Le Paradis d une enfance perdue
300 pages
Français

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Le Paradis d'une enfance perdue , livre ebook

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Description

En 1939, Jacqueline a 4 ans. Elle traverse les années de guerre avec une inconscience tranquille. Si les bombardements sur la route de l’exode ne l’ont pas inquiétée, sa première rentrée scolaire la terrifie.

Elle grandit, insouciante, dans Paris occupé puis libéré, quitte la capitale pour des vacances souhaitées brèves à Châtillon Coligny dans la grande maison de monsieur Coignet, « gueule cassée », dont sa grand-mère est l’intraitable gouvernante.

Les étés fastes, avec ses parents et un frère ainé qu’elle idolâtre, elle séjourne au Troubois, balcon sur le Léman, éden peuplé de paroissiens aux vertus non homologuées par le Vatican.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 septembre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332781581
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-78156-7

© Edilivre, 2014
1°Chapitre Des débuts calamiteux
Ce matin-là pour la première fois et à mon grand désespoir j’empruntai le chemin de l’école. A cause ou oserais-je dire grâce à la guerre, j’avais échappé à la maternelle. Mais en ce premier octobre mille neuf cent quarante et un, mes six ans accomplis m’imposaient de me plier aux lois de la république.
Depuis quelque temps chacun autour de moi s’employait à me persuader que j’avais beaucoup de chance. Rien n’y faisait, l’école pour moi c’était un établissement à la Dickens où des institutrices sadiques malmenaient les enfants qui leur étaient confiés.
Je ne voulais pas y aller ! Point final.
Maman avait beau me décrire un endroit idyllique dont elle avait été arrachée à onze ans alors que précisément elle caressait le rêve de devenir maitresse d’école, je n’étais pas convaincue. Et pourtant je reconnaissais que maman ne ressemblait nullement au prototype d’enseignant que j’avais en tête.
Mon frère, lui, tentait de m’appâter avec les copains et la cour de récré, mais des copines, j’en avais et le square valait toutes les cours de récré.
En fait, j’avais peur, peur de quitter mon petit univers ouaté, mes poupées, interdites de séjour dans ce nouveau milieu que je supputais hostile, peur surtout de quitter maman dont je n’avais jamais été séparée.
Afin de rendre la pilule moins amère, cette dernière m’avait emmenée aux grands magasins du Printemps, j’en étais revenue chaussée de neuf, elle avait aussi fait l’acquisition d’un tablier à carreaux rouges et blancs, d’un cartable, de crayons de couleurs et d’un magnifique porte-plume dans lequel le Sacré Cœur apparaissait pour peu que l’on colle son œil au petit trou percé dans son manche.
J’avais le temps d’un après-midi oublié mon angoisse. Mais en ce premier jour d’octobre, je la retrouvais, tapie dans un coin de mon inconscient…
Un mince espoir me soufflait que, peut-être, lorsque j’arriverai devant le quarante-trois de la rue des Moines, l’école aurait disparu. De tels prodiges étaient courants dans les contes de fée.
Hélas, le bâtiment gris se dressait à présent devant moi, et nous devions en franchir le portail surmonté de l’inscription Ecole de filles que je ne déchiffrais pas encore…
Ce premier matin, exceptionnellement, les parents des élèves du CP avaient été autorisés à pénétrer dans le préau, afin je pense de voir quel sort attendait leur précieuse progéniture.
Collée à maman, comme une bernicle à son rocher, aussi heureuse que dans la salle d’attente du dentiste, je humais pour la première fois cette odeur qui m’incommode encore aujourd’hui, mélange de relents d’éponge humide, de craie, d’encre violette et de désinfectant.
En résumé ça puait l’école primaire.
Un coup de sifflet bref et impératif rappela au public assemblé qu’on n’était pas là pour plaisanter et que les choses sérieuses allaient commencer : les institutrices des deux CP liraient la liste de leurs élèves, et à l’appel de son nom chaque fillette viendrait se ranger devant sa maitresse. J’espérais contre toute attente que mon nom ne figurant sur aucune de ces satanées listes, je serai renvoyée dans mes foyers jusqu’à plus ample informée.
Hélas j’entendis prononcer clairement mon nom et mon prénom.
Une Madame Gobler, sans doute proche de la retraite, air sévère et grosse voix venait de m’appeler.
Dominant mon désespoir je me dirigeai vers le rang déjà formé. Madame Gobler qui avait dû repérer le petit tas misérable et terrifié en tablier à carreaux rouges et blancs qui s’avançait vers elle s’adressa à une grande fille, une redoublante ainsi que j’allais le découvrir plus tard :
« Maria, je te confie Jacqueline, occupe-toi bien d’elle, elle s’assiéra à la même table que toi ».
Maria qui avait sans doute d’autres projets, obtempéra, visiblement contrariée et je peux affirmer qu’en effet, elle s’occupa bien de moi !
En moins de deux jours la moitié de mes beaux crayons neufs avaient été distribués par ses soins aux élèves qui constituaient sa cour.
Je n’insisterai pas sur les coups de coude malencontreux qui faisaient déraper les bâtons que je m’évertuais à tracer droit sur mon cahier de classe, ni sur mes pieds écrasés par inadvertance sous la table, pas plus que sur le nœud de mon tablier inexplicablement dénoué dans mon dos.
