L enfant est l eau du père dans la soif de demain
92 pages
Français

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L'enfant est l'eau du père dans la soif de demain , livre ebook

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Description

Comment penser un tel espace où cohabitent les démons et les prophètes, la spiritualité et le grand banditisme ? Vivre au Mali implique une philosophie du peu, de l'éphémère. Dans ce lieu de passage où « une datte par jour suffit », l'homme doit s'adapter.
L'auteur résume le mythe fondateur du peuple Dogon, initie le lecteur aux rites animistes de moins en moins pratiqués, au profit de l'Islam qui simplifie leur vie du point de vue administratif. Elle raconte ce pays qu'elle a sillonné juste avant qu'éclatent les évènements sanglants dressant l'une contre l'autre les diverses ethnies qui composent artificiellement ce Mali aux frontières tracées au cordeau, loin de toute préoccupation ethnographique, dans des bureaux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 mars 2014
Nombre de lectures 3
EAN13 9782332673657
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-67363-3

© Edilivre, 2014
Du même auteur


Du même auteur
Classe verte (Liban 1998, éd. Hatem Écologie)
Ombres et lumières en terre d’Islam
En Orient, il était quelle heure ?
Des rives du Continent
Souvenirs d’En-France
Citation

Toutes les différences se ressemblent
Claude Lévi-Strauss
Carte du Mali

CARTE DU MALI
Avertissement
AVERTISSEMENT
Si vous n’avez pas peur d’enjamber, monter, descendre des pentes parfois raides ; d’escalader des roches glissantes, des marches hautes, d’utiliser dans les passes difficiles des échelles dogon, simples troncs d’arbres sur lesquels des encoches ont été pratiquées ; de traverser des villages précédés par des enfants morveux qui vous prennent la main, vous demandent un bic, un bonbon, un bidon.
Si vous n’avez pas sans cesse à l’esprit qu’un accident pourrait survenir dans la falaise.
Si vous ne craignez pas d’arriver fourbus dans un campement rudimentaire aux latrines nauséabondes, de prendre une douche, les pieds jamais propres, avec un demi seau d’eau froide, sur le sol en terre battue. Si vous acceptez de rester quelques jours sans vous laver.
Si vous pouvez passer le temps du séjour sans brushing.
Si vous appréciez de dormir sur une terrasse à la belle étoile quand souffle un Harmattan à décorner les zébus, ou dans un abri sans porte, sans fenêtre, sans lumière électrique.
Si vous n’êtes pas rebutés à l’idée d’avaler de la poussière sur les pistes, de vous voir, le soir, des chaussures aux cheveux, couleur de la terre cuite, du sable infiltré jusqu’au fond de votre sac, de vos poumons, de votre duvet, de votre étui à lunettes, de votre bouteille d’eau.
Si vous n’avez pas besoin de pain frais, de repas sophistiqués.
Si vous vous intéressez à des traditions, à des mythes, des genèses, des cosmogonies, avant que le souvenir en disparaisse.
Si vous voulez comprendre que le gaspillage peut être évité.
Si vous savez voir la beauté du ciel étoilé, la pureté des lignes des maisons en banco, du rose au beige, de la couleur de la falaise, les nuances d’un lever de soleil sur le Niger, tous les orange, tous les gris, la noblesse de port des femmes, la grandeur des vieillards.
Si vous raffolez d’être réveillés la nuit par le braiment des hippopotames.
Ce pays est pour vous.
Maryvonne Chénel
Les Dogon de la falaise

