La Jeanbernatte
142 pages
Français

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Description

« Il semble parfois que l’on naisse. On regarde. »
Mireille, au fil des pages de son journal, a fait sienne cette pensée de Francis Jammes.
Regarder, c’est ce qu’elle fait pour orienter ses sens vers le monde, les femmes, les hommes, les animaux, les arbres, les plantes et les fleurs et aussi « les nuages, là-bas, les merveilleux nuages ». Le temps qui passe est parfois dit-elle « maussade comme mon cœur », parfois radieux « comme une matinée ensoleillée et rieuse de printemps ».
Elle saisit le parfum des roses rouges, les frissons de la brume, le souffle du vent dans un langage propre à elle seule, bien que parfois les intentions intérieures rejoignent pour notre bonheur, celui de la grande Colette.
René Gaspin

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Publié par
Date de parution 25 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332716446
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-71642-2

© Edilivre, 2014
Préface
Mireille Rauscher De l’Ardèche à la Gascogne
« Il semble parfois que l’on naisse. On regarde. » Mireille, au fil des pages de son journal, a fait sienne cette pensée de Francis Jammes, le poète qui lui est si cher.
Regarder, c’est ce qu’elle fait pour orienter ses sens vers le monde, les femmes, les hommes, les animaux, les arbres, les plantes et les fleurs et, aussi, « les nuages, là-bas, les merveilleux nuages » qu’évoquait Baudelaire. Regarder incite à réfléchir ; les nuages dans le ciel, pour Mireille, c’est le miroir du temps. Le temps qui passe « parfois, dit-elle, maussade comme mon cœur, parfois radieux comme une matinée ensoleillée et rieuse de printemps ».
Rien de grand ne se réalise sans le concours des sens, et sa sensibilité vibre à fleur de peau. Elle saisit le parfum des roses rouges, les frissons de la brume, le souffle du vent dans un langage propre à elle seule bien que, parfois, les intentions intérieures rejoignent, pour notre bonheur, celui de la grande Colette.
Les mots familiers, par une alchimie spontanée, se métamorphosent en notes de musique. Alors s’écoule une mélodie, chant d’une source jaillie de lointaines réminiscences poétiques. De la poésie d’ailleurs, cette prose en épouse les rythmes. Sur le papier, le rythme témoigne de son cœur exaltant ses émotions à pleines brassées. Sur les pages, dansent les « figues violettes de septembre », « les odeurs de l’automne », « le vent doux qui fait bouger les branches ». Car la nature, pour Mireille, est son indispensable élixir de vie, elle en remplit les pages de sa chronique quotidienne. Elle est le cadre, le théâtre où s’épanche, dans un style personnel et merveilleux, la chaleur de son amour de la famille. Son époux André, le compagnon depuis le sortir de l’adolescence, à l’âge où elle rêvait de Brocéliande dans son décor de fée, l’âge où tout était possible avec la vie devant soi. Avec lui, ils ont bâti leur maison au sein de leur domaine champêtre, sur une colline à l’écart de Bourg-Saint-Andéol. Son fils François, le doué, le savant, le philosophe qui, enfant, courait la forêt pour « ramasser de la brume » ; Florence, toute belle, virevoltante et rose, sa Nausicaa des rivages de Phéacie. Et puis les frères et le père gascon, la mère exceptionnelle, ancienne institutrice, autoritaire mais si généreuse… Mireille aussi, comme sa mère et ses frères, a été enseignante. Professeur de l’ancienne école, tenante obstinée de la culture traditionnelle, la littérature, la poésie, elle déplore le manque et le vide des enfants actuels, « désemparés à leur insu » face aux nouvelles méthodes pédagogiques et leurs discussions stériles.
Tournée délicieusement vers son jardin, elle observe ses chats. Le jardin de ses chats est son paradis. Personne n’a jamais décrit et ne décrira jamais les chats avec autant d’attentive affection. Sous sa plume, un matin d’hiver glacé, elle suit leur périple matinal, leur manège prudent à se hasarder dans le froid, à flairer des choses invisibles à l’être humain qu’ils sont les seuls à voir. Dans leur royaume campagnard, les chats de Mireille sont élevés à la hauteur des animaux mythiques de l’Égypte des pharaons.
Ne croyez pas que la protectrice des bêtes se fige et se ferme sur le soin des animaux. Elle a lu, de l’enchanteur Giono, L’homme qui plantait des arbres . Son domaine, où pousse et produit encore la vigne du grand-père, est couvert d’arbres, chênes roux, amandiers, oliviers et, surtout, de pins odorants. « C’est l’arbre du dessinateur et non du peintre » disait du pin Julien Gracq, émerveillé de ses « bouquets d’aiguilles tendres qui s’ouvrent en direction du ciel comme des corbeilles de filigranes ». Or Mireille, depuis les gribouillis et esquisses de l’enfance, est devenue une dessinatrice étonnante par la finesse de ses traits, semblables aux phrases quelle aligne jusqu’aux heures avancées de la nuit. Autre affinité, à la fois esthétique et intérieure de la châtelaine de Gérige et de l’auteur du Rivage des Syrtes ; la Gascogne. Il écrit, admiratif sur la province aimée : Les collines plus basses et plus jaunes vers la Lomagne, plus mouvementées et plus feuillues vers le Lannemezan, gardent sous leurs soleils mouillés, leurs grands ciels remués qui s’élargissent de nouveau à chaque crête, une