Trop effrayée pour oser me plaindre, je me contentais de pleurer, ce qui me valut le surnom de Marie la pleurnichette.
En peu de temps l’école était devenue pour moi une annexe de l’enfer.
Chaque soir j’ajoutais un chapitre à ma prière, du genre petit Jésus, faites que l’école brûle ou soit inondée ou fermée parce qu’infestée de rats.
Ledit petit Jésus vraisemblablement trop occupé à d’autres tâches ne pût ou ne voulût rien faire pour moi.
Dans ce contexte, bien évidemment les leçons de Mme Gobler que je redoutais presque autant que Maria et sa clique passaient très nettement au dessus de ma tête, corollaire, pas de bon point ni d’image, cerise sur le gâteau le premier bulletin mensuel tomba, je me classais vingt-cinquième sur trente, maigre consolation je devançais Maria pour qui le redoublement ne semblait guère efficace.
La maitresse soucieuse de ne pas m’accabler m’avait octroyé un dix en conduite (ce qui ne devait jamais plus se reproduire) et avait conclu : « Encore un peu timide ».
A quelque temps de là Sainte Furonculose qui devait assurer la permanence alors que Jésus s’activait ailleurs entendit mes plaintes et exauça mes vœux.
Je me réveillais un matin brûlante de fièvre et décorée de la tête aux pieds de pustules rouges.
Alléluia ! Le médecin appelé en consultation décida de mon éviction pour quarante jours.
La timidité détectée par Mme Gobler m’empêcha seule de sauter au cou du praticien.
La première semaine de ces vacances aussi inespérées que forcées ne s’apparenta cependant pas à une partie de plaisir.
Le traitement alors appliqué à l’affection dont j’étais atteinte consistait à laver les furoncles à l’eau d’Alibourg puis à arracher à l’aide d’une pince désinfectée les croûtes existantes et enfin à enduire les mini plaies d’une lotion violette du plus bel effet.
Dire que je subissais tout cela stoïquement serait excessif. Je couinais comme un petit goret et boudais ensuite un long moment. Il fallait toute la patience de maman pour me calmer. De plus ma température avoisina les quarante degrés pendant toute cette période, je somnolais donc la plupart du temps mais ce faisant je cauchemardais.
S’invitèrent dans mon lit les plus abominables serpents du Jardin des plantes accompagnés des crocodiles les plus terrifiants du vivarium, tout ce joli monde évoluait en liberté, et lorsqu’ils consentaient à me laisser en paix la mère Mathurine prenait le relais. La mère Mathurine était l’auxiliaire d’éducation de nos voisins les Monnet, parents de mon amie Michèle. Directement issue de la mythologie chti, version femelle du père Fouettard, ce parfait sosie de la sorcière de Blanche Neige se chargeait de débarrasser les parents débordés de leurs enfants « pas sages ».
Sur son dos un sac de jute semblable à celui de notre bougnat contenait souvent un de ces infortunés garnements.
Où l’emmenait-elle, vers quelle destinée ? Mystère et boule de gomme.
Ce sort mystérieux nous intriguait et nous terrifiait. Un jour nous allâmes interroger la seule personne susceptible, d’après moi, de nous renseigner : mon grand frère.
Il me protégeait depuis toujours et avait quatorze ans, il devait donc savoir.
– A mon avis dit-il elle ne doit pas les dévorer, rappelez vous, elle n’a qu’une dent. Peut-être les fait-elle travailler. A moins que, ajouta-t-il après un temps de réflexion elle ne les passe à la moulinette avant d’en faire son repas.
Voyant notre air désespéré, il éclata de rire et conclut : « vous savez bien qu’elle n’existe pas, tout ça c’est du baratin ».
Je me sentis rassurée, il n’empêche, la mère Mathurine devint un personnage récurrent de mes fréquents cauchemars.
Huit jours après le début de ma maladie, je m’éveillais un matin, presque fraîche et dispose, maman fut autorisée à me donner un bain et mon frère Jacques pût m’approcher à moins de cinq mètres, il commença par s’extasier :
– Que c’est beau tous ces petits pois violets sur ton museau, petite souris, papa viens vite faire une photo.
Il évita de justesse une pantoufle que je lui jetai au visage puis tourna les talons après m’avoir salué militairement.
Maman fit chauffer de l’eau, installa la petite baignoire en zinc sur le sol de la cuisine et une heure plus tard, je trempais voluptueusement, je restai un long moment à barboter. Maman me savonna, me rinça et les stigmates de ma furonculose s’effacèrent, restaient quelques cicatrices blanchâtres sur mes bras, là où les boutons avaient été le plus agressifs.
Mon père, soucieux par nature, s’inquiétait de mon avenir.
Il faut reconnaître que mes résultats scolaires n’avaient pas de quoi le rendre optimiste, et cette longue absence n’allait certes pas améliorer mes performances.
C’est alors que Jacques eût l’idée du siècle :
– Et si nous lui apprenions à lire et à compter pendant sa convalescence ?
J’avais d’autres projets, plus ludiques, mais la perspective d’un retour inévitable et peu glorieux chez Mme Gobler dissipa mes velléités et je donnais mon accord.
Aussitôt cette décision prise chacun s’activa : Mon frère trouva dans son cartable un cahier presque neuf, seule la première page portait ses nom et prénoms, papa l’arracha proprement puis sur la nouvelle première page il inscrivit Jacqueline Meneau et une ligne plus bas : cahier de maison.
Il entreprit ensuite de décapiter toutes le

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