Lampedusa mon amour
150 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Lampedusa mon amour , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
150 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Le destin jette parfois sur la même route des êtres qui ne s'y attendaient pas. Le récit met en scène la rencontre fortuite entre une famille occidentale et une famille syrienne qui fuit les horreurs de la guerre. Les deux trajectoires finiront-elles par se croiser pour se fondre dans la grande communauté des hommes ?
Un roman qui met en lumière l'éternel combat entre la barbarie et l'humanité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 mai 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414339525
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-33953-2

© Edilivre, 2020
« Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts »
Isaac Newton (1643-1727)
« La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »
Michel Rocard (Décembre 1989)
Quill creve rien a foutre de tes putin de réfugier !
(lu sur les réseaux sociaux, 2018)
(Un salut respectueux à Marguerite Duras et Ahmadou Kourouma)
Première partie Méditerranée
I
L’oursin, un violet royal dans le parler du pays, est d’une grosseur impressionnante. Il trône au milieu de tout un peuple d’anémones filamenteuses de petite taille, qui ondoient toutes dans le même sens, synchronisées sur une salsa inaudible. Un troupeau de moutons qui occupe tout le droit de la falaise immergée, un tombant incroyable, invisible de la surface. Le reflet aquatique du franc soleil de juin, démultiplié par l’eau claire, bariole le rocher d’une palette orange et violette, obscurcie seulement par l’ombre fugace du bateau à l’ancre. Antoine l’a tout de suite remarqué et tend déjà vers lui une main gantée. Une châtaigne pareille, ça ne se manque pas. Entre ses piquants aigus, l’oursin laisse aller ses pieds ambulatoires, un peu à l’aveuglette, comme une déesse indienne aux multiples bras. Chaque filament, terminé par une fine ventouse, cherche un appui, un asile, n’importe quoi, vite ! Du dur, du solide pour se fixer ! « Une odyssée épique », sourit Antoine, en apercevant, amusé, une enfilade de trous en diagonale. L’oursin est en marche. Une marche lente et maladroite. On dirait qu’il s’appuie sur des échasses mobiles et qu’il agite en permanence de petites mains ventousées, pour tâter prudemment le terrain. C’est que la roche plate est dangereuse. Et les ennemis rôdent. Des sars argentés, plats comme la main, passent à proximité, l’air snob et indifférent. Mais tout un escadron de girelles fuselées et multicolores tourne autour. Elles allongent leurs lèvres charnues, en fixant de leurs petits yeux fourbes l’oursin fuyard. Malheur à celui qui ne fait pas front. Certaines audacieuses ont déjà réussi à casser quelques épines de leurs dents de pierre et attaquent maintenant les pieds mobiles qui se rétractent aussitôt. Antoine ne se lasse pas de ces spectacles aquatiques et ouvre des yeux ronds derrière son masque. Il a beau connaître tout ça depuis l’enfance, il a toujours dix ans quand il plonge. Plus bas, juste avant les algues du fond, il aperçoit, aplatie sur un lit de roches et de coquilles fracturées, une rascasse de jolie taille. Elle ouvre et ferme lentement sa lourde gueule carrée, hérissée dans sa cuirasse. Il lui fait un signe et la salue de loin. Le nez collé à la paroi, il observe la succession de cavités de taille croissante, des nids douillets abandonnés par l’oursin au rythme de sa croissance. « Pauvre vieux, obligé de fuir pour sauver sa peau. Un éternel exilé… » Antoine a parfois de ces réflexions fortes, l’ivresse des profondeurs sans doute. Un petit banc de daurades arrogantes vient presque le frôler. Des briseuses de coquillages, capables de faire exploser, dans leurs étaux d’acier, tellines, crabes et moules sans problème. Le sort aussi des oursins, pour peu qu’il leur manque quelques piquants… Une main délicate saisit l’animal en pivotant pour le détacher du rocher et va le poser dans le trou voisin, à bonne taille. Un havre de paix pour quelque temps. Les pieds ambulatoires tâtent la paroi et soudain s’immobilisent, satisfaits. L’oursin se cale dans son nouvel appartement. Vue imprenable sur les girelles, qui arquent leurs queues, dépitées, en agitant frénétiquement leurs courtes nageoires latérales. Le plongeur tapote le verre de sa montre. Il a failli oublier l’heure de l’apéro ! Il remonte au bateau dans un nuage de bulles…
Vue du ponton, la villa ne se devine qu’à peine. Antoine est fier de cette réalisation discrète qui lui a coûté « les yeux de la tête », comme il le dit lui-même. Entre le permis de construire, les certificats divers, les autorisations disons « écologiques », obligatoires pour construire à deux pas des calanques, les obligations architecturales, un parcours du combattant d’une année avant la pose de la première pierre ! Encore a-t-il dû faire jouer ses relations. Il est vrai que les Beausset ont du poids et de l’assise. Il est lui-même chef du service de chirurgie orthopédique au CHU de Marseille. Il enchaîne les interventions les plus pointues, les déplacements et les conférences internationales. Le genre de gars brillant, optimiste de nature et attaché au concret, à la réalité des choses. Il a tout réussi, ses études, son insertion professionnelle, sa vie amicale et amoureuse… et surtout avec une déconcertante facilité. Des doigts d’or, par-dessus le marché, des mains de chirurgien ! Tout s’ouvre et semble facile devant lui. Solène, son épouse, dirige le département de recherche pharmaceutique dans la même structure. Elle est rationnelle mais plus sensible, plus intérieure, plus intellectuelle peut-être… Un couple de scientifiques de haut niveau, sans souci matériel. Le résultat est là : une propriété splendide, luxueuse sans être « tape à l’œil », éco-responsable…
La bâtisse sur trois niveaux épouse harmonieusement les courbes du terrain. Chaque palier propose un point de vue différent sur la mer bleue, toujours présente entre les branches souples d’un pin, ou les ramures épineuses des citronniers en pleine terre. Antoine monte quatre à quatre les escaliers bordés d’aloès géants. « Gaffe aux épines ! » Il sourit, heureux et ravi de la soirée qui l’attend. Solène est accoudée à la rambarde de la dernière terrasse. Elle a un air grave et un verre de rosé clair à la main, face à la mer qui semble l’absorber toute entière. La piscine à débordement, mise en eau depuis peu, chante une chanson douce et entêtante.
