Le Syndrome du sycophante
308 pages
Français

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Le Syndrome du sycophante , livre ebook

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Description

« Alors qu'avec un boulot pareil si tu es mal, que tu t'illusionnes, que tu vis mal, tu meurs, et si tu es bien, à l'aise dans tes baskets, c'est les trafiquants qui perdent. J'ai tendance à penser que j'ai plus raison de les foutre au trou qu'eux de vendre de la came avec orgueil (...). Je suis incapable de me glisser dans ce qui est connu, aucun boulot n'est le mien alors soit je me fais pensionner pour handicap social, style “MétaCotorep”, soit je la joue guerrier de l'ombre, sans carte ni plaque, pour protéger notre jeunesse avec mes petits moyens. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342006506
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Syndrome du sycophante
Claude Boudenne
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Syndrome du sycophante
 
 
 
 
 
 
 
Sycophante :
Délateur professionnel chargé de repérer et dénoncer les voleurs et les trafiquants de figues dans la Grèce antique
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Prologue. Graine
 
 
 
1
 
 
 
Nous marchions sans piper mot.
L’exaltation me transportait mais ça ne se voyait pas, je maîtrisais.
Elle avait – enfin – accepté que je la raccompagne ! Toute l’après-midi j’avais rêvé de ce moment.
Elle était si belle !
Je ne savais pas à quoi cette attirance conduirait, pas plus que je ne savais quoi lui dire. Je déployais mes efforts à cheminer à sa hauteur, ajuster ma marche pour n’être ni devant ni derrière, ce qui s’avérait délicat quand le trottoir se resserrait, étranglé par une moto mal garée ou lorsque nous croisons d’autres piétons. Dans ces instants, je la frôlais par mes louvoiements – d’épaules et de bassin – qui ne suffisaient pas à me rapprocher d’elle
Une véritable communion !
Elle me faisait savoir que ce n’était pas gagné par quelques soupirs désapprobateurs et en changeant son cartable de main de façon à nous séparer en interposant ce tampon contre lequel désormais ma cuisse frottait. À chaque difficulté du parcours, le gros fermoir doré du cartable m’infligeait d’infimes douleurs piquantes s’enfonçait dans ma chair. Pris par mes manœuvres et soucieux de ma fluidité, je ne compris pas la seule phrase qu’elle m’adressait enfin, depuis le départ de l’école. Je répondis donc à côté, elle fit une moue dédaigneuse et se garda de me reparler.
Nous n’étions plus qu’à quelques mètres de chez elle. Comment pouvait-elle comprendre ?
Ce qu’elle jugeait être ma stupidité et mon manque d’assurance était en vérité une indisponibilité aux choses normales de l’existence. Mes maladresses n’étaient que des paravents destinés à dissimuler le vrai personnage, le vrai moi : celui qui évoluait dans une autre dimension, devant être sans répit sur le « qui-vive ». Mes forces étaient concentrées vers un ailleurs, un grave danger qui nous menaçait, imminent, une ombre froide pressentie toute la journée.
J’en étais certain.
Par la force des choses, Christine allait entrer ce jour dans le secret des Dieux-en moi-là où je me sentais connaître le secret absolu, bientôt, tout près, dans l’abri rassurant et pourtant si obscur de ma mémoire cosmique, mon indescriptible et indéchiffrable quotidien.
Nous étions à trois portes de son domicile quand les événements se précipitèrent. Entre deux camionnettes garées le long du trottoir d’en face surgit une silhouette au visage dissimulé par un cache-nez sombre. L’homme – petit – jeta un objet qui atterrit sous nos pas après avoir frôlé un cyclomotoriste qui croisait dans la rue.
Une bombe intégrée dans un Malabar, un sacré boulot, mortel.
Christine remarqua de suite l’anneau de fil de cuivre qui dépassait de l’emballage. L’inconnu avait disparu dans une rue adjacente, détalant comme un lièvre.
— Qu’est-ce que c’est ?
 
Aucune émotion ne transpirait lorsqu’elle prononça ces mots. Sa candeur l’empêchait de réaliser la gravité de la situation. Elle débarquait dans mon monde. Je me baissais et ramassais le Malabar trafiqué, le tenant délicatement du bout des doigts puis je la saisis – elle – par le bras en la sommant d’accélérer le pas avant de donner, sur un ton sans appel, les directives salvatrices : d’abord s’isoler dans l’ascenseur de son immeuble… Si Dieu nous en donnait le temps. Elle obtempéra, soumise à mon indéniable expérience des confiseries curieuses. Elle poussa la porte du hall d’entrée en même temps qu’elle m’obligeait à lui lâcher le bras d’un brusque mouvement de son poignet si délicat.
J’appelai l’ascenseur. Les quelques secondes d’attente me semblèrent une éternité, mes tempes cognaient.
Les deux battants coulissèrent et nous pénétrâmes dans la cabine. Je nous catapultais au dernier étage et appuyais sur le bouton « stop ».
— Qu’est-ce que tu fais ? dit-elle en s’énervant.
— Excuse-moi mais c’est nécessaire, regarde !
J’entreprenais alors de défaire le papier frappé du costaud « Malabar » en prenant bien soin de ne pas toucher la boucle de fil en cuivre. Apparut alors, inclus dans la masse du chewing-gum, un petit système d’horlogerie. Bien qu’à l’identique, en apparence et en odeur, cette matière n’était pas du Malabar mais une substance explosive. Un engin terriblement meurtrier.
— On a beaucoup de chance, ce truc aurait dû exploser en tombant devant nous. Tu as des ciseaux ?
Je suais. Je pris les ciseaux à bouts ronds qu’elle sortit de son cartable.
— Y avait qu’à le laisser par terre ! s’exclama-t-elle
— Ah oui ! Et les passants !
La conne, elle allait m’aimer oui ou non ?
— Dépêche-toi, on crève de chaleur ici, et on m’attend à la maison.
Avec précision mais les doigts tremblants, je sectionnais le fil de cuivre qui entourait le Malabar. Je dégageais le système d’horlogerie miniature et je l’écrasais sous mon talon.
— C’est fini, tu vas bien ? Je nous ai sauvés ! Hein ! T’as vu !
— Ouais, allez, faut que j’y aille, appuie sur le troisième.
Je m’exécutais et nous ramenais deux étages plus bas. Elle ne posa aucune question. Arrivés à son palier, elle sortit.
— Tu me fais pas un petit bisou ?
Cette audace jaillit spontanément. Le doigt sur le bouton « arrêt », le cœur battant, j’attendis sa réponse.
— Non ! Tu sues trop, à demain.
Elle tourna les talons, les portes se refermèrent sur mon échec.
 