fraîcheur, une naïveté rieuse. Gracq touche au cœur, au secret le plus profond de Mireille. L’enfance jamais oubliée, toujours présente ; les vacances passées à Chélan, village au bord du Gers, la ferme de la famille paternelle… Il suffit de lire sa nostalgie permanente qui, sans cesse, remonte en sa prodigieuse mémoire. L’automne est une des plus belles saisons là-bas. Comme je voudrais être libre d’y aller lorsque j’éprouve tellement le mal du pays ! […] Les champs, les bois, un village endormi, la ligne des frênes et des saules le long du Gers, les maïs qui jaunissent, mûrissent. Mon “ païs ”. Mes racines sont là-bas, dans un pré en pente que je connais, où j’irai les yeux fermés au long d’un chemin plein d’ornières bordées de mûres, de chênes et d’alisiers. Vision obsessionnelle du lieu-dit La Jeanbernatte, où elle accompagnait autrefois le grand-père patriarche qui gardait son troupeau, dans l’odeur des cèpes à l’orée des bois. « En Gascogne je me sentais heureuse, acceptée chez moi, j’avais des racines. » Leitmotiv qui court à presque toutes les pages du journal, comme le trésor indispensable de sa vie, avec le spectacle des Pyrénées, les nuits de Campan, les routes bordées d’arbres comme un tunnel de verdure. La famille de paysans pittoresque, les oncles et les tantes, les coutumes, les jours de vendanges et de fenaisons et, par-dessus tout, l’affection de la cousine, la sœur qu’elle n’a jamais eue. Son journal, pour l’essentiel, c’est l’hymne éternel à la Gascogne, aux cimes blanches des Pyrénées, au Béarn voisin de Francis Jammes. Toute la beauté du monde passe par son souvenir du village du Gers. Elle n’en craint que plus les bruits et l’agitation de la ville - « Je hais la ville. » - sa hantise du béton, des promoteurs, et le triomphe de l’argent roi. Et si elle se résigne à l’Ardèche, où elle se sent exilée, c’est parce que, dans son jardin, sous les pins et les chênes, elle recrée sa chère patrie perdue. « Il n’y a pas de lieu qui ne soit le reflet d’un autre lieu » écrivait Edmond Jabès. Ainsi, Mireille « libère sa mémoire des coins obscurs » qu’elle croyait avoir oubliés.
À travers le vocabulaire et les harmonieuses sonorités, comme un chat blotti dans les massifs du jardin, se pelotonne l’angoisse sourde, mais tenace, née du sentiment d’une vie perdue qu’elle aurait voulu différente, une existence rognée au contact de la médiocrité de la « triste humanité », et de son environnement de laideur au sein des villes qu’arpente « le troupeau grandiose et triste des hommes ». Ah ! Mireille qui aurait désiré être différente de la multitude, blessée profondément par une destinée incomplète. Elle se répète si souvent que « la mélancolie n’est que de la ferveur retombée » Les souvenirs de Gascogne, c’est sa recherche du temps perdu. « Je voudrais serrer sur mon cœur ce paysage » ; cri de détresse au sein d’un bonheur fugitif qu’elle imagine toujours menacé. « J’aimerais être un chêne » ; folle espérance d’éternité.
Mireille, une romantique égarée dans un monde où « la ville mange la campagne » ; à la poursuite de la petite « fleur bleue » que cherchait le délicat Novalis, un frère d’outre-Rhin. Quel point commun peut-il y avoir entre Eugène Ionesco, Mireille Rauscher et les motivations profondes de son journal ? Aucun, a priori, direz-vous. L’auteur insolite d’ Antidates nous détrompe tant il frappe fort et juste, tant il semble pénétrer au cœur de l’écriture de Mireille. On écrit pour ne pas mourir entièrement, pour ne pas mourir tout de suite puisque tout dépérit. Et je crois que, parmi toutes ces raisons, les deux raisons les plus fortes d’écrire sont bien celles-ci : faire partager aux autres l’étonnement, l’éblouissement d’exister, le miracle du monde, et faire entendre notre cri d’angoisse à Dieu et aux hommes, faire savoir que nous avons existé.
Non, Mireille, tu n’as pas perdu ta vie, ton journal en témoigne, chant à la gloire et à la beauté du monde, le tien, celui de la nature, écriture rédemptrice, merveilleux revival où chemine un immense amour dans chaque page, dans chaque ligne. Malgré ton cœur blessé, tu incarnes le lyrisme à l’état pur. « Tout ce qui ne tue pas, rend plus fort. » Que le mistral de novembre emporte les nuages noirs vers la mer purificatrice ! Que demeurent sous ta plume magique les collines riantes de l’Astarac en Gascogne !
Telle Colette, un peu ta cousine dans l’amour des arbres et des chats, tu vis balayée d’ombre et de lumière, courbée sous les tourments, résignée, changeante et généreuse, parée d’enfants, de fleurs et d’animaux comme un domaine nourricier .
C’est ainsi, chère sœur, que nous recevons ton message, auréolé de la senteur des roses et des seringats à grandes fleurs blanches de ton jardin.
René Gaspin novembre 2013
La Jeanbernatte
 
 
Samedi 3 septembre 1983
Douceur de la vigne ce matin, brume et nuages, verdures profondes des chênes, douceur de l’herbe reverdie par les récentes pluies, douceur de vivre…
On aimerait immobiliser le temps, ces heures, ces heures, ces secondes privilégiées, comme hier après-midi encore où une luminosité admirable baignait un ciel sans nuages et toutes les nuances de vert des feuillages. Pureté tendre d’un jour de septembre, ce septembre qui est un des plus jolis mois de l’année. Les figuiers se couvrent de fig

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