Le Fantôme de Nick Drake
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Le Fantôme de Nick Drake , livre ebook

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Description

Angleterre, début des années 1970 : Nick Drake, musicien talentueux, mais désabusé face à l'insuccès constant de sa carrière, vit reclus dans la maison familiale de Far Leys, auprès de ses parents. Pourtant, nombre de ses amis ou relations ne l'oublient pas et s'activent en coulisses pour le forcer à reprendre le chemin des studios d'enregistrement, comme si la musique pouvait résoudre le profond mal-être qui ronge l'artiste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 décembre 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414171972
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-17195-8

© Edilivre, 2018
1
I could have been a sailor, could have been a cook
A real live lover, could have been a book
I could have been a signpost, could have been a clock
As simple as a kettle, as steady as a rock 1
Je suis né l’année où Nick Drake est mort.
Je n’ai pas eu le privilège de le voir en concert ou de guetter avec fébrilité la parution d’un nouvel album. Je dois me contenter de ses trois disques officiels, d’enregistrements privés, de chutes de studio ou d’inédits parcellaires distillés par sa maison de disques au gré du temps.
A l’égal de ces grands artistes auxquels des cohortes de fans vouent un culte passionné et immodéré, Nick Drake a acquis, lentement mais sûrement, un statut à part dans l’histoire de la musique folk des années soixante, un positionnement qui va au-delà de la renommée des Dylan, Cohen, Baez et consorts universellement connus, respectés, vénérés près d’un demi-siècle après leurs débuts par des bataillons de fans à travers le monde. Certaines de leurs ritournelles ont fait le tour du monde, et même si on ne les connaît pas sur le bout des doigts à l’égal des classiques des Beatles ou des Rolling Stones, elles ont fait de leurs interprètes des artistes mythiques qui n’auront pas besoin d’un livre pour se faire apprécier d’un plus large public.
Dans le cas de Drake, ce travail littéraire se révèle d’emblée compliqué.
A ce titre, un simple sondage dans la rue serait révélateur du degré de difficulté auquel serait confronté n’importe quel cinglé qui aurait le projet de se lancer dans la biographie d’un type décédé à vingt-six ans dans l’anonymat le plus complet.
Drake n’avait vendu que quelques milliers de disques de son vivant, mais il est parvenu, juste retour des choses, à ne pas tomber dans l’oubli grâce à la persévérance et à l’enthousiasme d’une poignée de fanatiques prêts à défendre sa cause et à honorer sa mémoire.
Toutefois, à cette question que l’on pourrait poser à toute personne croisée au hasard dans la rue :
– Connaissez-vous Nick Drake ?
je suis sûr que la majorité des gens répondraient par une moue dubitative en se demandant de qui je veux bien parler, à moins que ce ne soit d’un nouveau Hugh Grant.
Des bouquins, des documentaires ou des centaines de pages Internet lui sont consacrés. Hollywood projeta même de réaliser un biopic au début des années 2000. Il aurait été interprété à l’écran par le comédien américain Heath Ledger, autre disparu prématuré et génial Joker du Batman de Christopher Nolan, tel le symbole d’une malédiction qui frappe tous ceux qui ont tenté de pénétrer le mystère qui entoure la personnalité ou la musique de cet artiste maudit.
Drake a été condamné à vivre avec le poids de ses échecs.
Au cours de sa carrière météoritique, il n’a jamais eu droit aux premières pages des magazines de la culture rock, n’a jamais été perçu comme un auteur compositeur majeur par la critique, n’a jamais reçu la reconnaissance d’une vaste audience, condamné à une confidentialité incompréhensible et injuste.
Dans la pléthore de musiciens qui ont émergé à cette époque, il est demeuré en retrait. Il a choisi la réclusion volontaire pour se protéger d’un milieu qui ne lui correspondait pas, à moins que ce ne soit contre lui-même, l’expression d’un mal-être constant qui a accéléré un processus lancinant d’autodestruction fatale.
Il n’avait pas l’ambition des Lennon, Jagger ou Townshend qui dynamitèrent de leurs refrains endiablés et de leurs paroles à double sens la scène britannique des sixties au risque de sombrer parfois dans la caricature ou la grandiloquence à force d’outrances savamment orchestrées.
L’approche de Nick Drake se voulait résolument modeste.
C’est du moins ce que l’on ressent à l’écoute de ses disques.
D’un point de vue musical, il ne cherchait pas l’emphase, les arrangements clinquants ou les effets de style pompeux.
Il était un artisan sincère dont les fulgurances nous touchent parce qu’il a su donner à ses créations ce côté intemporel qui les rendent si proches de nous près de cinquante ans après leur publication.
On pourrait discourir des heures sur chacune d’entre elles, en détailler chaque ligne, chaque note. Ses albums sont des journaux intimes en forme de constat effrayant et irréversible, un miroir au reflet déformant, celui d’une déchéance morale et physique que l’on suit minute après minute en se disant que le destin de leur auteur était écrit en filigranes dans la plupart de ses chansons. Il nous annonce sa propre fin au travers de paroles de plus en plus obscures dans lesquelles percent le désabusement et le dégoût de soi.
