La Route, une famille !
180 pages
Français

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Description

« J'ai traversé des époques paradisiaques, des moments où rien n'altérait mon bien-être. Je résolvais les problèmes ponctuels, graves parfois, dans le calme, la sérénité. Quand l'esprit ne connaît pas de soucis, quand l'équilibre mental cohabite avec le bonheur de vivre, les choses se colorent d'un état de grâce qui induit l'impression de naviguer sur un nuage de douceur, de fluidité. Ces temps, dans mes souvenirs, prennent des saveurs de paradis, une image idyllique car, avec le recul, je comprends que lorsque j'étais dedans, lorsque je les vivais effectivement, je ne m'en rendais pas compte. » Paul Tallandier, camionneur retraité, revient sur son métier, qui fut aussi sa passion. À travers son récit, entre désillusions, coups de gueule et le plaisir de se retrouver sur les routes, il nous offre un portrait détaillé du métier de transporteur routier de marchandises sur toute une carrière. Une plongée passionnante dans ce mode de vie parfois périlleux et blâmé, où le respect de l'heure de rendez-vous est difficilement compatible avec les règles dictées par la législation française.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342151732
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Route, une famille !
Paul Tallandier
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Route, une famille !
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://paul-tallandier.societedesecrivains.com
 
 
 
À Jean-Marie Gazal, Marc Rigaud et Alain Badet.
I. La route, une famille !
I. Les camions… mes amours…
«   Putain, mais comment ils faisaient les vieux dans le temps ? » Je n’avais pas répondu car l’heure, l’endroit, le contexte ne se prêtaient pas à un exposé historique. Le conducteur qui avait posé la question s’évertuait à bousculer des colis encombrants sur des palettes rangées sur le plancher, afin de compléter son chargement recouvrant toute la surface de la semi. Il était vingt heures passées et l’ensemble était stationné sur le trottoir bordant le dépôt, gênant la circulation. Cette question ne s’était pas revêtue d’un caractère obsessionnel mais elle me revenait fréquemment et je m’étais promis qu’un jour je raconterais en réponse à ce minet qui la posait. Je dirais ma vocation, mes émotions, mes ressentiments en espérant que ce récit renseignerait de futurs chauffeurs sur le climat qui régnait au sein de la « GRANDE FAMILLE » des routiers, éveillerait les consciences face aux contraintes des missions à exécuter pour blinder leurs capacités de résistance, alerterait les candidats sur les dangers présents en permanence afin de leur inspirer les réflexions indispensables au bon déroulement des voyages.
J’éprouve, en traçant ces lignes, une blessure qui ne cicatrisera pas : un manque abyssal activant une combustion lente qui me bouffe le mental. Je suis privé de l’émotion qui m’étreignait quand je grimpais dans ma cabine, sur le siège derrière le volant avec chaque fois mon interrogation : « Est-ce que je redescendrai entier, autonome, sans besoin d’assistance des secours ? » Je pense avoir maîtrisé les obstacles permanents car malgré tous les risques pris, souvent insensés, je m’en tire sans jamais avoir abîmé quelqu’un et sans blessures graves.
Je suis méchamment châtié de ne plus m’installer derrière le tableau de bord, les commandes à portée de mains, pour maîtriser l’ensemble sur le profil de l’itinéraire, au milieu des usagers qui se promènent ou qui travaillent, indifférents à l’environnement proche ou manifestant une aversion parfois agressive vis-à-vis de ces monstres qui se reconnaissent tous les droits au prétexte qu’eux, ils bossent et que leurs engins sont impressionnants.
Afin de redresser les dérives de la cohabitation sur le réseau routier, les politiques ont légiféré à partir d’analyses établies par des technocrates et, compte tenu de l’indiscipline des gros bras, les camions sont limités en vitesse. Les contrevenants qui bidouillent le système sont gravement punis pour éliminer toutes envies de récidives. Le législateur clame son discours s’appuyant sur la sécurité, la fluidité de la circulation, la protection de l’environnement en faisant abstraction du professionnalisme humain. Le but non-avoué est atteint en ponctionnant activement tous les usagers, particulièrement les pros. Tout est prétexte à verbalisation : la vitesse, les temps de travail, de repos, les poids totaux, par essieux, la pollution et le nombre d’apéros consommés. La liste des récoltes financières n’est pas exhaustive, nous pouvons faire confiance à nos élus, ils ne manquent pas d’initiatives.
Il reste indéniable que les abrutis qui dérogent aux limites du bon sens, créant, sur leur passage, des dangers pour eux et pour les usagers qui les côtoient doivent être reconditionnés et à terme éliminés s’ils persistent dans des dérives insensées. Les personnages qui entretiennent des comportements assassins ne méritent pas le qualificatif de conducteurs et n’ont pas leur place dans ce métier.
Je ne ressentirai plus la jouissance éprouvée lorsqu’un destinataire me tendait une main honnête, la gratitude allumant son regard planté dans le mien, parce que sa marchandise était chez lui, à l’heure qu’il avait imposée et en état. Pourtant il doutait quand l’expéditeur l’avait prévenu que le camion était chargé et sur le départ. Son organisation ne tolérait pas de retard mais les conditions climatiques, les impondérables coutumiers pendant les trajets, les contrôles intempestifs des représentants de l’ordre alimentaient ses prières.
Aujourd’hui, des écoles forment les futurs routiers. Je n’avais pas bénéficié des rudiments théoriques et matériels auprès de professeurs mais, vite, j’avais saisi que le travail consistait à prendre des marchandises chez un type qui l’envoyait à un de ses clients, impatient d’en disposer. Il fallait faire preuve de vigilance sur l’état et le conditionnement des marchandises, veiller à la cohérence du chargement pour éviter des désagréments pendant le parcours. À la fermeture des portes, se conditionner pour tout mettre en œuvre afin de livrer en temps et en heure, même quand les opérations de rangements internes à bord et l’établissement des documents d’accompagnement avaient provoqué un retard reconnu irrattrapable. Maintenant elle est bien terminée l’époque où le courage, la volonté du conducteur permettaient des formules susceptibles d’effacer les handicaps cumulés, souvent nés des services annexes inconscients ou parfois malfaisants.
Assumer l’engagement contracté avec un expéditeur qui traduit les obligations du destinataire, dans des conditions reconnues extravagantes, me comblait d’aise car il devenait possible d’exprimer mes capacités. Transporter bien, sans rien malmener, sans rien casser, ni l’outil de travail, ni les envois confiés, ni les autres usagers, vite, car c’est le facteur commercial essentiel pris en compte par le monde contemporain qui était, est toujours de mode et restera l’argument incontournable. Les trains, les avions, grâce aux ingénieurs, acheminent les personnes et les biens de plus en plus rapidement. Les poids lourds sont limités pour ne pas troubler l’ordre de la société.
La retraite m’emprisonne loin de ce qui m’a permis de gagner le pain de ma famille. Comme j’aimerais me blottir dans une cabine, caresser les commandes, rétablir ce rapport presque charnel. Impossible, c’est la conséquence des cheveux blancs. Rouler le pied au taquet, sans gaspiller les énergies, sans malmener le camion, sans provoquer de situations périlleuses subjectives mais blâmables par la société, c’est terminé. J’ai souvenir d’une envie de pisser irrésistible imposant de stopper sur un parking en bord de nationale. Quand je me hissai derrière le guidon, une semi-remorque passa. Ballotté comme un fétu de paille par le déplacement d’air, je m’étais entendu murmurer : « Il est barjo ce mec, si rien ne l’arrête, il va faire du chemin avant la nuit. » En même temps, j’ai compris qu’une vingtaine ou une trentaine de kilomètres auparavant, je l’avais dépassé m’éclairant sur une réalité incontestable, j’étais plus barjo que lui.
Arriver à l’heure malgré la neige, le brouillard, le verglas n’est plus envisageable. Les forces de l’ordre empilent les camions sur des parkings, lorsqu’elles en disposent, sinon plus ou moins bien en bordure de route, quand la météorologie prévoit des flocons. Rouler dans une tempête de neige nocturne entretenant une cadence indispensable au respect de l’heure de livraison me ravissait. Mon objectif se défendait d’exhiber l’opération. Entretenir le secret évitait les qualificatifs de casseur de boulot, d’inconscient à la solde des tôliers et de lèche-bottes des clients. Seulement, quand je me penchais dans la glace de mon rétro, je voyais un homme qui assumait ses promesses. Beaucoup juraient, le bras tendu, la main droite en l’air, livrer en temps et en heure, signaient des contrats d’acheminement et s’excusaient parce que… et là, à l’arrivée, toutes les excuses les plus originales fusaient. Soit ils s’étaient surévalués, trop optimistes, soit ils étaient poursuivis par la malchance et ne se présentaient pas chez le destinataire, l’ensemble planté dans un fossé.
Finalement, la nature, dans ses injustices, présente quand même l’avantage de rétablir des équilibres. Il est certain que je ne saurais toujours pas me discipliner et ne pourrais pas accepter les incohérences actuelles. Lorsque je me rangeais sur un parking de relais routier, c’était parce que la bouffe était acceptable, le prix dans une fourchette réaliste, et le personnel féminin sympathique et avenant. Pas à cause d’un texte définissant les plages maximums de conduite ininterrompues. Après un voyage international de plusieurs jours, je ne dormais pas huit heures à quelques kilomètres du lieu où je désirais prendre quelques heures de repos. Quand j’estimais que le voyage qui m’était proposé s’avérait irréalisable , j’opposais un non sans appel en expliquant les raisons de mon refus, sans craindre un seul moment que la porte était certainement ouverte pour me permettre de sortir, remercié, licencié. Parce que je m’insurgeais face aux injustices quotidiennes, ma réputation s’est teintée des couleurs d’un mec « fout la merde à éviter ». J’accepte l’avis unanime mentionné sur mon étiquette mais lorsque je recherchais des conducteurs, j’aimais recevoir un véritable professionnel, motivé, conscient, responsable, pas trop tordu, respectant les obligations précisées par les clients, préservant les énergies,

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