Cultures et beauté
76 pages
Français

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Description

Depuis une vingtaine d'années, je donne bénévolement des cours de français préparant au Diplôme d'Etudes de Langue Française, à des étudiants étrangers, séjournant en Bretagne. Ils sont invités à surmonter progressivement les difficultés des épreuves écrites et orales de l'Examen : commentaire de texte, lettre de motivation, dissertation, synthèse... De nombreux stagiaires de différents horizons parlent de leurs affinités, de leurs projets, de leurs visions, autant de cultures toutes assemblées. L'histoire, la littérature, l'architecture, les voyages sont mis en lumière, et bien représentés sur scène, lors de la fête culturelle annuelle. La troisième partie offre une belle fin aux notes joyeuses et harmonieuses, qui rappelle ce qu'est le respect, le partage et l'échange entre êtres humains. Une philosophie pratique et une jeune poésie au coeur des débats.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 janvier 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342350975
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été édité par la Société des Écrivains,
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 84 74 10 20 – Fax : 01 41 684 594
www.societedesecrivains.com
client@societedesecrivains.com

Tous droits réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-342-35096-8

© Société des Écrivains, 2022
Epigraphe
Allez, venez chers Lecteurs
Entrez dans cette classe
Voyez comme on échange
Avec les textes
Avec les mots
Comme on partage
Les idées
Les réflexions
Comme on voyage
En tous pays
En tout temps
Comme on progresse
En savoir
En conscience
Par l’Amitié
Vers la Beauté.
Le commentaire ou L’art de s’affirmer
Mossa
Il arrive avec un bon quart d’heure de retard. Il frappe à la porte et entre, arborant un grand sourire, nous prie de l’excuser. Nous sommes en cours, une quinzaine de stagiaires étudiant un texte intitulé : Halte aux aliments ultra-transformés !
Je le prie de s’asseoir, à une place libre au bout de la rangée, mais visiblement quelque chose le gêne. Il s’assoit, croise les jambes, et réussit, non sans peine, à extraire de sa semelle gauche un clou, malheureusement et douloureusement, implanté. Il provoque un amusement et un soulagement unanimes…
Sa beauté et son attitude me font aussitôt penser au Spinario , la statue de ce jeune homme extrayant une épine du pied, remarquable statue à voir au musée des Capitolini, à Rome.
Pour faire connaissance, je demande à cet éphèbe d’inscrire son nom, son prénom, au bas de la liste des vingt-cinq étudiants étrangers qui suivent mon cours à « l’Association Brestoise d’Alphabétisation et d’Apprentissage du français pour les Etrangers », en vue d’obtenir des diplômes d’équivalence de la langue française, DELF ou DALF.
Il s’appelle Moussa Arzouma OUEDRAOGO, originaire de Ouagadougou.
Pour le mettre à l’aise, je lui avoue connaître cette capitale : enseignant à la Coopération, je m’y étais rendu en mai 1968, comme correcteur au baccalauréat. Ce fut en même temps mon baptême de l’air, mais quelle frayeur : décollant d’Abidjan, dans un vieil appareil militaire, tremblant et faisant un fracas épouvantable, perché sur un siège métallique rudimentaire, j’avais atterri, au bout d’un temps qui m’avait semblé interminable, sur le sol salvateur, à l’époque, la Haute-Volta.
Je devais rester huit jours, le temps des corrections, mais la grève générale de Mai 68 m’avait maintenu trois semaines, dans un bel hôtel avec piscine… Malheureusement, après avoir mangé un steak tartare, j’avais attrapé de grosses douves du foie, et ma jeune épouse, restée en Côte d’Ivoire, avait retrouvé un mari livide et verdâtre, qui fut immédiatement admis à l’hôpital de Trechville…
Je ne lui raconte pas, évidemment, tous ces détails morbides, mais il est ravi de savoir que je connais son pays.
Je lui demande, sachant que Moussa signifie Moïse, si je peux l’appeler Moïse, mais il préfère être appelé « Mossa ». J’en prends acte, comprenant bien qu’il tienne à son prénom habituel.
Il me surprend par ses interventions justifiées, par son élocution en français, il participe sans gêne à l’explication d’un texte qui sensibilise les couples de différentes nationalités aux difficultés qu’ils doivent affronter, pour se marier :
« Charlotte et Dany se sont rencontrés pendant leurs études à Saint-Pétersbourg. Lorsque la jeune Lyonnaise et son ami syrien se fiancent au bord de la Neva, en trinquant à la vodka, ils sont loin d’imaginer les épreuves qui les attendent. Arrivé en France en février 2006, avec un visa touristique, Dany patiente d’abord huit mois, avant de pouvoir se marier avec Charlotte.
Ils pensent alors que leur affaire est réglée. Mais il faut encore prouver six mois de vie commune pour obtenir un titre de séjour, et les délais de délivrance sont plusieurs fois repoussés.
Après presque deux ans d’attente, d’incertitude et de crainte des contrôles policiers, Dany obtient finalement ses papiers. »
Des histoires comme celle-ci, la Cimade, association d’aide aux étrangers, en entend tous les jours. D’où l’impulsion d’un mouvement des « Amoureux au ban public », en juin dernier, pour permettre aux couples mixtes de confronter leurs difficultés et de les faire connaître au grand public. (Article paru dans l’Express , le 14.2.2008).
