Je suis née dans une île
136 pages
Français

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Description

« Cette ouverture sur l'école m'amenait à poser de plus en plus de questions à mes parents, ce qui rendait mon père furieux. Il ne voulait rien savoir de cela et on n'avait pas le droit de parler d'école à table. Je me faisais toujours reprendre, pour lui mon avenir était tracé, c'était l'usine à quatorze ans ! »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 septembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342012590
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Je suis née dans une île
Françoise Aubert
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Je suis née dans une île
 
 
 
À Elise
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie
 
 
 
Chapitre I. Au commencement
 
 
 
Je suis née dans une île, mais ce n’est qu’une île posée entre deux bras de la Seine dans ce qu’il est convenu d’appeler maintenant le 93 sans cocotier ni sable fin.
 
À la fin de la Seconde Guerre mondiale et au début de ma vie, ce n’était encore qu’un champ avec de l’herbe sauvage, creusé d’un gros trou, par une bombe tombée, heureusement, à côté de la maison. Cela deviendra une décharge commode lorsque toute la région va se transformer en un jeu de construction et qu’il faudra évacuer les gravats. Devenue décharge, on parla bientôt d’un bidonville.
 
Je suis née dans « la petite chambre » chez ma grand-mère. Il s’agissait en fait d’une construction en bois de bateau ajoutée à un petit deux pièces en plaques de fibrociment.
 
La Zone n’était pas constructible, la Seine de gauche voulant de temps en temps rejoindre la Seine de droite lors de grandes inondations en ensevelissant cette partie de l’île. C’était donc un bâtiment provisoire dans lequel mes grands-parents paternels vivront jusqu’à leur mort et moi, une grande partie de mon enfance et de ma jeunesse.
 
C’était la fin de la guerre et le provisoire durait longtemps.
 
La chambre était petite, très chaude, très sombre avec un petit poêle à charbon, construite avec le bois verni et noirci d’un vieux bateau.
 
Il n’y avait pas encore l’électricité et c’est à la lueur d’une lampe à pétrole que les choses se passèrent.
 
Bien, heureusement.
 
Maman n’avait que vingt ans à ma naissance, et j’étais un bébé de bonne volonté. Je n’ai pas vraiment de souvenirs de ce moment-là, alors je vais vieillir un petit peu.
 
Jusqu’à mes trois ans, la vie était tranquille. Ma mère me nourrissait, le lait était encore rationné, la vie reprenait son cours après toutes ces années de peur et de mort, le travail ne manquait pas et mon père était courageux.
 
Je revins à la maison de mes parents, située un peu plus loin sur le terrain. Elle fut construite par mon père et mon grand-père juste pour ma naissance. Elle était également en bois, provenant de la démolition d’une autre maison située un peu plus loin sur le même terrain, qui avait vu s’éteindre les parents de ma grand-mère.

On récupéra le bois et les hommes arrivèrent à bâtir une maison sans recourir à un architecte ni à un maître d’œuvre, de deux pièces élevées sur une cave en brique, à cause des inondations possibles. Elle n’était pas bien grande, mais on y était très bien. Elle était chaude et le vent jouait de belles symphonies sur les tôles du toit. Cela me berçait d’entendre la pluie qui tapait dessus alors que j’étais bien au chaud dans mon petit lit dans la seule chambre qui servira d’ailleurs plus tard pour notre famille de six personnes.
 
Mais où un petit enfant est-il mieux que dans la chambre de ses parents ?
 
Je garde même maintenant le plaisir d’entendre le vent et la pluie frapper les vitres d’une fenêtre ou d’un toit, et cela m’endort toujours.
 
Mes parents étaient jeunes et pleins de confiance en l’avenir en ce temps-là. Le travail ne faisait pas peur à mon père tandis que ma mère, elle, devait rester à la maison pour prendre soin de ses enfants. Elle assurait la vie du foyer sans les moyens modernes dont nous disposons maintenant et c’était un rude travail. Il était à prévoir que sans droit à l’avortement ni moyens de contraception, malgré quelques contournements non sans risque, j’allais avoir des frères et sœurs.
 
Il y avait le terrain avec ses arbres fruitiers, une bande de terre à côté non utilisée qui deviendra le jardin potager, et même une partie du grand champ sera défrichée lorsque la famille s’agrandira et que les actions syndicalistes de mon père le mettront au chômage sans rien et sans possibilité de retrouver du travail.
 
 
 
Chapitre II. La suite
 
 
 
Je ne peux parler de moi sans parler de mes parents.
 
Mon père commença à travailler à treize ans. C’était l’époque où les vélos étaient très utilisés pendant la guerre, Il apprit à les réparer et à la fin de celle-ci, il en vint tout naturellement à réparer les automobiles. Il apprit à les conduire et s’offrit la seule richesse que notre famille ait jamais eue : une voiture Mathis toute carrée et noire qui demandait quelques tours de manivelle pour se mettre en route. Elle sera bien sûr remplacée, mais nous aurons toujours ce luxe d’une voiture même lorsqu’il faudra se tasser à six personnes dans une 2 CV.

