Lucien Degras. Le passeur engagé du jardin créole
260 pages
Français

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Lucien Degras. Le passeur engagé du jardin créole , livre ebook

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Description

Généticien, directeur de recherche à l'Institut de la Recherche Agronomique Antilles-Guyane (INRA), Lucien Dégras ne fut pas seulement un grand scientifique adoubé par ses pairs comme étant le maître de l'igname. Il fut aussi fier de négritude, un fidèle disciple de la poésie césairienne.
Par ses racines autant culturales que culturelles, il s'attache d'île en île, d'Afrique et d'Océanie à nous faire voyager dans le sillage des plantes et des océans sans perdre son âme. Et s'il a oeuvré comme un nouvel art de penser et de partager l'histoire, vous comprendrez mieux pourquoi il a fait du jardin créole le foyer rayonnant de notre devenir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 mars 2023
Nombre de lectures 2
EAN13 9782379799440
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean-Claude Degras
Lucien Degras
Le passeur engagé du jardin créole



Du même auteur :

Camille Mortenol, le capitaine des vents , Le Manuscrit, 2008.
Félix É boué , BD - Caraïbeditions 2016.
Félix É boué, le gouverneur nègre de la République , Iggybook, 2021
De la monarchie à la France Libre , Iggybook, 2021
Eugénie Tell-Éboué, Histoire d’une passion , Iggybook, 2022
ISBN numérique 9782379799440 ISBN papier 9782379799433 © mars 2023 Jean-Claude Degras Photo ci-contre : Archives Lucien Degras dans son jardin à Petit-Bourg


La fonction du poète
Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n’est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.

C’est lui, qui malgré les épines
L’envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines
Ramassant la tradition.
De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine
Qui prend le passé pour racine
À pour feuillage l’avenir.

Il rayonne ! il jette sa flamme
Sur l’éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l’âme
D’une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
À tous d’en haut il la dévoile ;
Car la poésie est l’étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs !

Victor Hugo (1802-1885)
Les Rayons et les Ombres.



Avant-propos
Il n’est jamais facile de revenir en arrière pour évoquer les faits d’un passé qui s’étire dans le désert du temps. Les historiens sont bien placés pour savoir combien les mémoires sont difficiles d’accès et de vérité. Celle de Lucien, mon cousin n’échappe pas à cette quête. Aussi, pour restituer son itinéraire, il faut entreprendre un parcours sinueux fait de relations complexes, parfois ambiguës et toujours passionnées. Néanmoins, quelques images éclairent mes souvenirs et mes escapades d’enfant. Celles plus anciennes que la parole parce qu’elles ne demandent aucun apprentissage particulier et où tout est permis par ignorance, négligence et inconscience. Le temps passe si vite et la vie est si imprévisible que l’on n’a pas forcément le temps de consigner sa propre histoire et encore moins celle des autres. Considérant l’adage bien connu, que « Tout ce qui n’est pas écrit est condamné à disparaître », je me suis attaché à rechercher ce qui motivait ce cousin brillant, ouvert, mais si énigmatique. Peut-être la perte de ma mère, dernier maillon de la famille, m’a-t-elle consigné à entreprendre ce voyage initiatique dans le temps, le temps du jardin créole. Une phrase résume sans doute sa vie : « Il faut combattre l’injustice ». C’est la raison essentielle de mon désir d’écriture. Un voyage périlleux, obscur qui constitue finalement la réalité de son existence et de mes recherches, car comme le dit un proverbe congolais « Celui qui ne voyage pas ne connaît pas la valeur des hommes ».
Que par mon souffle
De mon souffle il suffit
Pour tous à signifier
Présent et à venir
Qu’un homme était là et qu’il a crié (Aimé Césaire) 1

Mes remerciements vont d’abord à Josette, son épouse avec laquelle j’ai partagé une partie de cette histoire, pour mieux connaître l’homme, le scientifique, l’époux, le militant de la biodiversité, le poète, l’intellectuel et le philosophe.
Ma reconnaissance va également à Barcha Bauer, à qui j’ai le premier confié mon rêve d’un documentaire qui lui serait consacré et qui m’a pour la cause, invité à écrire. Tous mes remerciements à Priska Degras dont la fidélité à la mémoire familiale est inséparable de son engagement spécialisé et avisé à servir la littérature afro-caribéenne.
Je remercie également tous ceux qui m’ont prodigué leurs conseils au risque d’en oublier quelques-uns. Qu’ils veuillent bien me pardonner ; sans omettre tous ceux, associations et institutions comprises (État, Université, conseil régional, conseil départemental, communes, INRA, etc.) qui au cours de son long périple l’ont aidé à assouvir sa passion afin éclairer d’un jour nouveau des lendemains meilleurs.


1 . Jacqueline Leiner, Le terreau primordial , Tome III.


