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pages
Français
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Ebook
2023
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Publié par
Date de parution
30 mars 2023
Nombre de lectures
0
EAN13
9782924550755
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Dans cette chronique d’une enfance aux Caraïbes, on s’immerge intimement dans l’univers savoureux et intense de la Martinique au temps des débuts des Trente Glorieuses (années 1940 et 1950). Un univers disparu, révolu, parti au vent... On le voit ici revivre. Tout le dispositif culturel y est, solidement en place et déployé tout naturellement. Les espèces halieutiques, les aventures pharmaceutiques, les innovations culinaires, la vie sociale et les grands paramétrages sociologiques, la navigation de besogne et de plaisance, la musique et les boums, les petits et les grands métiers, la résistance sourde et tendue au colonialisme métropolitain, Aimé Césaire... Sans oublier les dangers. Dangers sur mer et sur terre, dangers sur les toits, sur les piles de cageots de bois et dans les sites désaffectés où ces jeunes gaillards écervelés vont s’amuser, dans l’insouciance la plus flamboyante. Animaux venimeux, poissons dentus ou hérissés de piquants. Embarcations chambranlantes. Naufrages improbables. Filets de pêche emberlificotants. Cyclones tropicaux. Marigots suspects. Sites miniers ou militaires non sécuritaires. Ces enfants qui se jouent de tout, en toute innocence, au milieu du siècle dernier en Martinique, nous en font voir de toutes les couleurs.
Précis, disert, mais aussi méthodique et limpide, Jean-Pierre Asselin de Beauville arrive à nous fournir, grâce à son écriture sobre et magnifiquement tempérée, une expérience de lecture qui saisit et charme en même temps. Tout en détenant une très solide dimension ethnologique, le propos parvient à balancer harmonieusement toutes les particularités fines d'une aventure qui apparaît originale et dépaysante, surtout pour un lecteur occidental. Cette farine de coco est un délice de tous les instants. À lire absolument.
Publié par
Date de parution
30 mars 2023
Nombre de lectures
0
EAN13
9782924550755
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
L’odeur douce et sucrée de la farine de coco
Récit d'une enfance en Martinique au cours des années cinquante
Jean-Pierre Asselin de Beauville
© ÉLP éditeur, 2023 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com
ISBN : 978-2-924550-75-5
Conception graphique : Allan E. Berger
Image de la couverture :
Je dédie ce livre à mes deux filles chéries Sandra et Estelle
Prologue
Aprèstant d’années, tant devoyages, tant de pays visités, tantde villes habitées, tantd’expériences vécues, tantde vies disparues, tant d’amourspartagés, tant d’amisperdus ou retrouvés, tantd’amitiés cultivées tantd’histoires racontées aux petits-enfants…
Estvenu le temps de chanter le temps del’enfance, du cocon familial, del’éducation rigide, del’apprentissage de la vie, dubonheur insulaire, du soleiltropical, de la mer, desamitiés forgées, desamours d’enfance, des scolaritéspremières, des jeux envolés…
letemps d’une Martinique (oubliée)… Ilest grand temps de chanter Baba,
Celuique certains désignent, à cause de ses originesmartiniquaises, par le « Babaau rhum »…
Celivre veut restituer l’atmosphère, l’ambiance etla vie d’un enfant en Martinique entre 1946 et 1959. Ilconstitue aussi le récit d’une petite saga familiale àtravers laquelle le lecteur pourra apprécier les évolutionsde la vie quotidienne en Martinique depuis cette période. Lesfaits racontés sont réels, seuls les noms des personnesont été maquillés. L’annexepermettra au lecteur curieux de mieux faire connaissance avecl’environnement familial de Baba.
La tribu de Baba
Moi,Baba, suis le cadet d’une fratrie composée de troisgarçons et deux filles. Kiki est l’aîné,moi le cadet, plus jeune de seize mois, notre petit frère,Bousillot, a trois ans de moins que moi. Mes deux petites sœurssont Nénée et Chab. La plus âgée, Nénée,avec trois ans de moins que Bousillot, tandis que Chab, la benjamine,a cinq ans de moins que sa grande sœur.
