Lulu
116 pages
Français

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Description

Je veux retracer ici l'histoire de mon père, un peu rocambolesque à certains égards, dans les circonstances qui étaient les siennes, à savoir les années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale. Ces années-là, si différentes de celles d'aujourd'hui nous ont marqués, nous les enfants nés dans les années 50, de cinq à dix ans après la fin du conflit. Les films, les documentaires, les livres, les discours à la télévision, au cinéma, à l'école, foisonnaient sur cette période.



Nos grands-parents avaient vécu la Grande Guerre de 14-18, nos parents la Seconde. Maintenant, certains de nos petits-enfants savent à peine ce qu'étaient les nazis ou le STO ! J'avais demandé à mon père d'écrire sur sa vie mais il n'en avait pas vu la nécessité. Alors je le fais à sa place.



J'ai dédié plusieurs pages à la Seconde Guerre mondiale, car j'ai voulu narrer certains faits qui ont été essentiels pour mon père, en particulier son STO et la vie dans ce contexte, aussi bien dans le camp que dans la ferme où il a séjourné ainsi que sa grande histoire d'amour.



Il fallait manifestement aussi parler de l'idéologie nazie effrayante, de la folie meurtrière, de la mégalomanie d'Hitler et de ses sbires et du mysticisme hallucinant du nazisme. Cette période a eu des conséquences mondiales et individuelles, notamment sur les Européens, pendant et après le conflit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 janvier 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414550173
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-55018-0

© Edilivre, 2022
I
Mon père ne fut pas un héros et j’aimais mon père.
Cela fait maintenant dix ans qu’il est mort. Je n’étais pas là. Je lui avais dit que nous allions rentrer définitivement en France en juillet après vingt huit ans à l’étranger. Je lui avais dit que j’irai le voir pour manger du chocolat avec lui, nous promener bras dessus bras dessous dans le parc de Saint-Maur-des-Fossés, parler des livres, de la pluie et du beau temps, mais pas de ma mère, non pas de ma mère, encore vivante et qui allait lui survivre huit ans ! J’aurais préféré le contraire. Oui, je sais c’est pas chouette…
En vérité, et je dois bien l’avouer, quand nous avions été mutés à l’étranger, laisser mes parents et mon père en l’occurrence, ne m’importait égoïstement pas vraiment. Je pensais seulement à la vie nouvelle et excitante vers laquelle nous partions. Bien sûr, il est venu nous voir dans quelques uns des pays où nous séjournions mais ma vie était ailleurs. Je l’expérimente maintenant et mal depuis que mes enfants sont partis de chez nous et ont également leur propre existence, mariés et pères et mère de famille. Mais peut-on savoir à vingt-cinq ans la souffrance qu’on impose à nos parents quand ils n’existent plus que si peu pour nous ? Non, et c’est paraît-il normal, et même obligatoire… pour vivre sa propre vie.
Têtu comme un troupeau de mules, mon père décida en mars, suite à ses problèmes artériels, de se faire poser un « stent » afin de pouvoir vivre encore quelque mois, pour me voir un peu plus longtemps, d’après les dires de mon frère, mais pendant l’opération l’aorte se rompit et après deux heures de coma, mon père rendit l’âme. Il ne m’avait pas attendue et dans l’avion qui me transportait de Praia 1 à Paris vers sa dépouille, je me sentais très mal et désemparée. Le temps ne m’avait pas laissée le temps de me rapprocher de mon père. Par contre, je me suis rapprochée de sa compagne avec qui il vivait depuis une trentaine d’années, effondrée et malheureuse. Elle ne comprenait pas et n’acceptait pas, car il avait résisté à plusieurs maladies graves, un infarctus, la pose d’un stimulateur cardiaque et un AVC dont il s’était remis avec acharnement et ténacité. Il avait de la persévérance, Lulu. Il faut dire que le début de sa vie n’avait pas été rose.


