Hommages à Xavier Sallantin (1922-2013)

Groupe Béna

Description

Xavier Sallantin a longtemps animé des rencontres entre scientifiques, philosophes et théologiens. Il est l’auteur d’une Théorie générale du sens, qui propose une nouvelle compréhension de l’évolution de l’Univers. Après son décès, l’École militaire a ouvert ses portes pour lui rendre hommage. Un colloque, présidé par l’amiral Jean Dufourcq, a permis à chacun des intervenants d’évoquer un des aspects de la personnalité et des œuvres de cet infatigable chercheur de sens qu’a été Xavier Sallantin, à la manière dont, dans un de ses livres de stratégie, il avait fait dialoguer douze points de vue sur la Défense. Ce livret reproduit, avec l’autorisation de chacun des auteurs, l’intégralité des interventions qui ont marqué cette manifestation.

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Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 12 octobre 2018
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782414281794
• Langue: Français

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ISBN numérique : 978-2-414-28180-0

© Edilivre, 2018
Introduction
Xavier Sallantin , né le 8 juillet 1922 à Alençon (Orne) est mort le 4 novembre 2013 à Err (Pyrénées-Orientales). Capitaine de vaisseau honoraire, il a été directeur des recherches de la Fondation pour les Études de Défense Nationale, et membre des Conseils de la Fondation Teilhard de Chardin et de la Société Européenne pour les Études de Science et de Théologie.
Il a fondé en 1970 au hameau de Béna en Cerdagne un centre de recherches et de rencontres entre scientifiques, philosophes et théologiens concernant la question du sens de l’Univers. Il est l’auteur de plusieurs livres sur les défis engendrés par la mondialisation et le développement de nouveaux outils scientifiques et techniques. Épistémologue, il a élaboré une Théorisation Générale du Sens (TGS) dans laquelle il propose de nouveaux outils de compréhension de l’histoire de l’Univers.
En 2003 s’est constitué le Groupe Béna . Il réunit des personnes de disciplines variées désireuses d’approfondir et de prolonger les travaux de Xavier Sallantin.
Quelques semaines après le décès de Xavier Sallantin, l’Ecole Militaire a ouvert ses portes à sa famille et à ses amis pour lui rendre hommage : célébration d’une messe, collation et déjeuner sur place suivi d’un colloque organisé par des membres du Groupe Béna et présidé par l’amiral Jean Dufourcq, rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale.
Nous reproduisons dans ce livret les interventions qui ont marqué cette manifestation
Accueil de l’Amiral Jean Dufourcq
Bonjour à tous et bienvenue dans l’amphithéâtre Louis de l’École Militaire où je suis heureux de vous accueillir cet après-midi. J’accueille en votre nom la mémoire d’un officier de marine et d’un auteur de la revue Défense Nationale. Un grand ancien pour moi à double titre puisque je suis moi-même amiral et que je suis le rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale, la RDN. C’est une façon importante de lui rendre hommage aujourd’hui que de se réunir pour évoquer l’homme, son œuvre, ses amitiés et aussi ses recherches avec la curiosité qui l’a caractérisé.
Je vais diriger les travaux de cet après-midi et aussi lui rendre un hommage personnel, à ma façon, avec plusieurs pistes que je vous propose.
La première pour rappeler quelques souvenirs. Je ne connaissais pas Xavier Sallantin avant 1992 et je n’avais pas entendu parler de ses travaux. Il se trouve qu’en 1992, j’ai hérité de la bibliothèque stratégique de mon père décédé et que j’y ai trouvé un livre annoté par lui en 1962 1 . J’ai eu la curiosité de l’emporter et de le lire entre Valparaiso et Tahiti. Je commandais alors une frégate qui fit ce transit en 11 jours. Ce sont ces 11 jours qu’il m’a fallu pour apprécier tous ces dialogues, toutes les questions qu’ils soulevaient et qui pour moi étaient des questions très vivantes. Même si le texte était ancien, il résonnait encore très fort en 1992. Ce fut mon premier contact avec Xavier Sallantin, un contact intellectuel certes, mais un contact en mer, avec la possibilité de m’évader le soir à la passerelle en repensant à ce que j’avais lu la nuit dans ma bannette de commandant.
Le second contact que j’ai eu avec Xavier Sallantin, c’est ici à la revue Défense nationale. Ma curiosité piquée alors en mer m’a conduit à le faire venir à Paris pour qu’il expose sa vision du sens de son œuvre dans son ensemble et le point où il en était rendu dans ses recherches. J’avais le souci de mes lecteurs et je me rendais compte que l’étendue, la profondeur et la complexité de sa pensée nécessitaient une mise au point pour l’adapter à la réalité du lecteur des années 2000. J’ai donc convié à la RDN Xavier Sallantin qui est venu avec plusieurs d’entre vous. La séance fut très intéressante. Je lui avais demandé d’expliciter sa vision du monde et des liens entre les stratégies de défense et les questions ontologiques. Nous avons eu ici un débat tout à fait remarquable dont je garde la mémoire et dont est issu un texte qu’il a validé, non sans quelques difficultés, car les simplifications que je lui demandais ne lui plaisaient pas et il avait le souci du mot. Ainsi j’ai pu faire connaissance, non plus de l’œuvre, mais de l’homme et de sa personnalité.
Maintenant qu’il a disparu nous avons voulu rendre le tribut que l’on doit à un auteur aussi fécond, aussi profond.
J’ai d’abord demandé au Colonel Jean-Luc Lefebvre, ici présent, qui est peut-être un de ceux qui a le mieux étudié sa pensée stratégique, de lui rendre un dernier éloge. Il est paru dans le numéro de janvier de notre Revue. Puis, pour continuer cet effort de rendre sa pensée accessible à la connaissance du plus grand nombre, nous publions dans le numéro de février, – qui vient d’être bouclé hier ! –, un dernier adieu d’un de ses compagnons de promotion, dont je vous laisserai découvrir le nom. Nous republions aussi un texte qu’il a donné en mars 1958 sous un pseudonyme de “Calender” et dont nous ne savions pas qui en était l’auteur. Nous pouvons révéler aujourd’hui que c’est bien un des pseudonymes qu’utilisait Xavier Sallantin. Je vous laisserai découvrir ce texte dans la revue Défense Nationale ou sur son site internet, mais je ne peux pas résister au plaisir de vous citer sa conclusion qui fait le lien entre le militaire qu’il a été et le chercheur et stratégiste qu’il est devenu. Le thème que nous avons choisi pour ce numéro est la condition militaire. Cela tombe bien car le titre de cet article paru en 1958 était « Évolution de la condition militaire ». Le contexte était alors bien différent ; la guerre d’Algérie pesait lourd dans la compréhension que les militaires avaient de leur métier et de leurs engagements, mais vous verrez d’emblée qu’il avait pris de la hauteur pour essayer de faire comprendre les “relations entre la France et son armée”, pour employer une formule connue.
Je le cite maintenant en deux petites phrases :
“Repenser la condition militaire suppose d’abord une prise de conscience de la réalité totale de l’homme et de son insertion dans l’histoire. Le militaire peut récuser une telle réflexion prétendant qu’étranger aux contradictions dialectiques, son action commence quand cesse le dialogue. Il succombe alors à la tentation de n’être qu’un outil, à la tentation de la simplicité, fuyant la complexité croissante du monde où est sa tâche.  »
Vous l’aurez déjà bien reconnu !
Un peu plus loin dans la dernière phrase de ce texte, il affirme :
«  Le militaire a, plus que tout autre, le devoir de ne pas battre en retraite et d’affronter les réalités d’aujourd’hui et de demain avec le sang-froid et l’énergie propre aux combattants. Puisant dans l’immense capital accumulé par ses anciens et tournant son regard vers le terme que lui propose sa foi, le militaire trouvera des forces pour dominer ses contradictions intimes et pour continuer à faire l’Histoire . »
Vous aurez vu là une idée de l’étendue et de la profondeur de son tempérament de militaire et du lien entre sa vie militaire, que vous connaissez peut-être moins bien, et sa vie de chercheur qui le porte sur le front des idées.
La dernière façon de lui rendre hommage sera pour moi tout simplement d’animer cet après-midi. Elle se terminera à 17h dans cet amphithéâtre dans lequel nous aurons deux séquences. La première va être conduite par des représentants du Groupe Béna dont les membres ont étudié et accompagné la pensée de Xavier Sallantin. Ils vont évoquer, chacun à sa façon, une des facettes de la mosaïque de ce tempérament fort qui a marqué nombre d’entre nous.
La deuxième partie de cet après-midi sera consacrée à des témoignages qui apporteront des compléments personnels pour évoquer cette personnalité. Tous ceux d’entre vous qui le souhaiteront pourront également saluer sa mémoire ou interroger ceux qui sont ici rassemblés.
Enfin pour conclure cet après-midi, quelques mots de Jean Sallantin, son fils, qui est présent comme bien d’autres membres de sa famille. Il nous donnera quelques repères et peut-être quelques pistes pour perpétuer l’œuvre intellectuelle de son père.