Mamie,notre grand-mère maternelle, une métropolitaine néeen 1900 à Chaillevette en Charente-Maritime, a perdu son épouxPierre, des suites de l’absorption de gaz de combat, justeaprès la Première Guerre mondiale. Elle s’estremariée avec Daddy, celui que nous considérons commenotre grand-père, car nous n’avons pas connu Pierre.Notre Daddy n’était pas un inconnu dans notre famillepuisqu’il était un des frères de notre grand-mèrepaternelle Maman Nini… Daddy était un Martiniquais néen 1902 à Ducos, une petite ville du centre de la Martinique.
Audébut de l’année 1941, afin de le protégerdes difficultés dues à la Seconde Guerre mondiale, mesparents ont envoyé leur fils aîné Kiki, néen 1940 à Agen, vivre avec nos grands-parents maternels, auMali d’abord, puis au Maroc ensuite. En effet, à cetteépoque, Daddy était militaire dans l’arméefrançaise et il voyageait au gré de ses affectations.Ainsi, au début de leur vie de couple en métropole,notre père Tilo et son épouse Mimi, notre mère,vécurent avec moi, né en 1941, comme seul enfant.Bousillot naîtra à Toulouse en 1944, un peu avant la finde la Seconde Guerre mondiale.
Mimi mère courage
Mimi,notre mère, est née en 1922 à Clichy, une villedu département des Hauts-de-Seine dans la RégionÎle-de-France qui fait partie de la banlieue nord deParis. Comme mentionné plus haut, elle perd son pèrePierre, des suites de la Première Guerre mondiale, alorsqu’elle n’est âgée que de trois ans. Lacellule familiale se résume donc à sa mère,notre Mamie, à Jojo, la jeune sœur de maman, qui avaittrois ans de moins qu’elle et à son grand frèreCricri, mon parrain, plus âgé de trois ans.
Lavie n’est pas facile pour la petite famille qui survit grâceà la pension de réversion du défunt père.Les difficultés dela vie quotidienne poussent Mamie à envoyer sa fille Mimi, quin’a que trois ans, vivre dans la région parisienne, cheznotre arrière-grand-mère, la mère de notredéfunt grand-père Pierre. Maman n’y est pasrestée très longtemps, car, disait-elle, elle n’aimaitpas « les femmes à chignons ». En effet,notre arrière-grand-mère vivait avec deux de ses filleset toutes les trois se coiffaient avec un chignon. Ainsi, aprèsquelques mois, Mimi retourna vivre à Clichy chez sa mèretandis que Jojo, sa petite sœur, qui n’avait alors qu’unan et qui n’était pas en mesure de protester, prit laplace de Mimi chez notre arrière-grand-mère. Jojo yresta pendant sept ans et ce n’est que lorsqu’elle euthuit ans qu’elle put retourner vivre chez sa mère avecson frère et sa sœur. Jojo vécut mal cettepériode de sa vie où elle fut éloignée desa mère. Cette absence l’avait amenée àidéaliser sa mère jusqu’à se lareprésenter comme « une fée aux cheveuxblonds et aux yeux bleus ». Le retour à la réalitén’en fut que plus dur pour elle lorsqu’elle pritconscience que sa mère n’était pas aussi douce etgentille que dans ses rêves… Mimi, Jojo et Cricriavaient deux cousines et un cousin qui résidaient eux aussidans la région parisienne et qui leur étaient proches.Ils passaient souvent une partie des vacances scolaires ensemble.Mamie possédait une petite maison dans le village deChaillevette situé près de l’océanAtlantique, en Charente-Maritime. Les cousins pouvaient se retrouverdans cette maison, pendant les congés scolaires et ainsiprofiter à la fois de la campagne environnante et desbienfaits de la mer. Ce village étant situé au cœurdu bassin ostréicole de Marennes-Oléron, les enfantspouvaient donc se régaler fréquemment de fruits de merabondants dans cette région.
NotreMamie avait un frère qui vivait au Maroc et qui géraitun petit hôtel à Casablanca. Ce frère étanttombé malade, Mamie se rendit au Maroc afin de l’aiderjusqu’à sa guérison. C’est làqu’elle fit la connaissance de Daddy qui était militaireet qui avait été affecté dans ce pays. Ilstombèrent amoureux l’un de l’autre, se marièrentet partirent s’installer à Agen, en France, oùils vécurent avec les trois enfants de Mamie pendant troisans.