Il n’a pas cherché à communiquer du bonheur à son public, plutôt à lui confier ses blessures secrètes et ses tourments intérieurs. Ses albums résonnent à nos oreilles comme l’autobiographie d’un être en déliquescence où l’espoir, naïf ou utopique, subsiste dans une proportion si tenue qu’il préfère au final lui claquer la porte au nez tel un Robert Johnson blanc vendant son âme à un démon destructeur.
Vu comme ça, je ne suis pas certain de donner l’envie aux lecteurs de partir à la découverte de son fabuleux héritage discographique.
On pourrait trouver ses refrains ennuyeux, sa voix monotone, son jeu de guitare sans grande originalité.
Rien ne serait plus faux et réducteur.
L’œuvre de Drake, il faut prendre le temps de s’en imprégner pour en effleurer les subtilités et la richesse. Si l’on y accorde davantage d’attention, on accepte sciemment de s’embarquer dans une sorte de thérapie introspective dont on ne ressort pas entier.
Cela fait plus de quinze ans que je possède l’intégralité de ses enregistrements et j’ai l’impression de redécouvrir à chaque fois leurs richesses intrinsèques.
La musique, quelle qu’elle soit, est question de sensations à un instant T. On se souvient toujours du choc provoqué par notre première écoute d’un disque.
Drake, c’est au travers d’un article de presse, presque un entrefilet, que je l’ai découvert.
Je n’avais jamais entendu une seule de ses compositions, mais à la lecture de cette critique, j’ai soudain éprouvé le besoin irrépressible d’acquérir ses enregistrements.
Ce qui fut chose faite dès le lendemain.
Et, believe me , je ne l’ai pas regretté !
Je suis toujours saisi d’une émotion palpable en entendant les premiers accords de Day Is Done, Poor Boy ou Things Behind The Sun , probablement ses plus grands morceaux, pour n’en citer qu’un seul par album. Il s’en dégage une intensité unique qui ne peut pas vous laisser indifférent.
Je reconnais qu’il est facile de vous balancer avec désinvolture des titres à la volée afin de vous convaincre de l’apport et de l’impact de Drake dans le courant musical qui a marqué la deuxième moitié du siècle précédent.
Il ne nous reste que sa musique, des photographies au sourire figé, des images tremblantes de sa jeunesse filmées par sa famille ou un court extrait tiré d’un film amateur capté lors d’un festival aux débuts des seventies .
Sur celui-ci, on entrevoit pendant dix secondes un homme pris de dos qui avance dans la foule d’un pas mesuré et hésitant.
Il est de grande taille, mince et vêtu d’une veste sombre aux bords longs et d’un pantalon qui lui couvre à peine les chevilles.
Cette ombre aux bras ballants et aux cheveux longs déambule nonchalamment à la manière d’un fantôme qui a osé s’aventurer dans le monde des vivants. On pourrait en conclure qu’il lui ressemble. Excepté que les doutes subsistent, même pour le fan que je suis. Si l’on examine les photographies, on y décèlerait de troublantes concordances physiques. Mais l’incertitude demeure, cette incertitude qui ne fait que renforcer la facette énigmatique du personnage.
Je ne sais donc pas si ce gars est réellement Nick Drake. Mais j’ai envie de le croire.
C’est en tout cas le seul témoignage « en mouvement » que nous posséderions de lui après la parution de son premier album en 1969.
A mon avis, Nick a cherché à brouiller les cartes. Ce n’était probablement pas une démarche intentionnelle de sa part.
Mais elle est indissociable de son caractère timide et de son sempiternel manque de confiance en lui souligné par ceux et celles qui ont pu le rencontrer.
Il n’avait pas à cœur de s’étendre sur lui-même, sur sa musique ou aborder les sujets sur lesquels la plupart de ses collègues aimaient à discourir au gré de leurs interviews.
Il ne prétendait pas livrer un message.
Si l’artiste est à présent sorti du purgatoire, l’homme est méconnu.
En lisant sa biographie, je fus étonné de constater que la majorité des textes glanés ici et là insistaient sur son addiction aux antidépresseurs (une sale médecine qui lui coûta d’ailleurs la vie), ses fréquents séjours dans des institutions spécialisées ou ses longues périodes d’enfermement intérieur au cours desquels il rejetait toute communication avec son prochain, une asociabilité chronique qui ne nous donne qu’un aperçu ambigu du personnage en tant que tel.
Un jour, je me suis mis dans l’idée de faire revivre Nick Drake.
Il ne fallait plus le réduire à une voix sur une rondelle de plastique numérisée ou à une image capturée par l’objectif sournoisement impudique d’un photographe.
Il était nécessaire de lui donner corps, de me l’approprier en quelque sorte en recréant ce qu’avait pu être son existence, quels avaient pu être ses émotions, son ressenti, sa vision du monde et des gens qui l’entouraient, le décrire dans son quotidien, imaginer comment il écrivait ses textes ou composait ses chansons.
Avec un homme de cette envergure, l’emploi de la fiction est un procédé commode qui permet d’envisager sa vie sous un autre angle en s’appuy

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