Comme une funambule...
248 pages
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Comme une funambule... , livre ebook

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Description

Atteinte de trouble bipolaire, Emma relate, avec une sincérité et une justesse poignantes, ses longues années de combat contre la maladie. Elle analyse avec une extraordinaire lucidité cette existence hors norme, et décrit sans tabou un lourd passé marqué par les dépressions les plus terrassantes et par des envolées féeriques aux limites de la folie.

À 35 ans, Emma a enfin accepté cet effrayant diagnostic. Elle expose ici les meilleures stratégies qu'elle a pu mettre en place pour maîtriser au mieux sa maladie et en éviter les rechutes.

Ce formidable témoignage se révèle être une aide précieuse pour tous ceux qui veulent mieux connaître et mieux comprendre le trouble bipolaire, en le découvrant de l’intérieur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 janvier 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332858481
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-85846-7

© Edilivre, 2015
Dédicace

A Romane et Cynthia,
Citation


« Quelle triste époque où il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé. »
Albert Einstein
I
Un masque, au ski, sert à se protéger du vent, du froid, d’une trop forte luminosité, voire même d’un épais brouillard. Aujourd’hui, sur les pistes, mon masque me permet d’être parfaitement à l’abri des regards inquisiteurs ou des jugements extérieurs. Il me sert notamment d’écran providentiel, face au regard plein d’inquiétude de mon homme, Pierre, et au regard particulièrement empathique de ma fille, Sara. Il me protège aussi de la vue de mon beau-fils, Cédric, au regard si innocent et distrait. Les yeux trahissent bien souvent les émotions, là je me sens parfaitement isolée.
Ainsi ils ne peuvent pas voir. Sous mon masque, ce sont les larmes qui roulent, toutes ces larmes que je n’ai plus la force de retenir, toutes ces larmes que je n’ai plus envie de retenir…
A cet instant-là, moi, Emma, trente-deux ans, je suis persuadée d’être arrivée au bout de ce qui peut être toléré. Je ne supporte plus cette effroyable souffrance qui me poursuit partout, qui m’accable et m’anéantit.
Je ne suis plus sûre de rien, ni d’avoir déjà été heureuse, ni de pouvoir l’être sincèrement un jour. Je n’ai pas dû être conçue comme les autres, parce qu’aujourd’hui, je suis incapable de retrouver dans ma vie, une quelconque esquisse de bonheur.
Nous dévalons tous les quatre les pistes de Vars, sous un soleil qui peut être qualifié de parfaitement radieux, je pense. Les enfants semblent ravis, ils sont en vacances, à la montagne, ils skient avec une grande aisance, dans des conditions idylliques, que demander de plus à leur âge. Pierre, quant à lui, est particulièrement soucieux. S’il ne peut pas voir mon regard, il comprend bien à mes attitudes, à mon silence. Il devine que ça ne va pas.
Je ne suis plus avec eux. J’ai l’étrange sensation de ne plus appartenir à leur monde. Je suis loin, très loin d’ici. L’intensité irrationnelle du mal que je ressens à chaque seconde, fait de ma vie un cauchemar éveillé. J’ai trop lutté pour tenter de me construire, une fois encore, une vie à l’image de la normalité des autres, malgré mes faiblesses. Mais cette maladie transforme ma vision des choses, elle détruit tout, réduit en miettes mes derniers espoirs.
Je ne vois ni le soleil, ni la joie, ni le plaisir de faire partie de cette petite famille recomposée, en vacances à la montagne.
Il est 11 heures du matin, je pleure encore et toujours. Je n’y peux rien, la souffrance est plus forte que tout. Mon esprit est ailleurs dans les tourments du désespoir.
Plus rien n’a de sens, plus rien n’a d’importance. Ni ma présence ici à leurs côtés, ni le rôle que je devrais jouer. Je ne suis plus rien, ni une femme amoureuse, ni une mère aimante, ni une belle-mère avec qui on a envie de passer de bons moments.
Je me sens insignifiante, abominablement vide.
Depuis toute petite, j’ai eu la sensation d’être différente des autres. Sans jamais pouvoir mettre de mots sur ce que je ressentais. Je ne saurais pas l’expliquer encore aujourd’hui.
Je me suis souvent considérée comme une étrangère, une personne à part. Pas meilleure pour autant, bien au contraire… J’imagine la vie comme un scénario, écrit depuis toujours, dans lequel chacun joue son rôle, selon des règles bien établies. Une vie comme sur des rails. Dans mon cas, pas de scénario, pas de rail. Je progresse dans la vie comme dans un jeu, mais sans avoir été informée des règles à respecter. Je tente de ressembler aux autres, mais je deviens bien souvent, un élément perturbateur, capable éventuellement de bouleverser le cours des choses, de manipuler, voire de déstabiliser tous ces gens. J’aime l’idée que je peux jouer avec le feu, avec la vie, et même parfois avec la mort.
J’ai souvent cette sensation que je ne pourrai jamais être heureuse, comme si c’était un privilège réservé aux autres. Au fond de moi, j’aimerais tant leur ressembler, moi, à tous ces autres. Je rêverais de suivre mon chemin, sans avoir à trop réfléchir.
Mais parfois, tout déraille. Je ne maîtrise plus rien. Je me laisse emporter par cette terrible maladie.
Malgré une lutte acharnée et toute la bonne volonté dont je sais faire preuve, elle peut prendre le dessus sur moi, avec une facilité déconcertante…
