Les Collet des Oulles ou Sortir de la ruralité
128 pages
Français

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Les Collet des Oulles ou Sortir de la ruralité , livre ebook

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Description

Début, survie et fin d'une famille entre 1914 et 2000. Illustration du rôle des sacrifiés de famille, qui ne le savaient pas, et des marraines.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 décembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414305971
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-30598-8

© Edilivre, 2019
La FIN des IAN COLLET
La neige était tombée sur le Corbier, il y en avait même sur l’Alpettaz. En ce début novembre 1920, l’hiver commençait tôt.
Ma mère et mes frères, Michel et Louis, étaient partis de bonne heure.
J’étais l’aîné, j’allais avoir bientôt quinze ans. Je devais partir plus tard avec la génisse. Je l’avais sortie de l’écurie et attachée devant la porte. Elle m’attendait. Il ne me restait plus qu’à finir de manger la caillée. Je n’avais jamais aimé la caillée, mais nous n’avions pas le choix, c’était le petit déjeuner traditionnel. Ce n’était que le petit lait servant à faire le fromage et qui venait d’être « caillé » la veille. L’aspect était très joli, mais je n’aimais pas du tout l’aigreur de son goût. Ce matin, bien que je l’aie encore plus bourrée de pain que d’habitude, elle avait encore plus de mal à passer.
En franchissant le seuil de la maison, les larmes coulaient. Mes deux tantes qui restaient à l’intérieur, m’avaient bien rappelé qu’avec la génisse qui attendait son premier veau, il fallait que j’aille doucement… Je n’avais même pas pu acquiescer. La gorge serrée, j’avais du mal à défaire la « troille » qui attachait la jeune vache. D’habitude quand je « défaisais une troille », j’avais toujours une admiration pour ces pièces de bois polies par des années d’usage. Cette troille que je défaisais avec peine, c’était tout ce qui me reliait encore, pour une seconde, à cette grande maison des Anselmes, celle des COLLET ou plus exactement celle des IAN COLLET. Ce clan qui en huit mois s’était désagrégé avec les derniers soubresauts de la guerre.
Les Anselmes, c’est le petit hameau qui se situe sur la route qui maintenant conduit à LA TOUSSUIRE, juste avant qu’elle ne se sépare de la route qui mène au CORBIER.