Je me retrouvais dans la rue. La nuit tombait, j’aimais ce moment Les lumières, les phares, les vitrines des magasins s’allumaient par touches successives. Un petit air vif me fit remarquer, gonflant mes bronches, que je respirais à nouveau calmement après cette terrible épreuve. Il me faisait un peu frissonner, glaçant les gouttelettes de sueur sur ma peau, comme des loupes gelées, signe de mon extrême tension nerveuse.
Je restais quelques instants sur ce trottoir comme un naufragé accroché à son bout de planche pourrie. À moins que je ne fus moi-même ce morceau de planche pourrie à la dérive, sans personne pour m’y tenir compagnie. Je humais l’air de cette ville aux fleurs, ça puait les gaz d’échappement. Du fait de sa réputation, on croyait déceler dans son éther les fragrances sucrées de milliers de bouquets. Fallait-il être loin de la réalité pour ne pas se rendre compte que même ici la ville puait. Pareil durant le Carnaval, à peine moins lors du passage du corso fleuri. J’étais à Nice et je voulais que ça sente bon, point. Mon premier port d’attache après des années de vagabondages jalonnées de nourrices inconnues, de pensionnats mystérieux, de villes exacerbées, d’écoles communales banales, dont je ne me rappelais seulement des odeurs et des bruits tant ces lieux que je dus fréquenter furent nombreux durant la grande guerre qui opposa mes parents – dès ma naissance ou presque – pour conquérir ma garde. Ma mère gagna à la Pyrrhus, d’après l’un des derniers livres – sur l’antiquité – que je venais de terminer. Selon ce que j’avais compris, une victoire qui coûta tout au vainqueur.
Même le trophée.
Christine venait de m’étonner par son sang-froid. Je jetais les restes de la bombe dans le caniveau, sauf la pâte à mâcher dont je me délectais. Je rentrais en priant pour que ma mère ne soit pas là. Elle me demanderait des explications sur mon retard, il me faudrait inventer des raisons qu’elle n’écouterait pas et elle me frapperait – peut-être jusqu’au sang comme à son habitude – sans compter la destruction de ma montre dont je m’étais servi pour ma machine infernale. Arrivé à l’horloge de la place Garibaldi, je savais qu’elle ne serait pas rentrée, j’étais tranquille, à cette heure-ci elle traînait encore dans les bars du quartier.
En classe, le lendemain, le surlendemain, je serais près de Christine, encore. Je savais déjà qu’elle ne voudrait plus me laisser la raccompagner, un pressentiment. Je devais l’admettre, les tourments de ma vie étaient des obstacles vis-à-vis des autres. D’ailleurs, il m’était de plus en plus difficile d’établir des relations avec autrui. D’aussi loin que je me souvienne, je n’avais jamais eu d’ami. De plus, cette tentative avec Christine était mon premier regard appuyé sur une fille. Nouvel échec.
C’était ma voie, celle du guerrier.
Je vais redoubler ma sixième, pas grave, à part la branlée que je prendrais. Quand je serai grand je serai écrivain. Avec tout ce que je lisais ! Écrivain-espion, plutôt guerrier chinois-écrivain. samouraï-callygraphe, ce que j’ai déjà été dans une vie antérieure, sûr ! J’ai des frissons partout devant toutes évocations de ces personnages et du Budo, l’émotion que l’on ressent, je crois, en feuilletant le vieil album de sa famille. Un peu moins en suivant compulsivement les aventures des super-héros Marvel.
Je devrais haïr ma mère. Curieusement, je me demandais parfois si elle n’avait pas raison de me frapper et de m’insulter, et qu’en fait son alcoolisme et ses cachets pour maigrir n’avaient rien à voir à l’affaire.
Le type était encore là, au dernier carrefour avant chez moi, il me regardait arriver et comme chaque jour depuis une semaine il me suivait. Quand je me retournais vers lui, il me désignait sa braguette alors je rentrais en courant.
 
 
 
2
 
 
 
Un article parut dans « Nice-matin » : le propriétaire d’un hôtel s’était transformé en lumière dans l’explosion de sa voiture. Le véhicule-

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