Bruno
132 pages
Français

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Description

« La mort nous sépare bien sûr, mais le souvenir ravive. Bruno, ce grand déjanté, a laissé de profonds sillons dans nos mémoires, et surtout dans la mienne. A peine plus de 2 ans d'écart entre nous, et 40 années d'une intense complicité... Mon Dieu que le deuil est long et qu'il fait mal. Mais que les souvenirs sont doux. Et les raconter, quel régal ! Et les partager, quelle fête. Rions, rions pour réveiller les morts, qu'ils nous rejoignent et qu'on célèbre entre nous ce passé savoureux. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 février 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332692467
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69244-3

© Edilivre, 2014
Bruno
La mémoire est vraiment pleine de caprices. J’essayais l’autre jour de rassembler mes souvenirs avec mon frère Bruno, histoire de liquider ce deuil interminable. Quelques-uns ont émergé, assez fugaces, comme des silhouettes dans la brume, aperçues quelques secondes, puis effacées, dissoutes. Mais en accordant du temps à cette rêverie, l’horizon s’est peu à peu éclairci et m’a livré une série de tableaux. Plus j’y passais du temps, plus les souvenirs émergeaient, et plus le délicat plaisir de retourner à l’enfance s’épanouissait… J’ai ébauché quelques paragraphes.
Ensuite ma mémoire s’est emballée, et ce sont des bouts de souvenirs lapidaires qui ont afflué ; je les ai capturés et vite écrits, pour les empêcher de reprendre leur vie de taupe. Juste quelques mots en désordre, au hasard de mes rêveries. Je vous assure, c’est vraiment un travail délectable.
Attention, ce ne sont pas mes mémoires, c’est juste une série d’évènements, de petites histoires partagées avec lui, celles dans lesquels je nous vois ensemble, moi souvent en second tant sa personne était solaire et rayonnante. Je sais d’autres choses qu’il a faites, qu’il a dites, mais je n’y étais pas. Alors je ne les raconterai pas non plus. Je ne les ai pas partagées, et, donc, elles ne m’appartiennent pas.
Mes souvenirs sont décousus et, du coup, la chronologie souffre un peu. Mais bon, quand on peint un tableau, on peut parfaitement faire un peu la mer, puis le ciel, puis encore un peu la mer, puis autre chose. Ce qui compte, c’est le tableau terminé, pas l’ordre dans lequel il est peint. Et, au fond, c’est le portrait de Bruno à travers mes souvenirs que j’ai envie de faire.
Pourquoi écrire ? Pour transmettre ces souvenirs à ceux qu’il a aimés. Ensuite pour le plaisir de les examiner, pour en réveiller la saveur et revivre le rire, l’émotion, et la tendresse qui les accompagnent. Je me fais du bien.
Lisez-bien, je dis que je me fais du bien. Quand j’ai commencé à creuser dans ma mémoire, ce sont les bons moments, les heures heureuses qui ont refait surface. Cela donne un tableau plaisant mais sans doute tronqué. La part d’ombre en est absente. Mon Bruno n’est pas le vôtre, il est incomplet si vous voulez. Mais je ne peux pas parler du vôtre, de celui-là je ne sais pas grand-chose. Si l’envie vous vient de prendre à votre tour vos pinceaux, nous pourrons comparer. On fera un banquet et on se jettera des vérités à la tête, arrosées de bon vin, et on rira beaucoup…
Autre chose encore. En rassemblant tout cela, je me suis rendu compte que mes autres frères et sœur sont absents, ou plutôt ils n’ont pas de rôle spécifique. Je n’en parle pas avec tendresse m’a fait remarquer Anne.
C’est vrai, nos liens ne se sont véritablement tissés que plus tard, lorsque nous nous sommes retrouvés à l’âge adulte. Avant cela j’étais trop petit ou trop jeune pour accéder à cette caste des aînés. Je ne suis que le cinquième des six, et il n’y avait pas beaucoup d’occasions de nouer des liens d’amitié lorsque nous étions tous avenue de l’Armée. Chacun vivait dans son petit monde, avec les amis de son âge.
J’ai rencontré Bruno en arrivant à Bruxelles. C’est-à-dire que mes premiers souvenirs de lui remontent à cette époque.
Bagnols-sur-Cèze
Avant cela, c’est un des personnages de fond de la famille, pas plus en relief qu’aucun autre. J’ai très peu de souvenirs d’avant Bruxelles.
Bruno et moi sommes nés à Lourdes, lui en 1950 et moi en 1953. Nous sommes à Luz-Saint-Sauveur dans une petite maison d’ingénieur EDF, proche d’un grand chantier sur lequel travaille papa. Pas de souvenirs…
Nous habitons ensuite Bagnols-sur-Cèze (1955-58), une maison sur un coin, en haut de la rue de Rivarol, non loin d’une route qu’il nous faut éviter à tout prix. Trop de voitures sans doute, roulant trop vite. Je me souviens d’une maison de retraite en face, de l’autre côté de la route. Entre notre maison et cette route, le « carré », une sorte d’espace revêtu de terre battue ou de gravier, bordé de platanes, où je vois encore Vincent, ou Marie-Odette, apprendre à faire du vélo. Chutes, pleurs et rires, rien qui soit à ma portée de petit, mais j’admire.
Je dors dans une petite chambre attenante à celle de papa et maman. J’y fais la sieste chaque jour. Une secousse agite une fois mon lit et je me retrouve debout tout étonné. Papa vient me rassurer, mais je ne suis pas inquiet. Je n’ai pas peur ! C’est un petit tremblement de terre, une de ces secousses fréquentes dans ce coin de la vallée du Rhône. Parfois le mistral siffle à travers les volets, et les tuiles volent puis s’aplatissent bruyamment dans la rue.
