Descente au paradis
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Descente au paradis , livre ebook

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Description

Se découvrant atteint d’un cancer à l’issue de sa participation à une Course IRONMAN, Bertrand LOUBEYRE fait l’expérience douloureuse de la maladie et du dépassement de soi.
Avocat passionné de triathlon longue distance, il raconte comment il parvient, à force de détermination, à accomplir l’exploit sportif en mémoire de son père.
De lourds traitements médicaux sont l’occasion de voir ressurgir les fêlures de l’enfance dont il faut aussi guérir.
Il trouvera au plus profond de lui-même les ressources nécessaires lui permettant d’endurer les souffrances physiques et morales préfiguratrices de joies et de libertés plus intenses.

Cet émouvant récit d’une rédemption prouve que l’envie de vivre peut donner des ailes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 janvier 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414293018
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-29302-5

© Edilivre, 2019
12 heures
Zürich. 30 juillet 2017.
12h, 36 minutes, 29 secondes.
Le temps qu’il m’a fallu pour boucler l’Ironman de Zürich.
3,8 kms de natation.
180 kms de vélo.
Un marathon (42, 2 kms).
Enchaînés.
Ces chiffres ne vous disent rien avant qu’ils ne vous imprègnent.
La performance n’est pas mal ou plutôt pas mal du tout. Il en faut des litres de sueur et des heures d’abnégation pour passer du pas mal au pas mal du tout.
Puis, viennent les mots : « Découverte d’une multitude de lésions nodulaires suspectes ; séminome pur de 8 cm de grand axe. »
Ces mots qui ne vous disent rien avant qu’ils ne vous frappent.
Les énergies sont belles, la détermination est extrême et si calme ce 30 juillet à 6 h du matin, au bord du lac de Zürich qui s’éveille sûr de lui, de ses montagnes, de son art de vivre, de son assise.
Les insomniaques, les fêtards, les travailleurs de l’aube croisent les centaines de triathlètes qui déferlent, portant fièrement la marque Ironman sur le sac à dos officiel de course.
Nous sommes une communauté, croisant, du haut de nos certitudes, des individus atomisés qui savent à peine ce qu’ils feront de leur journée. Nous, nous le savons parfaitement. Nous y sommes préparés, nous ne flottons pas, encore, nous sommes soudés.
Le triathlète est cet être hanté par un individualisme forcené et une soif de la communauté. Comme tout le monde, mais dans des proportions exacerbées.
À ce moment précis, nous sommes en lien d’amour, d’humanité, d’acuité, de renoncement, tendus vers l’épreuve qui est là, vers les efforts qui attendent, vers le soulagement final.
Les 2500 participants s’amoncèlent, se resserrent dans l’enclos réservé, délimité par des barrières, derrière lesquelles les familles, les badauds s’agglutinent en chœur.
Les mains se serrent, les visages se caressent, on se donne l’accolade, on s’embrasse, on a peur, il y a tellement d’amour et beaucoup de queue devant les toilettes pour y assouvir ses appréhensions, son « stress de la mouette ».
L’heure approche. Comme toujours.
L’enclos est complet. Tous pieds nus, en combinaison de natation, bonnet aux couleurs de la course et lunettes de nage sur la tête. 2500 triathlètes qui se jettent à l’eau ensemble, gonflés de boissons énergétiques ingurgitées depuis trois mois, cela peut créer quelques remous et un effet lessiveuse.
Les coups pleuvent, les tasses sont bues et les lunettes arrachées.
Mais, sous le label Ironman, un système d’échelonnement des départs a vocation à atténuer cet effet lessiveuse. Il s’agit du rolling start. Au bord du lac, deux lignes se sont créées sous les ordres d’un starter électronique qui va rythmer chaque départ toutes les cinq secondes.
Tut, tut, tut, tut, tuuuuut.
Ce son des blocs opératoires et salles de réveil des hôpitaux.
Au son long, le triathlète présent sur la ligne s’élance. Le processus de départ durera quelques dizaines de minutes. Le chronométrage individuel est pris en compte par une puce électronique qui entoure la cheville gauche de chaque compétiteur.
Pour favoriser une forme de fluidité de la course dans l’eau, l’enclos de départ est lui-même subdivisé en sas de départ, chaque sas correspondant à un temps estimé pour accomplir la partie natation.
Le compétiteur qui estime son temps de natation à 1h 20 sur 3,8 kms se place dans le sas 1h 20 et ainsi de suite.
Les derniers seront les premiers, disent les Écritures.
Les derniers partent en dernier, dit le règlement Ironman.
Nos derniers partis arrivent d’ailleurs souvent derniers.
En pays Triathlon, l’ascenseur social fonctionne mal.
Sauf à s’appeler Laurent Jalabert ou Lance Armstrong, les mauvais nageurs n’ont aucune chance.