Àcette époque, notre père Tilo était étudiantà Toulouse et c’est lors d’une visite à sononcle Daddy à Agen qu’il rencontra notre mèreMimi. Mamie l’avait surnommé « le grandescogriffe à lunettes » en faisant référenceà sa taille (1,86 mètre) et à sa myopiecorrigée par le port de lunettes… Attirés l’unpar l’autre, ils se fréquentèrent régulièrement.Maman eut, cependant, une adolescence assez courte puisqu’elleépousa notre père Tilo, son aîné de septans, en 1939 alors qu’elle n’était âgéeque de dix-sept ans. Le mariage a eu lieu à la veille dela Seconde Guerre mondiale et mes parents s’installèrentalors à Toulouse où papa étudiait en Facultéde Pharmacie. En 1940, alors qu’elle n’était âgéeque de dix-huit ans, maman donna naissance à mon grandfrère Kiki.
Mamanétait une femme discrète qui cherchait souvent àprotéger ses enfants de la sévérité deleur père. Plus d’une fois, elle a gardé lesecret sur nos bêtises afin de nous éviter d’êtrepunis. Elle avait un caractère bien trempé et,lorsqu’elle avait une idée en tête, il étaitdifficile, sinon impossible, de la faire changer d’avis. Ainsi,lors de son arrivée en Martinique en 1946, Mimi se confronta àBon-papa, notre grand-père paternel, qui n’avait pas unepersonnalité facile. Finalement, après quelque temps,elle parvint à « dompter » son beau-pèreen alternant douceur et fermeté. Il faut dire que notregrand-mère paternelle, Maman Nini, bien que légèrementhandicapée à la suite d’une congestion cérébrale,était d’un calme et d’une gentillesse qui aidaitbeaucoup à la résolution des conflits familiaux…
Mimiaimait lire, notamment des revues féminines : Intimité , Nous deux ,etc. Je feuilletais en cachette ces journaux, parcourais lesromans-photos et contemplais les jolies créatures fémininesplus ou moins déshabillées qui y figuraient…Mimi lisait aussi des romans d’aventure et d’amour tels Angélique, marquise des anges , Merveilleuse Angélique , Angélique et le sultan …de Anne et Serge Golon.
Mimiétait une femme courageuse. Il fallait être forte pourvivre en métropole pendant la guerre, sa situation de jeunemère souvent privée de la présence de son épouxmobilisé. Elle devait l’être aussi pour s’adapter,en 1946, à cette Martinique qu’elle ne connaissait paset qui était loin d’être aussi développéequ’aujourd’hui. Ce courage, nous avons pu aussi leconstater en 1959, alors que des émeutes qui avaient parfoisun caractère racial agitaient la ville de Fort-de-France.Maman circulait seule en voiture et fut arrêtée àun barrage par des manifestants qui lui demandèrent « Kikoulew la po ou ? » (quelle est la couleur de tapeau ?) Maman qui était blanche comme une « zoreille »(Française blanche et née en métropole), ne sedépartit pas de son calme et leur répondit « lapo mwen nouèw » (ma peau est noire). Sur ce, lesmanifestants la laissèrent passer.
Àl’école, Mimi avait montré des dispositionsartistiques. Elle aimait et pratiquait la danse, la gymnastique et lapeinture. Plus tard, alors qu’elle était adulte etlorsqu’elle en avait le temps, maman continuait de peindre.C’est ainsi que j’ai pu la voir représenter desmotifs sur des pots de fleurs en terre cuite. Je me souviens decertains bouquets colorés et harmonieux qu’elle avaitréalisés à l’huile. Elle étaitd’une souplesse physique surprenante. Pendant de nombreusesannées, elle nous démontra ses capacités sur ceplan, notamment en posant les paumes de ses mains à plat surle sol sans plier le moindrement ses genoux. Même àl’âge adulte, elle était encore capable des’asseoir par terre et de faire passer une de ses jambes enarrière de sa tête…
Dèsl’ouverture de l’officine pharmaceutique de papa enMartinique en 1946, elle s’attela à la tâche del’aider à gérer la jeune entreprise. Le plussouvent, elle tenait la caisse tout en gardant un œil sur labonne marche de la maison et sur l’éducation desenfants, ce qui était plus facile à réaliserlorsque la famille demeurait aux Terres-Saint-Ville, un quartierpopulaire de Fort-de-France, dans la même bâtisse que lapharmacie.
Elleaimait sortir, s’amuser et son humour, tout comme son sens dela répartie, étaient connus de tous. Maman étaitune femme humble, fidèle,