Une « troïlle »
Ce bel objet de bois devrait être notre emblème de la ruralité, de la rusticité. A la différence des autres emblèmes, il est utile et le fruit d’un développement ancestral.
J’ai toujours été plein d’admiration pour cette pièce légèrement incurvée qui était beaucoup plus qu’un nœud coulant.
Son utilisation principale servait, associée à deux « bâtons » permettant le passage de 3 cordes, à « serrer » les barrions de foin….
Je me souviens avoir entendu Michel expliquer à mon fils les qualités de cette pièce… Il disait que le choix du bois était très important : Il ne fallait pas que le bois soit trop dur, sinon la corde s’usait prématurément, trop mou, sinon le sillon se creusait trop rapidement…
Le sillon qu’on voit à la base du creux central, correspondant à l’usure provoquée par le glissement de la corde au moment du serrage..
Sans me retourner je pris la corde de la génisse et nous primes le chemin abrupt qui descendait vers Fontcouverte. J’avais vraiment conscience que ma vie tournait.
Mon père, Jean Baptiste, fils aîné de 4 garçons et 5 filles était mort en 1914 d’une péritonite, ce n’était pas glorieux, mais c’est possible quand les maux de ventre se soignaient avec des cataplasmes et qu’il fallait une journée pour que le docteur vienne de Saint Jean de Maurienne.
Claude, son frère cadet, avec qui il faisait équipe, était mort à la guerre en 1914. C’est normalement ensemble qu’ils avaient commencé à assumer la pérennité du clan COLLET.
Le deuxième frère, Pierre, s’était marié et avait pris une ferme dans la vallée. Lui aussi est mort à la guerre. Il était le père de JOSEPH COLLET qui a construit l’Hôtel de la Roche à La Rochette, de MARIE (COVAREL) et d’ALPHONSINE qui s’est mariée à Germain AUGERT. C’est la branche skieuse de la famille puisque René COLLET et Jean Pierre AUGERT ont été d’excellents coureurs internationaux. J.O et Championnats du Monde.
Vanessa et Jean Pierre VIDAL champion olympique à Salt lake city sont les petits enfants d’Alphonsine AUGERT (prototype des filles COLLET)
Le troisième frère, Eugène, s’était marié avec une fille de JARRIER. Il avait pris une gérance des DOCKS LYONNAIS dans l’ISERE, puis à Saint-JEAN de MAURIENNE. Il avait été prisonnier pendant la guerre et s’était évadé avec son ami Pierre CLARAZ.
Sa réussite en faisait mon idéal. Dommage que sa femme ait été aussi dure et agressive !! C’était une « Jarriainche ». ( habitante de Jarrier, un village voisin, bien orienté donc riche )
Pendant la guerre le clan IAN COLLET avait bien résisté autour de mon grand père, Michel, qui était le patron du clan. Ma mère avec ses trois garçons nés en 1905 1907 1909 et sa fille née en 1913 avait été bien protégée dans le clan. Mais la mort de mon grand père, il y a 8 mois, avait provoqué l’éclatement du clan. Il avait fallu partager le peu qu’il y avait et surtout vendre et disloquer la maison familiale des Anselmes…
Ma mère, mes frères et moi, nous devions partir.
Ce partage avait fait beaucoup parler, on disait qu’il y avait eu des irrégularités, que le testament de mon oncle Claude qui était censé protéger la coopération qu’il avait eue avec mon père avait disparu. En 1914, quand on partait à la guerre, c’est l’armée qui vous conseillait de faire votre testament. Mon oncle Claude l’avait fait et transmis. Ma mère l’avait même eu en main. Il n’a jamais été retrouvé.
Ma mère, la belle fille qui avait épousé le fils aîné, devait partir.
Les filles COLLET n’ont jamais été tendres pour les pièces rapportées.
Pendant longtemps elles auront la réputation d’être dures. Elles ont la rigueur qui fait les bonnes maisons. Elles ont la « langue ou la dent dure » pour tout ce qui n’est pas dans leur orbite familiale. Elles ont l’égoïsme familial comme doctrine. Bref, il vaut mieux être avec elles que contre elles. Mais, soyez certains, avec une fille COLLET, le noyau familial est plus que protégé !!!
Avec ma génisse, je descendais vers la vallée, doucement, car je savais qu’il fallait que je la protège, ma génisse. Elle était notre avenir. Je passais au-dessus de la maison de mon copain Jean Bouttaz dit Jean Sabot (son père était sabotier). Sa maison est en contrebas de la route le long du ruisseau dont ils utilisaient la force pour moudre le blé. La chapelle où j’avais été baptisé juste au-dessus du Crêt de Fontcouverte était la première étape de ma longue descente vers notre nouveau départ et notre nouveau toit : LES OULLES.
Les OULLES, c’est un lieu dit à deux kilomètres de ST JEAN. Mon père et son frère CLAUDE y avait construit une maison, plutôt un toit et 4 murs, c’était ce qu’on appelait une « remue », une maison qui devait permettre d’abriter les vaches les veilles de foire, de servir de base pour travailler les vignes que nous avions à la Thioulaz et à la Chevalière.
De plus certaines cultures et des fruits ne poussaient pas aux Anselmes ; alors qu’aux OULLES tout poussait.
Les Oulles étaient aussi dans l’esprit de mon père et de mon grand-père le relais pour descendre vers la vallée. Nous commencions tous à être conscients que pour les familles nombreuses, le salut ne pouvait venir que de la vallée.
Avec une grosse maison aux Anselmes, une « montagne » au « Gouter » (à LA TOUSSUIRE à droite du GRAND TRUC) et une remue à 2 KM de Saint JEAN, le clan IAN COLLET que mon grand-père avait construit aurait pu aller loin… Hélas, c’était fini.
La « montagne » COLLET avait été vendue pendant la guerre par notre grand père. Il venait de perdre tous ses fils. (Eugène, le seul rescapé, prisonnier avait été considéré comme mort). Il avait subi la pression de la Tante Jeanne, une des filles COLLET qui avait épousé un CHABERT et qui avait convaincu notre grand-père de vendre sa montagne à la famille CHABERT. Cette vente, nous ne l’avons jamais appréciée…
Elle avait aussi posé le problème de ceux qui n’étaient pas partis à la guerre. (C’est un autre sujet délicat).
Ma mère, grâce à sa famille, avait pu racheter la part de mon oncle Claude décédé. La « remue » des Oulles sera notre toit et la génisse que j’avais au bout de la « longe » notre avenir.
Le chemin descendait entre les premières maisons de FONTCOUVERTE.
Clément Victor DOMPNIER, mon Oncle, qui avait épousé Sylvie, une des filles COLLET, était sur le pas de la porte avec son fils Séraphin qui avait cinq ans de plus que moi. Il avait vu passer ma mère et mes frères ce matin de bonne heure et je sentis beaucoup de sympathie dans les quelques mots qu’il m’adressa.
Clément Victor, cet oncle par alliance avait toujours soutenu ma mère dans le difficile problème de partage qu’elle avait subi. Cette année il avait fait une excellente année dans sa montagne (chalet d’alpage) de Comborcière juste au-dessous de l’Ouillon où Il avait enmontagné, cet été, avec un gros troupeau de 20 VACHES et une dizaine de génisses. A la foire de la Saint Michel à Saint Jean, il avait fait très fort. !!.
Avez-vous déjà noté la fierté de l’Église de Fontcouverte ?
Elle était en contrebas du village, fière, un peu arrogante. Je crois que c’est elle qui nous donnait notre identité en affirmant que notre village était plus gros que la réalité. À coté il y avait l’école. Chaque matin entre La TOUSSAINT et la date où l’on enmontagnait (au maximum 6 mois), j’y descendais avec tous mes copains des Anselmes, nous mettions une heure pour descendre au « chef-lieu), un peu plus pour remonter. C’est au cours de ces aller-retour que se sont construites des amitiés solides. C’est dans cette école qu’on m’avait préparé au certificat. Nous étions cinq à avoir été présentés, j’étais le seul à l’avoir obtenu. Je me rappelle encore les félicitations d’un vieux du village, qui m’avait dit « C’est bien, Marcel ».
J’avais conscience que, une heure après ma mère, je la suivais dans son chemin de croix. Il ne montait pas, il

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