– Elle est presque « baignable », dit-elle soudain enjouée, avec un grand sourire.
L’eau bleue bouillonne doucement à la surface en longs remous calmes.
– Va te changer. Les Vernon arrivent. Tu as oublié ?
Antoine sourit et s’approche pour une bise furtive, vite esquivée par son épouse qui tourne la tête. Celle-ci retrouve l’horizon et ses yeux clairs s’abîment au loin, dans un ailleurs invisible.
– Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es fatiguée ? Tu veux qu’on remette cet apéro ?
– Au contraire ! J’ai tout préparé. Simple, élégant et efficace, comme tu aimes !
Elle a un sourire glacé qui ne rassure pas son mari.
– Un week-end sans garde, ni toi, ni moi ! A buller au soleil ! C’est pas le bonheur, ça ?
– Mais si, mais si !
Elle a quelque chose de doux et de fatigué dans la voix. Elle esquisse un geste tendre, un doigt sur la joue de son époux.
– Comprends rien aux femmes, soupire Antoine en passant la large baie vitrée du salon.
– Des tapas ! Olé ! s’écrie Marc qui monte avec deux bouteilles de champagne frappées.
Marc Vernon, un généraliste intelligent et intuitif, est son ami depuis le lycée et son partenaire au tennis. Un gars optimiste et gai, qui s’entête sur un court à couper ses balles ou à tenter des lobs improbables, sûr de sa technique. Sa compagne, Corinne, une esthéticienne, est dorée comme une pêche d’été, calme et lente comme un coucher de soleil sur la plage… Les cigales, bruyantes jusque-là, commencent une sourdine grave qui annonce la douceur du soir, dans l’air doux comme une caresse sur la joue.
La réception a été réussie, comme d’habitude. Solène est la reine des « apéros dînatoires » dont elle a le secret. Traiteurs chics mais aussi, il faut le dire, un vrai talent culinaire : une succession de petits plats odorants, tiédis à point, dans de larges assiettes individuelles… Le petit en-cas s’est vite transformé en vrai festin, en vrai régal de la mer, dans une thématique parfaitement filée. Moules farcies, gambas à la plancha et encornets à l’américaine ! Un arôme à faire tomber. Avec ça, du Bandol et du Tavel pour faire chanter et délier les langues. Les hommes ont bien ri, peut-être un peu trop. Les femmes, en les laissant faire, tapotent leurs longs ongles laqués sur les flûtes fragiles.
– « Lors, flacons de voler, jambons de trotter, gobelets de voler… Le bon Dieu a fait les planètes, nous, on fait les plats nets ! »
Antoine retrouve une fibre littéraire, allez savoir pourquoi, lorsqu’il abuse un peu du rosé. Rabelais s’invite à la table, dans un épicurisme bon enfant. Les deux hommes se tiennent par les épaules, esquissent un pas de danse en riant. Solène se fait poète elle aussi. Elle fixe la mer qui brille encore, en accrochant tous les restes de lumière qu’elle peut trouver pour sublimer les rares voiliers qui rentrent encore au port.
– « Ce toit tranquille où marchent des colombes… Ce toit tranquille où picorent des focs » . Paul Valéry. Autrement plus chic que ton lourdaud de Gargantua !
Ces derniers mots cinglent en direction de son mari. Elle a un mauvais sourire qui surprend tout le monde et qui gêne Corinne, à côté d’elle.
– Allez, on rentre, dit Marc. Le jacuzzi, ce sera pour une autre fois…
La lune verse son argent fondu sur la crête de vagues dont on entend le souffle profond et régulier. Seuls, sur la terrasse, silencieux et recueillis, Antoine et Solène se serrent l’un contre l’autre. Elle a les yeux qui brillent et se laisse aller sur son épaule, dans un abandon tendre dont elle n’est plus coutumière. Elle a un peu froid.
– Mais enfin, chérie, qu’est-ce que tu as ? On a passé une bonne soirée, avec des amis simples et chaleureux, non ?
– Mais oui, je t’aime, mais… On a tout mais on n’a rien ! souffle-t-elle à voix basse.
Elle se lève et prend un châle en entrant rapidement.
* * *
Pour la première fois depuis une semaine, Firas A

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents