvrir. Cette route sur laquelle ils ont affronté les tempêtes, les mutineries, l’inconnu, la mort. Cette route qui aujourd’hui ne nécessite que trois à quatre jours ! La nuit, par-delà le sillage de l’« Almirante Maximiano », il me semble apercevoir les feux de la Victoria, l’unique de ses caraques qui boucla, sans lui, ce premier tour du monde héroïque.
De Montevideo au canal de Beagle, 1350 milles nautiques. Seul avec l’équipage : les scientifiques que nous déposerons sur les bases antarctiques nous rejoindront à Ushuaia, notre première escale.
Après les eaux beiges et boueuses du Rio de Plata, l’Atlantique se pare de son bleu océan ; il ne reste que la vibration sourde des moteurs ; le bruit du vent ; et le temps qui s’écoule. Sur tribord, la côte argentine n’est déjà plus qu’un trait sombre, effacé, lointain. Pendant ces trois jours de route vers le sud, je suis « simple passager », sans fonction ; j’en profite pour parcourir les coursives, les escaliers, les ponts… Pour rencontrer les marins et leur silence, pour découvrir cette solitude salée dont j’ai tant rêvé.
Obtenir cet embarquement ne fut pas simple. Pendant trois années, j’ai lorgné sur le poste de médecin du Marion Dufresne II : le navire français qui ravitaille les Kerguelen, Crozet, Nouvelle Amsterdam et la Terre Adélie. Mais la liste d’attente est longue… et les soixante-cinq ans, limite d’âge fatidique pour le poste, me rattrapaient dangereusement ! Alors je me suis tourné vers d’autres embarquements : Russie, Pays Bas,… la maîtrise de la langue devenait un obstacle… et j’ai découvert l’Uruguay : le « diplomate suisse » de l’Amérique du Sud et de l’Antarctique ! Anglais, Chiliens

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