On descend sur la gauche vers l’école, en passant près du lavoir. Je me souviens de l’odeur de l’encre violette, versée chaque matin dans les encriers en porcelaine, au coin de bancs en bois sombre où nous sommes assis deux par deux. On recopie à la plume dans de petits cahiers les lignes de « a », et de « b » écrites au tableau noir. Pas de taches s’il vous plait, et, de fait, mon cahier est bien propre (je l’ai encore). Par contre, les doigts… Un tablier pour ne pas se salir.
Une cour en terre battue avec quelques platanes pour jouer à la récréation, et un mur la séparant en deux, une pour les grands et une pour les petits. Je n’y vois pas Bruno. Les grands, Denis et Vincent, sont de l’autre côté du mur. Marie-Odette doit être à l’école des filles je suppose.
Un peu plus bas dans notre rue, un magasin vend des « Mistrals gagnants ». Je suis trop petit pour en acheter tout seul, mais je me souviens du goût acidulé de la poudre. En ouvrant le sachet, on découvre si l’on a gagné ou non. Quoi ? Mais un second Mistral bien sûr. Premier contact avec les jeux de hasard, et leur fol espoir de gains faciles.
Plus bas encore, la rue débouche en sinuant sur la place. Dans ces villes de soleil les maisons sont hautes et les rues étroites, il ne passe qu’au zénith, mais alors il assomme. La place est bordée d’arcades qui permettent de se déplacer à l’ombre. Au bout, le poissonnier, avec son étal à hauteur de mes yeux. Les poissons sont allongés sur un lit de glace. Je me souviens de l’odeur de marée. Des merlus me regardent, la bouche entr’ouverte, bordée de dents pointues recourbées vers l’arrière. On me défend d’y toucher et bien entendu j’y glisse un doigt, je l’y coince et je pleure. J’ai mal et je suis honteux, deux sources de larmes, et mon doigt saigne. On ne me gronde pas, ou bien j’ai oublié… Pour ne pas me perdre, maman me tient en laisse, attachée dans mon dos à un petit harnais. Je marche à côté de ma poussette.
Pas de Bruno, il est sans doute déjà à l’école, il a deux ans de plus que moi, et je fais seul les courses avec maman.
Maman fait du caramel pour napper des îles flottantes. Il est tout blond et sent terriblement bon. Je me penche sur la casserole, et plonge mon nez dans le mélange brûlant. Le bout de mon nez en ressort tout cuit, et je pleure. Mais tout le monde rit de mon « feu rouge » au bout du nez. C’est bon-papa qui l’appelle comme ça. J’adore bon-papa, il m’appelle « mon lapin blanc ».
Nous visitons le Pont du Gard, il y a une grotte ou une cave avec des serpents vivants exposés. Je suis terrifié ! Puis on marche sur les arches de l’aqueduc, ou pas, je ne suis plus sûr. On me dit que le Gard est traître et qu’il ne faut pas s’y baigner.
C’est à la Rocque-sur-Cèze qu’on se baigne, l’eau est fraîche. Les sièges de la 203 de papa brûlent les cuisses après quelques heures au soleil, je ne peux m’y asseoir et reste comme suspendu, le derrière à quelque centimètres des coussins. Bruno n’est pas encore mon ami, je ne le vois nulle part dans ces quelques tableaux du passé.
Nous quittons Bagnols en août 1958. Aucun de nous ne sait que cet exil est un retour aux sources. Nous ignorons que papa est né belge, et que nos grands-parents paternels sont liégeois. Ils ne sont devenus français que dans les années 30.
Bruxelles
Je rencontre enfin Bruno à Bruxelles. C’est-à-dire que je quitte le lit à barreaux de Bagnols pour dormir dans un vrai lit, jumeau du sien car nous partageons la même chambre. Au premier étage, en façade, la pièce est largement éclairée par une fenêtre et une porte-fenêtre qui donne sur un petit balcon. Il doit être interdit d’y aller car je ne me rappelle pas m’y être jamais trouvé.
La chambre des parents, tout en longueur, est à côté, sur le même palier. Elle donne sur l’arrière, une terrasse et un jardinet, mais le pâté de maisons est vaste et nous voyons de la verdure.
On ne joue pas souvent dans le jardin, il est tout petit, avec une pelade d’herbe sur un sol volontiers boueux et des hortensias sur le côté. Il y a peu de lumière car il est bordé d’un haut mur. C’est celui du garage Rolls-Royce, notre voisin. On joue peu dans le jardin, plus souvent sur la terrasse, à toutes sortes d’inventions. Mais par-dessus tout, on joue dans notre chambre.
Dans un coin près de la porte-fenêtre, maman a installé son matériel de couture, surtout sa machine à tricoter avec laquelle elle fabrique à une vitesse vertigineuse de longues écharpes multicolores. Contre le mur de gauche, il y a une armoire, ou plutôt une double armoire séparée par une commode, mais le tout forme un ensemble unique, une sorte de H. On peut grimper sur une des deux colonnes et sauter sur la commode. Ou bien directement sur le plancher, mais c’est haut ! Il faut vaincre sa peur, et montrer du courage. Je ne l’aurais jamais fait tout seul, mais Bruno, plus grand, y arrive sans effort. Alors, en avant, je ne suis pas plus poule mouillée qu’un autre. Avec le temps, je grandis et je prends du poids

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