L Odeur de la soupe froide
194 pages
Français

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L'Odeur de la soupe froide , livre ebook

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Description

J'ai voulu, par ce modeste ouvrage, rendre compte de ce que pouvait être la vie d'un adolescent qui s'est loué en tant qu'ouvrier agricole trois années consécutives dans trois familles différentes. Cette situation a aujourd'hui disparu et c'est par ce témoignage (aussi précis que ma mémoire me le permet) que je souhaite en laisser une trace.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 février 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414168583
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-16856-9

© Edilivre, 2018
Préface
Je pense avoir fait partie de cette catégorie de gens, les ouvriers agricoles, à avoir vécu les dernières années d’une fonction aujourd’hui complètement disparue, car s’il existe toujours des employés dans le monde de l’agriculture, leur travail est réglé de la même façon que n’importe quel autre salarié et a rejoint les statuts sociaux mis en place en mille neuf cent trente-six, à savoir des horaires journaliers, une obligation d’adhésion au régime social, le respect des jours fériés, les congés payés et, dans la majorité des cas, les repas ne font plus partie du contrat. Donc il n’y a plus cette immersion totale au sein de la famille des patrons. C’est pour cette simple raison que j’ai voulu faire ce modeste ouvrage afin de rendre compte au travers de ma propre expérience de ce que pouvait être cette fonction.
Je n’ai pas d’autre ambition que de laisser mon témoignage personnel en soulignant toutefois que beaucoup de mes collègues, filles ou garçons, ont connu des destins bien différents. En effet, certains, au fil du temps, sont devenus membres de la famille à part entière, adoptés légalement ou pas par des maîtres n’ayant pas de descendance, d’autres ont épousé la fille ou le fils de la maison, d’autres ont carrément épousé le patron ou la patronne après un veuvage, d’autres encore ayant passé toute ou partie de leur vie dans la même famille y étaient recueillis et y finissaient leurs jours. C’était toujours mieux qu’à l’hospice.
Et puis bien sûr, il découlait de cette vie commune et de promiscuité pendant parfois des années voire des décennies, toute une profusion de situations spécifiques.
Il y avait aussi parmi cette communauté une forte proportion d’étrangers Polonais, Arméniens, Espagnols ou autres. Ce n’était pas forcément les moins exploités. Il y avait même des cas, notamment pendant la guerre qui devaient friser l’esclavage, car il y avait bien entendu quelques employeurs sans scrupule.
Pourtant, je pense que dans la plupart des situations, nous avions affaire à des gens modestes, sans grosses ressources et qui partageaient sans retenue leur vie simple de tous les jours.
En tout cas, ce fut pour moi une très grande expérience humaine.
Je viens ici remercier de tout mon cœur FABIENNE, CORINNE ainsi que MARIE-FRANCE. Sans leur précieux concours, mon projet n’aurait jamais été réalisé.
Chapitre 1
Il se dirigea vers moi la main droite tendue, l’autre dans sa poche de pantalon, et me dit :
– T’es pas gagé ?
– Non monsieur,
– T’as quel âge ?
– 15 ans et demi.
C’était un homme dans la trentaine jovial et souriant. Il était vêtu d’une ancienne veste de costume de couleur foncée sur une chemise à col ouvert et d’un pantalon gris. Aux pieds, il avait des chaussures noires à lacets, il se promenait tête nue, ce qui était rare à cette époque.
Tout ce qu’il y avait de plus classique pour venir à l’assemblée de mai à Richelieu. J’avais noté dans ma jeune tête une bonne partie de ces détails et j’en avais tiré une impression plutôt favorable. Il faut dire qu’il valait mieux ne pas se tromper, car les quelques minutes qui allaient suivre engageraient ma vie pour une année entière, ma vie, mais aussi une partie de la sienne.
– Viens, on va boire un coup, on va discuter un peu, me dit-il.
Je le suivais donc sans réticence dans le café qui se trouvait devant nous sur la place. Chemin faisant, je réfléchissais aux réponses que je donnerais aux questions qu’il n’allait pas manquer de me poser.
En 1947, l’année de la fin de ma scolarisation j’avais, grâce à un instituteur très efficace réussi à décrocher mon certificat d’étude primaire. Toujours sur les conseils du maître, mes parents me firent inscrire à Tours dans un centre d’apprentissage. J’y suis rentré le premier Octobre. Je voulais être mécanicien, malheureusement même s’il existait une section mécanique, il n’y avait pas de place pour moi. J’intégrais donc d’office la section forge serrurerie. Le centre était installé dans une ancienne caserne avec dortoirs de 20 à 40 lits et les lavabos étaient faits d’un simple tuyau percé tous les 50 centimètres positionné au-dessus d’un bac de plusieurs mètres de long qui avait dû servir d’abreuvoir aux chevaux de l’ancienne cavalerie de la caserne. Nous étions, de mémoire, environ deux cents élèves. Le gros problème était la nourriture. En effet, nous sortions de la guerre et étions encore sous le régime des tickets de rationnement. Je n’étais pas habitué à avoir faim et là, j’ai vraiment connu des moments difficiles. A la campagne, mes parents n’avaient pas beaucoup d’argent. Les repas n’étaient pas très variés, mais nous mangions toujours à notre faim. A Tours, cela était bien diffèrent. Je rentrais à la maison seulement une fois par mois, c’était bien peu, mais c’était toujours à cause des frais. Au centre, j’étais nourri et logé ; pour l’argent de poche et les vêtements, c’était une toute autre histoire !!! Aussi à Noël, je quittais le centre, malgré de très bonnes notes (surtout en enseignement général). J’avais enfin pris goût aux études, mais il était trop tard.
Je rentrais donc chez mes parents et restais travailler à la ferme toute l’année 1948. Ensuite, mon père me trouva un patron serrurier à Richelieu. Celui-ci me rédigea un contrat en bonne et due forme. C’était un vieux garçon très original, mais un bon artisan. Il employait déjà un ouvrier qui fut très gentil avec moi et aussi très doué pour le boulot. Le matin, je venais travailler avec un vélo que mon père avait acheté d’occasion tout exprès. Il était très ancien, très lourd, mais était en bon état. J’avais une douzaine de kilomètres à faire tous les jours. J’amenais mon déjeuner. Quand j’arrivais à l’atelier, très souvent nous repartions en chantier, parfois à quinze kilomètres plus loin, parfois beaucoup moins, mais alors, nous chargions tout le matériel sur la charrette à bras et j’étais chargé de tirer celle-ci jusqu’au chantier. Nous avons ainsi protégé toutes les fenêtres d’un château qui devait accueillir une colonie de vacances, avec des grilles que nous avions confectionnées et que j’ai toutes transportées avec la fameuse charrette à quatre kilomètres de l’atelier. Le patron n’avait pas de voiture. Je n’avais pas de salaire, mais fin de semaine, il était convenu que j’aurais une pièce si mon travail était satisfaisant. Seulement voilà, le patron trouvait souvent un motif de mécontentement. Moralité, je n’avais jamais rien, ou presque. Moi j’avais quinze ans et je pensais beaucoup à sortir. A l’époque, il n’y avait que le bal ou éventuellement le cinéma. Ma sœur qui est de 5 ans mon aînée, m’avait un peu initié à la danse, et j’adorais. Seulement voilà, pour aller danser, il fallait un minimum d’argent, et je ne pouvais pas compter sur mes parents. Je décidais donc de rompre le contrat et d’aller travailler comme ouvrier agricole. Je pense que cette solution arrangeait tout le monde. Je dégageais la maison et je n’étais plus à charge, ni pour les vêtements, ni pour la nourriture. De mon côté, je devenais autonome, ce qui ne manquait pas de me ravir.
Voila comment je me retrouvais devant un verre de vin blanc au café du commerce à Richelieu le premier dimanche de mai 1949 avec un bouquet de muguet à la boutonnière. A cette époque, chaque année, le premier dimanche de mai, tous les ouvriers agricoles se présentaient à cette fête avec quelques brins de muguet à la boutonnière. Parallèlement, les agriculteurs qui recherchaient un ouvrier se rendaient à la foire afin d’en louer un (on disait gagé) pour l’année. Même si un ouvrier et un patron avaient renouvelé le contrat, bien souvent, la négociation ne se déroulait que ce jour-là. C’était une coutume et cela permettait de se renseigner sur les prix pratiqués, car contrairement à ce qui existe maintenant, rien n’était fixé d’avance. C’était en fonction de l’âge, des capacités, des références et de la renommée de l’ouvrier, et aussi du patron. Il y avait les bons et les mauvais ouvriers, mais aussi et surtout les bonnes et les mauvaises maisons. Bien que nous n’habitions pas très loin l’un de l’autre, je ne connaissais pas mon interlocuteur.
– T’habites où ?
– A Ceaux, à la Garennerie,
– Ah ! T’es un Taveau.
– Oui.
Ma réponse ne plaida pas en ma faveur. Mon père n’avait pas une excellente réputation. Il se gratta la tête d’un air perplexe. Je le sentis sur ses gardes, et pensais que ce n’était pas gagné. Après un moment de réflexion, il me dit cependant.
– Tu sais, moi j’ai besoin de quelqu’un, mais la ferme est petite et je ne pourrais pas te donner bien cher. Tu veux combien ?
– Je suis conscient de mon âge et de mes capacités. Je veux soixante douze mille pour l’année.
Les prix tournaient, pour un bon ouvrier, autour de cent mille francs (c’était neuf ans avant que notre monnaie ne soit divisée par cent). Il me toisa encore, réfléchit encore un instant, puis sans enthousiasme, mais sans autre marchandage, il me dit.
– Allez, on va essayer de s’entendre. Tu auras ta paye tous les mois, comme on fait d’habitude. Ça fera donc six mille francs.
Je lui répondis que j’étais d’accord. Il me précisa alors qu’il allait me déclarer à l’assurance sociale. C’était quelque chose de tout nouveau. L’employeur seul payait une cotisation. Il n’y avait donc aucune retenue sur le salaire. Je pense qu’à cette période, très peu de patron prenaient cette précaution. Pour le reste des conditions, nous ne les abordions même pas. La logique voulait qu’un ouvrier agricole soit dans sa fonction 24 heures sur 24 et 7jours sur 7. Il était logé, nourri et blanchi. Il rentrait vivre au sein d’une fami

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