Ludmilia, d’origine russe, est tout heureuse de pouvoir nous situer cette belle ville, au bord du golfe de Finlande, sur l’embouchure de la Neva, premier port maritime et fluvial, fondée en 1703 par Pierre le Grand. Elle est appelée, nous dit-elle, la « Venise du Nord », à cause de ses nombreux canaux et de ses cinq cents ponts. C’est à Saint-Pétersbourg que se situe le roman de Dostoïevski : Crime et Châtiment , œuvre que deux autres stagiaires ont lue et beaucoup aimée.
Une bonne lecture révèle la compréhension d’un texte et j’insiste sur l’articulation de chaque syllabe. « La jeune Lyonnaise » comporte sept syllabes bien distinctes que certains ont du mal à rendre séparément. Ludmilia, encore elle, s’est rendue à Lyon, peut la situer, et en parler avec intérêt. Quant à la Syrie, elle est tristement connue par tous ses émigrés. Mossa compare la vodka à l’alcool de palme, et rit en disant qu’en Afrique, on trinque avec des noix de coco… Il ajoute que les épreuves doivent être administratives, qu’il a d’énormes difficultés à remplir d’incessants formulaires. Le visa est connu de tous, et pour cause. Le titre de séjour, aussi, ainsi que les délais et les contrôles policiers. Je fais relire par plusieurs élèves la dernière phrase. Pour la rendre d’une manière expressive, le respect de la ponctuation, le choix des intonations, la variété des rythmes, la mise en évidence des temps forts ou des mots importants, les moments de respiration sont déterminants, et ceux qui trébuchent sont invités à relire. Et ils y parviennent avec un grand sourire.
Alors commence le commentaire du texte.
Violette, Camerounaise, a tout de suite compris le sens de « ban public » : « Il ne s’agit pas d’un banc, avec un c, pour se reposer, il faut rapprocher ce mot de banni, bannissement, synonyme d’exil, de proscription. Il m’est douloureux de ne pouvoir revenir dans mon pays. Mais bon ! J’ai trouvé en France un bien-être, une sécurité, des relations, des cours de français, et grâce à mes activités bénévoles aux Restaurants du Cœur, en particulier, j’apprécie mon existence en France. Je loge depuis deux ans au port de commerce de Brest, dans un refuge pour immigrés. Comme Mossa, dit-elle en lui souriant. » Elle est mère célibataire, a un fils de trois ans, mais elle a dû laisser une fille de neuf ans, au Cameroun.
Or ce texte interpelle fortement Malonga, originaire de Guinée équatoriale : « J’ai “épousé” un Français, mais je reste sous la menace d’une expulsion. Je suis défendue par un avocat et me voici encore convoquée à la Préfecture de Rennes.
Je travaillais comme comptable à l’aéroport de Malabo, la capitale, dans l’île de Bioko, mais j’ai dû fuir mon pays, parce que j’étais au courant de trop de choses… Ce pays d’Afrique équatoriale sur le golfe de Guinée comporte en effet une partie continentale et une partie insulaire. Vingt-huit mille kilomètres carrés pour huit cent mille habitants. La Guinée équatoriale est indépendante depuis 1968, sous la présidence de Macias Nguema, qui gouverna par la terreur avant de devenir fou. Il a été renversé en 1979 par un militaire de son clan et depuis on ne peut vraiment pas parler de démocratie ! »
D’après elle, le président en exercice aurait eu cinquante enfants, n’en aurait reconnu qu’une vingtaine. « Moi-même, j’ai été victime de la polygamie : mon père avait sept femmes et treize enfants. Pas même père, même mère ! Je faisais partie de la tribu des Bubis, plus intelligents, mais exterminés par les Fangs. »
Elle est excitée, volubile, fait de grands gestes, et je tente de la calmer, mais elle a su captiver l’attention et l’intérêt de toute la classe. Comme elle a eu des enfants dans son pays, quel écheveau, sa situation !
Violette partage entièrement les récriminations de Malonga : le triste sort réservé aux femmes, chargées d’élever les enfants. « Tu dois assumer toutes les tâches domestiques, aller au marché pour subsister, afin de vendre des produits que tu as cultivés et cuisinés. Tu n’as aucun espoir de pouvoir t’instruire, ni mener une vie normale. Tu es prisonnière et victime des coutumes, des traditions, de la polygamie, et sans argent, tu ne peux bénéficier ni des soins hospitaliers ni avoir recours à la justice. »
Mais elles s’emportent toutes les deux avec fatalisme et dérision, rient même de leur situation, si bien que toute la classe se laisse prendre par une sorte de compassion médusée. Je remarque cependant l’air narquois de Mossa et lui demande ce qu’il pense de la polygamie. Il n’est nullement embarrassé : « En ce qui me concerne, je pense que j’aurai plus tard six ou sept femmes ! »
« Comment voulez-vous que la situation des femmes africaines progresse ! » disent ensemble nos deux insurgées, en jetant un regard courroucé vers le jeune représentant du Pays des hommes intègres.
Heureusement, Ibrahim, originaire du Sénégal, né à Dakar, également de religion musulmane, me répond que, lui se contenterait d’une seule femme, et se réfère à Léopold Sédar Senghor, qui célébra la négritude et avait l’espoir d’une réconciliation universelle des hommes.
Dans son classeur se trouve le très beau poème Femme noire de l’ancien président né à Fadiout, un village de coquillages, près de M’Bour. Je l’invite à nous lire quelques strophes.
Les trois premiers vers, nous dit-il, évoquent la douceur maternelle :
« Femme nue, femme noire,
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté,
J’ai grandi à ton ombre, la douceur de tes mains bandait mes yeux. »
« Oh ! intervient Violette, c’est tout à fait ça, et je me revois à Douala, portant ma fille, puis la tenant par la main, et je sentais combien elle avait confiance en moi, besoin

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