Cinquante ans de vie missionnaire au Mali
228 pages
Français

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Cinquante ans de vie missionnaire au Mali , livre ebook

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Description

Le père Vincent Doutreuwe évoque d’abord ses souvenirs d’enfance, ses vacances en Sologne et la période de la guerre, avec les bombardements d’Orléans. Puis vient le temps où sa vocation mûrit peu à peu.
Sa vie de missionnaire, passée essentiellement en brousse, dans le diocèse de Kayes, au Mali, est présentée dans un récit construit par l’entrecroisement d’extraits de sa correspondance et de ses souvenirs d’aujourd’hui. Nous assistons à ses tournées, à sa prédication, à son travail au dispensaire. Il évoque la vie des chrétiens en milieu rural, leurs contacts avec l’islam dominant, les effets de la scolarisation et des changements politiques.
Il termine par un bilan de cinquante ans de vie missionnaire, durant une période où le Mali et l’Église ont connu de profondes mutations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 juillet 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414338924
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vincent Doutreuwe avec Bernard Salvaing
Cinquante ans de vie missionnaire au Mali
Seigneur ! Seigneur ! Tu nous combles de joie !
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Remerciements Merci à tous ceux qui m’ont aidé par leur relecture attentive : le P. Dominique Arnauld, Annie Lenoble-Bart, le P. Constant Boom, le P. Jean-Claude Ceillier, le P. François Richard, Daniel Rivet. Merci pour leurs conseils au P. Paul Coulon et à Valentin Vydrin. Merci à Françoise Doutreuwe pour son aide constante et attentive.Merci à Jean Salvaing pour son travail sur les cartes du Mali. Bernard Salvaing Transcriptions Le père Doutreuwe a vécu au Mali dans des régions de langue mandé, où sont parlées selon les lieux les langues voisines malinké, khassonké et bambara. Les expressions qu’il emprunte à ces langues ont été transcrites dans les formes où elles sont citées, selon les règles de phonétique internationale usuelles. Les tons sont indiqués au-dessus des voyelles par des accents ; exemple ù, dans mùso, etc. Le lecteur non familiarisé avec les langues mandé lira, pour se rapprocher de la prononciation locale, de façon suivante : la voyelle u se prononce « ou ». Le son transcrit par la lettre x ou son équivalent kh est prononcé comme lajotaespagnole (un r qui vient du fond de la gorge). Ainsi pour le mot fukha ou fuxa (cuirasse latéritique). Les lettres « ja » se prononcent « dya », « gi » se dit « gui » : ainsijà.tigi(un logeur) se lit diatigui. Le s se lit ss : ainsimùsose prononce mousso. La salutationI ni ce se prononceI ni kyé. Le parti a été pris de ne pas accorder les noms des peuples africains, sauf lorsqu’ils sont francisés : on écrira donc les Malinké mais les Peuls.
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Crédits cartographiques et photographiques
Cartes et croquis :
– Carte du Mali, d’après https://d-maps.com/-m/africa/mali/mali26.pdf, remaniée par Jean Salvaing.
– Le sud-ouest du Mali : Jean Salvaing.
– Plan de l’église de Kakoulou : lettre du P. Doutreuwe à son frère François.
Photo de couverture : Françoise Doutreuwe.
Un recueil de photos accompagnant le texte est disponible auprès de Bernard Salvaing : le contacter par le site https://bernardsalvaing.wordpress.com ou l’appeler au 06 52 47 70 01.
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Chapitre I D’Orléans à Carthage (1927-1955)
Enfance et premières années Je suis né à Ermont, dans le Val d’Oise, diocèse de Versailles, le 25 avril 1927. J’ai un frère, François né en 1921, et deux sœurs, Jehanne et Thérèse nées en 1922 et 1924. François s’appelait ainsi en l’honneur de Saint François d’Assise, le saint des oiseaux et du loup de Gubbio, Jehanne à cause de Jeanne d’Arc, Thérèse à cause de Thérèse d’Avila et moi à cause de Saint Vincent de Paul ! Cela montre la profondeur de la foi de mes parents, comme l’atteste également l’habitude de mon père de participer aux adorations nocturnes du Sacré-Cœur de Montmartre au temps où il habitait à Asnières puis à Ermont, au début de sa vie en ménage. Mon père et ma mère aimaient la nature, d’où également ce nom de François donné à mon frère. J’ai entendu dire par sa sœur Marthe que mon père aurait voulu travailler à l’entretien des jardins de Paris. Mais son père – qui ne devait pas être commode – ne le lui a pas permis. Et je sais que mon père choisit de s’installer dans notre maison de Villevaude – près de la gare des Aubrais – à cause de son bout de jardin, alors qu’il avait trouvé un autre logement bien plus confortable, mais en appartement, au centre d’Orléans. Et voici un premier événement de ma vie qui est resté légendaire dans la famille : ma mère, comme toutes les