L’école étant maintenant obligatoire jusqu’à quatorze ans, je gagnais un an par rapport à mon père mais à quatorze ans, je serai tenue d’apporter aussi mon salaire à la maison.
 
Mon père tenait beaucoup à la lutte des classes : un enfant d’ouvrier devait rester dans le monde ouvrier, chacun à sa place et en chantant L’Internationale  !
Il ne restera pas toute sa vie communiste.
 
Désolée pour lui, je me révélais une bonne élève mais c’est pour plus tard, lorsque je m’apercevrai que la vie n’est pas aussi simple que de courir dans les champs et de démarier les carottes !
Pour le moment, j’apprends à marcher et fais tout ce qu’un enfant de cet âge peut faire. Je rends heureux toute la famille. Maman m’habille comme une petite poupée avec des nœuds et des rubans. On cueille des fleurs et la vie est belle. Mon grand-père est fou de moi alors qu’il était censé ne pas aimer les enfants, comme quoi il ne faut pas confondre père et grand-père !
Mon père s’est toujours plaint de ses parents ; il en est toujours ainsi dans toutes les générations quoi qu’on fasse !
 
C’est vrai que les conditions de vie étaient plus difficiles dans ce milieu ouvrier, de plus en temps de guerre.
On pouvait parfaitement talocher un enfant sans se retrouver devant un tribunal. Quelques verres de vin en plus y aidaient beaucoup. Dans ces moments-là, même petite, on apprend vite la notion de limite à ne pas franchir.
J’ai en encore quelques souvenirs car la tradition se poursuivit dans ma génération. Maman n’aimait pas, mais les femmes en ce temps-là…
Ces taloches étaient quelquefois bien méritées.
Cependant, j’ai des souvenirs d’une petite fille courant au soleil et tirant son grand-père par la main pour aller cueillir des fraises des bois qui poussaient derrière la maison. Je n’avais pas le droit d’y aller toute seule et un grand chien roux appelé Black veillait sur cette sortie de terrain !
 
Une allée en travers de l’île reliait les deux maisons, celle de mes grands-parents et celle de mes parents. Entre deux, il y avait la buanderie de ma grand-mère où l’on lavait le linge dans de grandes lessiveuses et un baquet avec une planche à laver et une brosse.
 
Un petit poêle à bois servait pour chauffer l’eau.
 
Il y avait aussi un petit clos à lapins, un petit poulailler. J’allais avec ma grand-mère cueillir l’herbe pour les nourrir, et c’est à cette occasion que je découvris l’énorme trou de bombe. Je ne crois pas avoir eu peur, trop jeune pour cela sans doute. Dans le poulailler, accroché au grillage se suspendait un panier à salade dans lequel les escargots étaient en attente d’être dégustés.
 
Il n’y avait qu’un seul lieu d’aisance qui se révéla bien vite plein et ne fut jamais vidé.
Pour nos besoins, on disposait d’un pot de chambre que l’on appelait Jules.
 
Jules était aussi le prénom d’un lointain cousin que mes parents détestaient et la plaisanterie de mon père consistait à demander d’un ton très convaincant et inquiet à ma mère : « Jules est là, je le fais entrer ? » Maman, haussant les épaules, répondait oui et mon père amenait le pot de chambre !
Cela me faisait rire car mon père plaisantait rarement. C’était un bon jour.
 
Le soir, le pot était posé dans la partie cuisine de la maison et enlevé le matin où le contenu rejoignait le tas de… compost, mais on l’appelait alors autrement.
 
En fait, la maison comportait une cuisine de 12 m 2 et une chambre de 16 m 2 . Il n’y avait pas de douche ni de salle de bains et, lorsque je serai devenue plus âgée, il y aura la cérémonie du dimanche soir où chaque fille s’isolait dans la chambre avec une cuvette d’eau chaude pour la grande toilette.
Les autres jours, c’était toilette de chat dans l’unique évier qui était le seul point d’eau de la maison.
 
C’est un de ces soirs où je m’aperçus que de fillette, je passais au rang de jeune fille. Je ne sais pas ce que cela me fit, ni comment cette chose s’était produite, sinon que j’allais avoir des contraintes complémentaires. Je ne reçus pas d’autres explications qu’il fallait faire attention car je pouvais avoir un enfant (sic). Il n’y avait pas encore d’éducation sexuelle à l’école.
 
Mais, je reviens à « la propriété ». Après le poulailler de ma grand-mère, il y avait la scierie de mon grand-père car on se chauffait beaucoup au bois que l’on pouvait ramasser un peu partout et, très longtemps, cette scie à moteur fut uniquement la charge et la propriété exclusive de mon grand-père qui n’autorisait pas son fils à s’en servir. Il fallut vraiment que mon grand-père soit proche de son grand départ et très malade pour que mon père puisse officier.
 
Ce fut l’objet d’une querelle familiale récurrente. Quand mon père put se servir de la scierie, il eut l’impression de devenir adulte pour la première fois.
Je n’ai jamais essayé de m’en serv

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