Le Repeyre
218 pages
Français
218 pages
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Description

Ce livre est l'histoire d'une maison et de celui qui voulait la posséder, et qui a été possédé par elle pendant toute sa vie. C'est l'histoire d'amour de cet homme avec cette vieille ferme fortifiée appelée Logis. Alain Dudoignon-Valade y raconte son immense chagrin, ses souffrances et ses souvenirs. L'écriture lui a permis de faire le deuil de cette maison, sans pourtant l'oublier. La maison existe toujours mais elle a été transformée par ses nouveaux propriétaires. Malgré son immense amour, voulant garder son image intacte dans sa mémoire, il n'y est jamais retourné.

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Informations

Publié par
Date de parution 06 avril 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782336373638
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alain DudoignonValade
Le RRécitepeyre
Le Repeyre
Alain Dudoignon-Valade
Le Repeyre
Récit
Du même auteur Le Théâtre de l’âme, Paris, InterEditions, 1993. © L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-04869-7 EAN : 9782343048697
1 La visite
Depuis l’enfance et pendant toute une partie de ma vie, j’ai cherché à capturer le Repeyre par des dessins ou des aquarelles. Essais restés inachevés, mais que je détiens toujours. Maladroites, décevantes, ces tentatives me mettent encore en contact avec cette maison qui fait partie de moi et dont je fais partie, me semble-t-il, pour toujours. Impossible de saisir les proportions justes, les perspectives exactes de cette vieille ferme fortifiée que les gens du pays nommentle Logis. J’imagine aujourd’hui que je m’adresse à un ami, capable de deviner à travers les images et les mots, les aventures mentales dans lesquelles, il m’a entraîné. Quand j’échapperai au Repeyre, je ne serai plus de ce monde. Là, pour l’instant, je ferme les yeux. Je me laisse envahir par son existence, par son pouvoir. Lorsque tu approches du logis, tu quittes une route natio-nale venant de l’océan. Tu entres dans un chemin creux, signalé aux initiés par un bouquet de chênes et un raidillon descendant à pic. Tout de suite sur ta gauche, tu aperçois un ruisseau qui file droit et borde le chemin. Il est jalonné par des peupliers et se cache sous des herbes hautes. Des écre-visses, des libellules, et aussi des aspics marbrés, jaunes et
noirs, le fréquentent. Dès l’entrée du chemin au bas du rai-dillon, il y a un lavoir en contrebas. Les pierres qui l’entourent sont usées, douces et lisses, un peu luisantes et glissantes. Des générations de paysannes se sont agenouillées là pour battre le linge ou nettoyer des tripes de cochon en chantant des complaintes ou des refrains salaces. Le chemin tout au long est tapissé d’une fine poussière farineuse, blanche, molle comme de la cendre qui oublie vite la trace de tes pas. – Écoute le ruisseau. Il annonce le Repeyre et prévient aussi que tu arrives. L’eau court plus vite que toi et te précède. Les geais et les pies t’accompagnent. Le grand champ rectangulaire, là der-rière le lavoir, descend jusqu’à la fontaine carrée, tranchée dans l’herbe au pied d’une famille d’ormes. C’est un lieu de rendez-vous commode pour s’embrasser et propice à des caresses intimes. C’est ainsi qu’elle me parle à l’instant. Je la connais. Elle reviendra plus tard pour d’autres révélations. – Tu remarques comme tes pas sont sourds ? C’est la poussière. Tu n’entends que le vent, un vent hu-mide, un peu salé et les ruminations des vaches lourdes, pleines, écartant leurs larges sexes noirs devant le regard tranquille du taureau se léchant les naseaux et méditant pour choisir celle qui lui sera le plus agréable de saillir. A droite, un peu en hauteur, le champ des moutons. Ils se déplacent selon un rite réglé par le soleil et les changements de vent. Regarde. Ils ressemblent à des moines templiers. La plupart ont des yeux bleus, un peu fous. On se demande quels rêves les habitent sauf les nouveau-nés qui s’amusent. Des pies et des pique-bœufs se posent sur le dos des vieux mâles pour picorer les insectes dans leur laine graisseuse. Leur ronde est incessante. Ils tournent en proces-sion et ce soir quand la nuit tombera, tu les entendras bêler,
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tous. C’est un cantique plaintif qui monte de la mémoire animale comme un concert de trompes tibétaines rythmé par les sonnailles. Le sol tremble sous leurs pattes. Leur masse feutre le silence. Ils te saluent au passage par des hoche-ments de têtes. – Attention ! A quelques mètres devant toi une couleuvre d’un vert presque noir vient de jaillir sur le chemin. Elle peine dans la poussière qui absorbe ses ondulations. – Tu en as déjà vu d’aussi longues ? Si sa taille correspond à son âge, tu pourrais croire qu’elle a cent ans cette couleuvre. C’est une habituée. Elle garde le logis. Elle va lentement disparaître entre les pierres du mur écroulé. Elle est folle de lait. Parfois, on la trouve accrochée aux pis d’une vache. Du moins, c’est ce que l’on raconte. Je n’ai jamais eu la chance de la voir à l’œuvre. Avant de rencontrer les gens du Repeyre, tu entres d’abord en relation avec cette ceinture de végétation et de bêtes qui protègent le logis. Les haies, les barrières vermoulues croulent sous les en-trelacs d’aubépine, de ronces chargées de mûres et quelquefois de chèvrefeuille. Les soleils de juin excitent leurs parfums. – Tu sens ce mélange ? Ça te pénètre, ça t’envahit et ça te monte à la tête. Le charme opère. Le Repeyre prend possession de toi d’abord par les sens. L’odeur ammoniacale des vaches et les senteurs fades des moutons contrastent avec celle des plantes. C’est ce mélange bizarre qui engendre le parfum originel de ces lieux. – Tu as oublié que tu marchais. Tes sens te donnent un peu l’impression que tu flottais, non ?
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