Préface
Au mur, des photos, un masque, un chapeau africain tels des fétiches incarnent la nostalgie d’une époque. Souvenirs chéris, disséqués, démembrés, mais ô combien riches et salvateurs d’une longue… très longue histoire. La terrasse ouverte sur le jardin laisse passer les odeurs humides des bougainvilliers et des rosiers sauvages. Au milieu des frondaisons, l’Arbre du voyageur renvoie à d’autres rêves, au milieu d’une flore verte et sauvage. L’atmosphère pesante et pieuse égrène les souvenirs d’antan. Pérégrinations, et litanies défilent au gré de la parole… autour d’une histoire, des histoires autour desquelles des groupes de visages connus et inconnus se nouent et se dénouent. À la cantonade, une femme vêtue de noir, les yeux larmoyants, remet les événements du puzzle à leur place, tout en distribuant accolades et embrassades, comme pour mieux oublier sa douleur. Une autre image du défunt surgit, quand l’album de photos fait le tour des mains. L’histoire petit à petit se propage, laissant apparaître l’image inconnue de l’oncle, du cousin, de la mère, du père et du grand-père. Comme un roman composé d’histoires aux variations poétiques, son aura peu à peu agrandit le cercle de famille exalté par la mémoire encore fraîche d’un passé lourd et riche. Un foisonnement de sensations et d’odeurs de fleurs, de plantes rampantes ou dilatées au rythme du soleil ; de ce temps pas si lointain où générosité, respect, culture rythmaient les rêves les plus fous d’un jeune antillais amoureux de la poésie d’Aimé Césaire.
Entre-temps, plus de cinquante ans d’une vie consacrée à la recherche, ont fait de lui un chercheur internationalement reconnu pour son abnégation à mieux faire connaître notre espace tropical. Que cache cet homme aussi discret que talentueux ? La vision que nous avons de lui est aussi vague que partielle, tant elle reste limitée au périmètre du jardin créole alors qu’il cultivait un éclectisme guidé par l’étoile Polaire de l’auteur de Cahier d’un retour au pays natal . Ce n’est pas uniquement là qu’il faut le chercher, mais aussi dans ses notes, ses écrits, ses essais, ses poèmes et dans les innombrables entretiens et articles où cet amoureux inconditionnel de la langue française s’est exprimé avec pudeur et secret. Si l’on parle aujourd’hui de jardin créole, c’est essentiellement grâce à lui, mais surtout indirectement à la poésie de Césaire pourvoyeuse de ses rêves. Elle a inauguré une reconnaissance fulgurante, irréductible, substantielle et ininterrompue de soixante-dix ans comme une sorte de finalité préconçue. Une rencontre qui l’a consacrée bien au-delà d’un simple moyen de subsistance dans l’espace caribéen. La poésie fut son amour de jeunesse dans la langue riche et tumultueuse du plus grand poète du xx e siècle. Un parcours sinueux, fruit d’un long voyage dans la mémoire d’un héritage précieux, où les plantes et les hommes comme un art de vivre autrement, ont le goût et la couleur exaltée de mondes inconnus et mystérieux.


Première partie Ombres et lumières


Son enfance
Parce qu’il a eu plusieurs vies, il parlait de ses rencontres d’Afrique, d’Inde, d’Océanie, d’Europe, de plantes, d’histoire, de politique… et surtout de poésie. Risquons-nous à le suivre dans son besoin d’évasion. Né entre deux guerres, à Fort-de-France le 13 mars 1927, cette année n’est pas fortuite. Elle voit la même année, André Gide dénoncer dans Voyage au Congo la tragédie de la colonisation ; les totalitarismes de gauche comme de droite, ébranler le socle des démocraties, et le xx e siècle ouvrir une nouvelle page d’histoire sur la part obscure du « siècle des Lumières ». Puis suivent, la radicalité des temps avec la Première Guerre mondiale, le krach boursier de 1929, la montée du nazisme dans les années 1930, la débâcle, et la Seconde Guerre mondiale qui s’achève entre communisme et capitalisme avec la terreur nucléaire d’un monde bipolaire. Dans ce roulis de l’histoire, entre tabous et interdits, Lucien Dégras entre de plein fouet dans le chaos du monde. Par ses racines familiales, c’est un homme du sud de la Martinique, plus précisément de la commune du « Marin » sur le « Morne Sulpice », mais aussi « Balata », « La Vierge » où dans chaque ravine, derrière chaque morne, et chaque arbre, se cachent des vies aux conversations inachevées. Une commune qui garde douloureusement le souvenir de l’insurrection de 1870, véritable révolte populaire contre les aberrations d’un système colonial. Au départ, Léopold Lubin, fils d’agriculteurs et jeune commerçant noir de la commune, est fouetté pour ne pas avoir laissé le passage à deux cavaliers blancs, Pellet de Lautrec et Augier de Maintenon. Malgré une plainte déposée auprès des autorités judiciaires, il décide de se faire justice et cravache à son tour Augier de Maintenon. L’affaire portée en justice, voit Lubin condamné à cinq ans de bagne et 1 500 francs de dommages et intérêts. Aussitôt l’île s’embrase et les premiers incidents à Rivière-Pilote mettent l’île à feu et à sang. La chasse à l’homme des deux côtés est ouverte. Le bilan des morts et des blessés, lourd de conséquences dans chaque camp laissera des traces indélébiles d’un « ordre colonial postabolition » 2 . Autant de lieux, de symboles et d’histoires douloureuses figées dans le temps. Images d’un passé pas si lointain, où « pour nourrir la marmaille » l’on cultivait sur de petits carreaux de terre, bananes, ign

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