Ma vie, c’est comme des montagnes russes, avec des hauts et des bas, accompagnés de sautes d’humeur imprévisibles. Depuis plusieurs semaines déjà, je flirte avec mon côté obscur. La dépression a repris sa place, petit à petit, dans mon quotidien. J’ai basculé dans un épisode dépressif majeur, sous les yeux de Pierre, compréhensif mais foncièrement impuissant, face à tant de souffrance inexpliquée et inexplicable.
Il a remarqué, ces derniers temps, mon caractère de plus en plus irritable, mon agressivité, l’hypersensibilité émotive. Il connaît ces signes qui ne trompent pas. Ils expriment la force de ma tristesse, la force de ma douleur psychique.
Il n’est pas passé à côté non plus de cette perte de tonus et d’élan vital, mon besoin de sommeil à outrance, le manque d’envie pour tout, que ce soit pour les activités les plus anodines du quotidien, comme pour les plaisirs de la vie. Il sait qu’en ce moment je n’ai plus envie de lui, plus du tout. J’esquive, je le mets à l’écart.
Dans ces phases dépressives, même parler ou répondre à une simple question d’enfant devient un effort terrible. Tout se transforme en une impensable épreuve à surmonter. Je pèse mes mots, soyez-en sûr…
A chaque fois que Pierre fait un pas vers moi, je m’éloigne un peu plus. J’érige autour de moi un mur de protection, qui, jour après jour, me coupe un peu plus du monde extérieur. Ce repli est salutaire et me permet de plonger tranquillement dans les profondeurs du pessimisme, aboutissant à la perte totale du peu d’estime qu’il reste en moi, me dévalorisant en permanence.
A chaque interrogation de sa part, comme ce matin, je lui affirme encore et toujours que ça va aller, que tout est sous contrôle. Je voudrais pouvoir le rassurer. J’ai d’ailleurs pris le temps de lui expliquer très calmement que depuis quelques jours, mon psychiatre avait modifié le traitement, pour éviter que je ne sombre. Et j’ai ajouté, comme trop souvent, un « T’inquiète pas, ça va aller mieux » à peine crédible. Pourtant c’est vrai, le traitement a bien été augmenté, encore un antidépresseur de plus, ajouté à un cocktail explosif d’anxiolytiques, régulateur de l’humeur et autre Prozac et somnifères.
Mais ce que je ne lui ai pas dit, c’est que les effets se font attendre, à ce jour aucune amélioration n’est perceptible, bien au contraire…
Peut-être que cette fois-ci la maladie n’y est pour rien. Ce sentiment de désespoir est tellement réel qu’il me paraît inéluctablement fondé. Rien ne va plus dans ma vie, et je ne peux qu’en être pleinement responsable.
Hier soir, avec Pierre, nous nous sommes encore disputés. C’est assez fréquent ces derniers temps. Les difficultés relationnelles au sein de notre famille, je les vis comme une agression directe. Que ce soit l’incapacité de Cédric à faire preuve d’un minimum d’autonomie, ou bien l’arrogance de Sara, ou encore leurs disputes incessantes et le brouhaha ambiant quotidien, font que l’ambiance devient invivable pour moi. Mon seuil de tolérance est alors relativement limité. Les querelles des enfants deviennent les altercations des parents. Quand je ne maîtrise plus rien, que je suis à bout, tous les prétextes sont bons pour une belle engueulade, et je fais souvent preuve d’une mauvaise foi manifeste, dont je n’ai malheureusement, sur l’instant, pas du tout conscience…
Hier, si nous avions été chez nous, j’aurais claqué la porte, pris la voiture, pour aller nulle part, pour m’enfuir, m’évader, disparaître… Mais là, pas de voiture et dehors, seulement le froid et la neige.
Je me suis mise à l’abri de cette situation, enfermée dans la salle de bain de l’appartement, pendant que les enfants dormaient paisiblement. J’ai pris une boîte de Xanax, j’ai sorti un à un les trente comprimés. Je ressentais un tel déchirement intérieur, que j’aurais voulu dormir pour ne plus rien ressentir, dormir longtemps, très longtemps, le temps que les choses s’arrangent. Encore aurait-il fallu admettre que la situation pouvait s’améliorer, seulement ça n’était pas le cas.
Je suis pharmacienne, même si mon état actuel m’empêche d’exercer ma profession, je sais pertinemment que les anxiolytiques, même à très forte dose, ne tuent pas. A ce moment là, je ne voulais pas mourir…
Pierre était derrière la porte. Il s’inquiétait, et m’a gentiment demandé de sortir. Avaler tout ça n’aurait servi à rien, j’en avais bien conscience. J’ai quand même pris quatre ou cinq comprimés, peut-être plus, histoire de passer la nuit. Une anesthésie locale, très partielle, de la zone du cerveau qui régit les émotions.
Quelques comprimés de plus au réveil m’ont permis de tenir péniblement encore une matinée, jusqu’à maintenant, sur les pistes. Nous sommes le 8 mars 2012. Il est un peu plus de 11h, mon esprit s’égare, mais mon inconscient me rappelle qu’aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres. Je suis sur le point d’atteindre mes limites. Je n’ai plus la force, ni le courage, ni même l’envie d’aller plus loin. Tous ces médicaments que j’avale tout au long de la journée n’y font plus rien. J’ai été rattrapée par le mal. Je ne peux plus continuer comme ça.
II
Tout le monde pense connaître la dépression. Certains imaginent pouvoir comprendre ce qu’est la mélancolie, forme la plus poussée de la dépression. Il existe des définitions pr

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