1 .   Essai sur la défense, Edition Desclée De Brouwer-1962
Le stratégiste par Jean-Luc Lefebvre
Pour évoquer succinctement le stratégiste – et non le stratège – Xavier Sallantin, je m’appuierai sur quelques titres significatifs de sa volumineuse bibliographie.
En premier lieu, il convient de citer cinq articles publiés entre 1955 et 1967 :
1955 (août-septembre) [RDN p. 186 à 195] : La mine marine et ses parades .
1958 (mars) [RDN p. 436 à 450] : Évolution de la condition militaire .
(article publié sous le pseudonyme : « Calender »).
1958 (novembre) : Le javelot, le bouclier et l’Europe , Revue militaire d’information n° 299, p. 91 à 105 (article publié sous le pseudonyme : « Calender »).
1967 (août-septembre) [RDN p. 1425 à 1440] : Comment expliquer les succès des savants chinois ?
1976 (août-septembre) [RDN] : Métastratégie
L’officier de marine Sallantin s’est d’abord illustré par un article de tactique navale consacré à la mine navale publié sous son propre nom, puis par un article sur un sujet plus sensible « Évolution de la condition militaire » et un véritable article de géostratégie « Le javelot, le bouclier et l’Europe » tous deux publiés sous le pseudonyme de « Calender ».
Pourquoi « Calender » ?
Je lui ai posé la question en 2010, il m’a fait la réponse suivante :
« J’ai recherché d’où j’avais tiré ce pseudo Calender. Dans...