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personnes de son milieu à cette époque – il n’y avait pas alors de machine à laver – avait une femme de ménage polonaise nommée Vandja, qui était très pieuse. Elle était allée en pèlerinage à Lourdes et après son retour, elle avait pris l’habitude de nous faire réciter le « Je vous salue Marie » en polonais devant une statue de la Vierge phosphorescente. Un jour, en revenant du marché, ma mère me retrouva allongé par terre sur le sol de la cuisine. J’étais encore bébé. Elle s’exclama : – Eh là ! Mon Dieu ! Vandja ! Quelle idée ! Et Vandja expliqua : – Mais Madame ! Comme il sera missionnaire, il faut bien l’habituer à vivre à la dure ! Je n’ai aucun souvenir d’Ermont où je suis né. Sinon des souvenirs indirects, par les photos que j’ai vues ou les récits qui m’ont été racontés par la suite, comme celui relatif au cerisier où nous avions chacun notre branche et d’où nous envoyions des cerises au voisin. Mon père, après la guerre de 1914, avait d’abord exercé divers emplois. Entre autres, il devint associé d’une petite entreprise dans le Nord, dont le patron ne devait pas être très honnête. Il avait fait signer à mon père un contrat d’association dans lequel il déclarait l’associé responsable des dettes en cas de faillite. Le patron peu de temps après s’est suicidé, mon père s’est donc trouvé responsable de ses dettes et il a été contraint de les rembourser, jusqu’au début de la guerre. Cela se passait à l’époque du krach de 1929 et des difficultés financières qui frappaient le monde entier. C’est ce qui explique que, malgré l’aisance dont avait bénéficié mon grand-père paternel, mon père n’a eu aucun héritage à transmettre à sa mort. Cette affaire fut l’échec de sa vie et provoqua chez lui un état de dépression larvé. Cela donna plus d’autorité à ma mère. C’est, je pense, son beau-père d’Orléans qui trouva un travail à mon père en 1934 ou 1935 : diriger la succursale d’Orléans de la maison Davumfer charbon (ancienne maison Charpentier)de Paris
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– c’est ce qui était marqué sur la porte – une entreprise qui vendait du charbon et de la ferraille. Nous avons d’abord habité à Orléans, 20 faubourg Saint-Jean. Mon père y a travaillé jusqu’en 1937 – moment où j’étais à l’école à Beaugency – puis il tomba malade. Quand elle s’aperçut qu’il ne pouvait plus travailler, la maison Davum lui paya un mois d’hôtel à Menton pour le remercier de ses services – chose qui ne se faisait pas tellement alors et qui montre qu’elle était contente de son travail. C’est son bras droit qui prit sa succession, et je comprends que ça lui ait fait mal au cœur. D’autant que, comme le montrent nos papiers de famille, partout où mon père était passé auparavant, il avait eu des avis très favorables de ses employeurs. C’est à ce moment que nous partîmes habiter Villevaude, à côté de la gare des Aubrais.
Un de mes premiers souvenirs remonte à l’époque où nous vivions à Orléans. Il est relatif à notre grand-mère paternelle Doutreuwe, qui habitait à Saint-Denis tout près de la basilique. Je n’ai pas oublié les chocolats au lait formidables qu’elle nous préparait… Elle est morte en 1937. Mon père et ma mère étaient déjà partis sur place. C’est ma grand-mère d’Orléans qui nous emmena, nous les enfants, pour assister à son enterrement. Je me rappelle la foule, les tentures noires tendues devant le corbillard et, dans l’église, les grandes orgues : tout cela m’a beaucoup frappé. On m’avait mis à l’école, au Cours Préparatoire ou au Cours Élémentaire, dans une école tenue par deux vieilles filles très gentilles. Je me rappelle qu’après mon ordination, elles me firent cadeau d’un de leurs souvenirs de famille : c’était la reproduction d’une carte d’Afrique datant, je crois, e duXVsiècle, où figuraient les noms des ports, avec le Sénégal, représenté comme un grand fleuve qui allait jusqu’au lac Tchad : c’est tout. Pas un nom de ville. Le reste était en blanc. C’était une carte murale, que j’avais à Kakoulou, au Mali. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue par la suite. A-t-elle servi de pâture aux termites ? En tout cas
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elle est perdue, à mon grand regret. Puis je partis à l’école de Beaugency, sur les bords de la Loire. Le curé – ce devait être un ami de ma mère – dirigeait une bonne petite école, dans laquelle je suis resté de 1938 à mai 1940.