S’estimer. Ne pas se sous-estimer ni se surestimer. C’est ça être dans le bon sas, le bon tempo.
Il ne s’agit pas de créer l’exploit, la surprise, de déjouer les pronostics, d’initier une remontada barcelonaise par quelque coup de génie imprévisible. Ton sas est ta valeur et tu t’y tiendras. L’exercice de sage estimation est inculqué à nos jeunes. Mes enfants m’ont récemment appris que la note de sport au baccalauréat était assise sur une estimation de la performance et non sur la performance pure. L’élève qui a justement estimé sa performance sera mieux noté que celui qui s’est sous-estimé et qui réalise un exploit sportif. Aux yeux de nos évaluateurs, il est plus méritoire de n’être pas bon et de le savoir que d’être bon et de l’ignorer.
À l’orée de la vie, des sas pourraient être créés. Il s’agirait d’estimer son temps de vie selon sa valeur, ses forces, son appétit de vie puis de s’y positionner et, dans la mesure du possible, s’y tenir. Les suicidaires pressés se jetteraient à l’eau en premier puis les faibles d’envie, les derniers de cordée, les humbles et discrets partiraient au fil du tut, tut, au fil de l’eau, les Albert, Édouard, Georges et Louis.
30 ans ; 50 ans ; 70 ans ; 90 ans ; 110 ans, les sas se vident au fil des tut. Chacun se jette à l’eau pour le grand départ. Puis vient le dernier sas, repéré par une pancarte où brille en lettres d’or le mot immortels . Ce sas est plein comme un œuf, les barrières masquent une entrée étroite où l’on joue des coudes pour pénétrer, où l’on se jauge, se frotte. Quelques coups pleuvent.
Les insultes cohabitent avec les sourires, les flatteries, les faux semblants. Ils sont tous là, les Aulnay Pradelle, les Capitaine de Titanic, les va-t’en guerre et quelques académiciens, la peur au ventre, accrochés à la rive.
Au seuil de la vie, le grand arbitre apprécierait le temps de passage de chaque compétiteur, le respect de son sas. Personne n’en voudrait aux flâneurs, aux retardataires, ni même, d’ailleurs, aux pressés d’en finir qui auraient devancé l’appel.
Jamais partis, jamais arrivés, les immortels demeurent statufiés d’ennui sur les berges de l’immuable lac de Zürich.
Ne manquant ni d’espoir, ni d’estime de moi, je me faufile chez les quatre-vingt-dix ans. Installé, j’entrevois une place minuscule de l’autre côté de la barrière chez les cent dix ans. J’enjambe discrètement. La science progresse. L’attente sera un peu plus longue mais l’heure approche.
Les immortels sont juste derrière. Il est tentant d’essayer de passer. Mais une phrase que Marcel Aymé fait dire à son personnage dans la Vouivre empêche de franchir le pas : « Quelqu’un d’immortel, il ne mérite pas de vivre ».
Alors restons en-là, embarquons et ce 30 juillet 2017, la vie, c’est la course.
11 heures
Les derniers sourires aux spectateurs, les dernières tapes dans les mains, les grandes respirations. Le corps est là, robuste, planant, heureux de nuits d’amour, adouci par la sensualité, renforcé par elle. Il est prêt. La façade est belle et la joie du moment fait croire que l’intérieur l’est tout autant.
J’ajuste mes lunettes, je colle le bonnet sur les oreilles, le concurrent précédent s’élance. 4 secondes s’expriment. Tuuut. Il est sept heures.
Je plonge dans les eaux du lac de Zürich, eaux claires au fond desquelles les algues se distinguent, dansent.
Je m’appelle Martin. J’ai 47 ans, quatre enfants, j’exerce le métier d’avocat que j’aime et ressens comme un combat.
Une telle eau, un tel amour charnel qui irradie ses bienfaits, qui gonfle le cœur et l’âme de ses bontés. La façade est belle.
Il s’agit de poser sa respiration, qu’elle ne s’emballe pas, qu’elle se stabilise à un niveau de relatif confort au milieu des remous créés par les autres concurrents.
La combinaison aide à flotter et favorise la souplesse du crawl qui est la nage de tous, ici. Lors de mes premiers triathlons, je brassais souvent pour reprendre ma respiration, ce qui n’est plus le cas maintenant. Il m’aura fallu quatre ans d’entrainement pour y parvenir.
Les bouées défilent dans cette recherche de souplesse afin de s’allonger, s’étirer, progresser dans la fluidité.
L’esprit est recentré, à peine distrait par quelques algues excentriques ou petits poissons suisses sans doute effarés par cette soudaine agitation estivale, cette farandole de pieds, qui frappe la surface en cadence. Un autre monde. Les liens avec notre monde se limitent à des visions furtives de montagnes lointaines, aux bras des voisins, à l’apparition de la prochaine bouée, aux rayons de soleil du matin qui caressent, aveuglent ou guident en fonction de leur orientation et du point où l’on se situe sur le parcours de la course dont le...

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