LES DOGON DE LA FALAISE
L’auvent Desplagnes à Songo

L’AUVENT DESPLAGNES À SONGO
 
Pendu au mur, crâne allongé, haut front fuyant, nez anguleux, regard intériorisé agrandi par le temps, mâchoire saillante, entre l’humain et l’animal, lourd de tous tes secrets, tu m’as subjuguée.
Les amis chez qui je suis, chez qui tu es considèrent mon regard fixe :
– Vous blêmissez. Qu’avez-vous vu ?
J’ai demandé : quel est ce masque ?
– C’est le Renard . Il est censé libérer les Dogon. Au commencement, chez eux, le monde était fusionnel. Puis il y eut transgression, inceste, dit-on, et les dieux sont partis, furieux. Peut-être ont-ils vraiment voulu laisser leur image aux hommes en les quittant. Ou bien plutôt, pour les braver, les hommes s’en sont-ils emparés. En représailles, ils connurent la mort. Le Renard que vous voyez assure le retour périodique des trépassés dans le domaine des vivants. Il permet de garder une relation en pointillé avec les temps originels. Complété d’un pagne en raphia couleur sang, il est une institution religieuse. Il sort pour les cérémonies d’initiation, comme la circoncision, à treize ans, pour les garçons. Ou bien pour célébrer un rituel cyclique de fécondité, ou une cérémonie funéraire, à laquelle le précédent est lié. Le culte des ancêtres aussi est une occasion de le montrer. Le reste du temps, il est gardé par un initié, au fond d’une caverne, avec la Mère des masques , bûche de bois qu’on ne voit pas. Autrefois, il fallait la nourrir de sang humain pour la régénérer. Depuis l’Indépendance on sacrifie un chien. Ou des poulets. Le sculpteur qui créa ce Renard est un initié. Dans la forêt sauvage hantée par les esprits, chaque arbre est une émanation des temps d’avant. En choisissant celui qui donnera le bois dont naîtra la Mère des masques , le sculpteur intègre ces temps dans le présent. Les femmes ne sont pas associées à ces fêtes. Pire : si l’une d’elles reconnaît un danseur ou croise un masque de trop près, elle sera mise à mort.
J’ai remercié mes amis. À califourchon sur ton crâne, j’ai remarqué une drôle de petite bonne femme : la Sœur des masques, m’a-t-on dit. Il était tard. Fatiguée, je suis partie. Rentrée chez moi, j’ai dormi…
Dans la forêt, je poursuis un génie qui porte, pour tout vêtement, une ceinture en fibre écarlate. Je la lui vole. Au village, j’arbore mon trophée. Colère des hommes, qui me la prennent. Ils me dominent. Je n’ai plus qu’à rentrer chez moi. Pas domestiquée pour autant, je quitte mon domaine peu après et, au coup de gong, je me transforme en Sœur des masques, la seule femme qui, sans se faire massacrer, a le droit de te regarder. Plus : je vais quérir une queue de vache, qu’en guise de sceptre je tiens à la main avec des calebasses. Quand il dodeline, qu’il devient dolent, je dose pour doper le danseur qui te donne vie, la bière de mil que j’ai préparée. Je verse sur ton crâne les libations de bouillie de céréales…
Un coup de sonnette m’éveille en sursaut. J’ouvre la porte. On me tend une boîte. « Vous sembliez subjuguée, nous vous l’offrons » dit la carte. Toi, Renard , lien entre les vivants et le sacré, tu gis, dans un carton, sur un lit de chips synthétiques, une drôle de petite bonne femme à califourchon sur ton crâne. Pardonne-moi si je te renvoie. Ne crois pas que je dogmatise en refusant la donation. J’aurais fait autant d’un dolmen, m’eût-on dotée d’un. Je sais qu’en quittant ton village, tu as subi un rituel de désacralisation. De tout cela je suis avertie. Tu n’es plus qu’un morceau de bois. La question n’est pas là. Je t’ai re-consacré à l’intérieur de moi.
L ’origine des Dogon n’est pas vraiment connue des historiens, qui qualifient cette civilisation de paléonégritique. Ses mystères continuent de fasciner les ethnologues depuis soixante dix ans.
Ce que disent les Dogon : trois ethnies originaires du Mandé, au Nord de Bamako, refusant de se convertir à l’Islam, se seraient déplacées au quatorzième siècle : les Bozo, les Dogon et les Peul . Arrivés au pied de la falaise de Bandiagara, ils se seraient séparés. Les Bozo, pêcheurs, se dirigeant vers le fleuve Niger, les Peul, éleveurs, s’appropriant la plaine. Quant aux Dogon, cultivateurs, ils investirent les contreforts de la falaise, déjà habitée par les Tellem , un peuple de pygmées chasseurs-cueilleurs, ayant eux-mêmes remplacé les Bana .
Les Dogon défrichèrent la forêt pour cultiver le mil, le sorgho, le riz et le fonio, puis le tabac et les arachides. Jusqu’à l’arrivée de l’ethnologue Marcel Griaule (premier voyage en 1931) qui leur apprit à cultiver les oignons après avoir construit un barrage près de Sangha. Ils sont tisserands, potiers et élèvent des chèvres, des moutons et des poulets dans cet espace tropical semi aride, planté de baobabs et d’arbustes rabougris, sur une terre rouge argileuse, où la saison des pluies dure entre trois et quatre mois. Une fois la forêt réduite à la portion congrue par les Dogon, les Tellem n’ayant plus de quoi se nourrir, seraient partis au quinzième siècle vers les forêts d’Afrique centrale, ceci n’étant que supputation car on a perdu leur trace.
Les cavernes abandonnées par les Tellem sont utilisées par les Dogon pour enterrer leurs morts.
Attaqués par les Mossi au quinzième siècle et par les Peul au dix-huitième siècle, les Dogon se sont repliés dans les anfractuosités de la falaise longue de cent soixante dix kilomètres, érigeant leurs villages en sites défensifs.
En 1893, les troupes françaises s’emparent de Bandiagara, pacifient la région, permettant aux Dogon de descendre dans la plaine pour élargir leur surface agricole au pied de la falaise, repoussant les Peul un peu plus loin dans la campagne.
M arcel Griaule, l’ethnologue qui consacra sa vie aux Dogon, fut initié à Ogol, où il avait sa base, par Ogotemmêli, le chasseur aveugle qui lui révéla (en partie) le mythe de la création du monde : Dieu, Amma , pour former les étoiles, jette en l’air des boulettes de limon. Puis il conçoit le soleil et la lune, par une technique proche de la poterie. Ensuite, il fait naître la terre en jetant un morceau de glaise qui s’étale du nord (le haut) au sud (le bas). Cette terre reçoit l’eau du ciel, devient lieu de...

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