La déclaration de guerre
Mais il y eut la déclaration de guerre, en septembre 1939, alors que je me trouvais en Sologne chez ma grand-mère, dans sa maison du Boulay au milieu des bois, avec mes cousins les Archambault et les Quantin. Septembre était alors en effet, comme juillet et août, un mois de vacances scolaires. Tout le monde était terrifié. On avait calfeutré les fenêtres pour empêcher la lumière de filtrer, au cas où des avions attaqueraient. Puis, au mois d’octobre 1939, tous les hommes étant mobilisés, je partis en camion avec d’autres jeunes pour faire les vendanges dans la région d’Orléans. C’était de belles journées où on mangeait et où on buvait bien. Entre-temps, comme je l’ai dit plus haut, mon père était tombé malade et avait perdu sa situation. Nous avions déménagé en 1938 du faubourg Saint-Jean pour nous installer aux Aubrais, tout à côté de la gare, dans un endroit qui s’appelle Villevaude. Nous logions au rez-de-chaussée d’une maison, chez Monsieur Cabaret, un homme âgé dont la fille venait s’occuper de temps en temps. Il se couchait très tard et souvent il n’était pas encore levé à onze heures du matin. Sa fille était contente qu’une famille habite chez lui pour veiller un peu sur lui. C’était un ancien épicier. Il collectionnait les timbres pour les missions… et gardait pour lui les plus intéressants. D’ailleurs, au moment de partir en exode accompagné de sa fille, il a signalé qu’avec les trois timbres qu’il emportait, il pourrait vivre jusqu’à la fin de ses jours. Mais il collectionnait aussi les bouchons et bien d’autres objets. Lorsque je retournai sur ces lieux il y a une quinzaine d’années, la maison était toujours là, mais divisée en quatre appartements. Je revis le jardin, où il y avait dans le temps
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un séquoia et des arbres « exotiques », comme on disait à l’époque : un magnolia, un chêne-liège. Le séquoia y était toujours, mais il paraissait tout petit à côté des immeubles construits depuis, alors qu’autrefois il surplombait tout le quartier de la gare et qu’on le repérait depuis le train.
L’exode Revenons au début de la guerre. En 1939, ne pouvant être mobilisé dans l’armée, mon père avait été réquisitionné pour travailler à Paris dans les usines. Ma mère était restée avec nous à Orléans. En mai 40, j’étais à l’école à Beaugency, où nous voyions passer les voitures belges qui fuyaient l’avance des Allemands. Nous nous moquions de ces Belges qui avaient peur des Allemands, en comparaison avec « nous qui sommes les plus forts ». Au moment de l’exode, on dit à mon père, dans l’établissement où il avait été réquisitionné : « Prends la voiture de l’usine ! » Mes parents vinrent me chercher fin mai, à l’école, pour nous emmener chez ma grand-mère au Boulay où se trouvaient également les Archambault, mes cousins. Nous pensions que la guerre contre les Allemands était loin d’être terminée et qu’ils ne franchiraient pas la Loire. Mais les Allemands progressaient et nous reprîmes notre exode en juin : mon père et ma mère étaient en voiture et nous les enfants en vélo. Nous nous retrouvions le soir, en un lieu convenu à l’avance. Durant le trajet, nous fûmes bombardés et mitraillés par les avions allemands et obligés de nous cacher dans les fossés. Enfin, nous arrivâmes à Guéret, où nous fûmes d’abord logés chez un vague cousin ou ami de la famille. Nous dormions dans le salon de nos hôtes, là où nous pouvions. Puis nous trouvâmes un logement pour l’été. Entre-temps, il y avait eu l’appel du 18 juin du général de Gaulle puis l’armistice. Nous étions en zone libre et attendions pour rentrer à Orléans de voir comment la situation évoluerait en zone occupée. Mon frère François, dont nous avions perdu la trace, a été retrouvé à Marseille,
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où nous avons appris qu’il était avec Claude Quantin, l’aîné de nos cousins. Mais ces trois mois passés à Guéret furent des vacances formidables pour mes sœurs et moi. Nous allions nous balader dans les environs ; l’enfance était terminée, l’adolescence commençait. L’exode a été pour nous les jeunes le début de l’émancipation. Nous avions une sensation de liberté extraordinaire, c’était l’aventure.
Retour à Orléans Nous avions appris que nos cousins les Archambault avaient tout perdu à Tours, que leur maison avait brûlé, et que mon grand-père était mort au Boulay d’un coup au cœur. Mon grand frère François s’était engagé dans l’armée d’Afrique du Nord. Nous apprîmes également qu’en zone occupée la vie redevenait normale. Conclusion : en octobre ou novembre, nous revenions à Orléans par le train. C’est à cette époque que, sachant mon frère François sur le point de partir en Algérie, ma mère a traversé le Cher en barque, de nuit, franchissant la ligne de démarcation, pour aller le voir en zone libre. Arrivés à Orléans, à Villevaude, nous trouvâmes tout sens dessus dessous : la maison avait été visitée. On me mit à l’école à Saint-Euverte où était déjà allé mon frère François. C’était un collège diocésain porté sur les maths et les sciences, rival du collège Sainte-Croix porté sur les lettres, qui était aussi un petit séminaire.
L’école Saint-Euverte
L’école se trouvait à cinq kilomètres de la maison. J’y allai d’abord par le train, avec une carte d’abonnement, ce qui me permit de connaître les gens des environs de Villevaude. Je m’amusais bien avec les jeunes comme moi. Nous nous retrouvions sur le quai de la gare pour attendre le train et souvent nous faisions des blagues. En particulier, il nous arrivait de monter en première classe : quand un nouveau contrôleur venait nous demander de présenter nos billets et nous ordonnait : « Descendez en seconde ! », nous
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