1 . Praia, capitale des Îles du Cap vert.
II
« Les parents de ton père étaient de vrais pouilladins 2 et ta grand-mère était une boche 3 et une juive ! Une bignolle 4 ! » me répétait ma mère, méprisante, elle qui était née à Versailles et dont le père, berrichon et entrepreneur de peinture, avait acheté une maison en meulière au Chesnay.
Boche parce que ses père et grand-père étaient de Strasbourg, ville allemande jusqu’en 1918 et sa mère suisse allemande. Juive à cause de son nom se terminant par ann et de ses cheveux bruns, ses yeux marrons et son teint mat. Tels étaient les délires de ma mère, auxquels je ne prêtais guère attention. Les parents de ma grand-mère s’étaient mariés à Paris et ma grand-mère y était née.
Il est juste aussi que les fins de mois devaient être difficiles pour mes grands-parents paternels. Mon grand-père, que je n’ai pas connu, savait lire et écrire correctement et était employé de commerce. Ma grand-mère était plumassière, un métier tombé en désuétude, car depuis longtemps les femmes élégantes ne portent plus de chapeaux ornés de plumes.
La onzième sur une fratrie de treize, elle avait quitté l’école à dix ans pour travailler dans un atelier comme arpette 5 .
D’après ce que j’ai compris, ses frères aînés faisaient partie des Apaches 6 , deux étaient en prison et une de ses sœurs faisait le trottoir. Pas très reluisant, c’est indubitable !…
La mère de Lulu habitait Saint-Mandé, banlieue près de Vincennes qui à l’époque dépendait du département de la Seine (la ville de Paris y était incluse et le tout fédéré sous le numéro départemental 75). Son père était de Charenton-le-Pont qui, malgré une riche histoire et le siège depuis 1353 de la Compagnie des courtiers jurés piqueurs de vins de Paris, était une ville très ouvrière.
Né en 1887, il avait vingt-sept ans quand il fut appelé sous les drapeaux en 1914, en tant que caporal d’infanterie. Il avait juste la taille, pourtant petite avec un mètre cinquante-deux, pour être enrôlé. « C’était un bel homme assis » disait de lui ma grand-mère. Une belle tête c’est vrai, brun, les yeux noirs et une magnifique moustache en guidon de vélo.
Il revint en 1919, avec des suppurations aux oreilles, la gale, les pieds gelés et des éclats d’obus à la poitrine, subis lors de l’enfer du chemin des dames et des tranchées à Verdun. Il fut décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre, ce qui lui faisait une belle jambe, lui qui était pacifiste. D’après mon père, il n’a jamais voulu parler de cette guerre, une immonde boucherie dont les pertes humaines s’élevèrent à environ dix-huit millions de morts et de disparus militaires et civils.
Sans compter les « gueules cassées 7 », les gazés, les traumatisés psychologiques et la grippe espagnole 8 qui fit cinquante millions de victimes.
Choqué mais vivant, il se dit qu’il pourrait se marier et avoir des enfants. Comme tous les français des années folles, après le traumatisme de la grande guerre, il voulait oublier, s’amuser, danser et manger. Ce fut une ère de profonds changements économiques, culturels et sociaux. Les femmes obtinrent une réelle indépendance et une certaine libération sexuelle, après avoir tenu le rôle de chef de famille pendant le conflit, mais étaient toujours privées du droit de vote 9 .
Lors d’un bal, il fit la connaissance de ma grand-mère, de dix ans sa cadette, petite femme avec de belles jambes, de beaux cheveux frisés et un franc-parler faubourien. Ils se marièrent très romantiquement le 14 février 1920 à Saint-Mandé et mon père naquit à domicile le 27 février 1921. Apparemment, ce fut un accouchement long et pénible et mon grand-père dit à son fils des années plus tard qu’il ne devrait jamais assister à la naissance de son enfant, car il était difficile après de refaire l’amour avec sa femme ! Suivant les conseils de son père, Lulu n’était pas là pour ma naissance.
Comment peut-on imaginer la France du début du vingtième siècle ? Il y a cent ans ? Sans téléphone, sans machines à laver, sans réfrigérateur, sans plats surgelés ! On n’imaginait même pas la télévision, l’informatique, internet, les smart-phones et les voitures électriques alors que le parc automobile national était de seulement trois cent mille véhicules !!… …
Mes grands-parents habitaient un appartement d’une pièce sans eau courante ni électricité. À cette époque, celle-ci n’avait pas encore atteint les faubourgs parisiens. Ma grand-mère allaita mon père une quinzaine de jours et repartit travailler. Car n’oublions pas que le congé de maternité qui vit le jour en France en 1909, accordait alors un congé de huit semaines mais ne prévoyait pas de rémunération. Et en plus Lulu pleurait beaucoup nuit et jour, tellement en fait qu’il se provoqua une hernie inguinale. A son vingtième jour elle le mit donc en pension en Alsace, chez une fermière connue de sa famille. L’hygiène ne devait pas être très stricte et à trois mois mon père tomba gravement malade à la suite d’une diarrhée verte car la fermière ne faisait pas bouillir le lait de ses vaches, sans parler de l’asepsie des biberons. Déshydraté, fiévreux, il en guérit mais conçut une horreur du lait toute sa vie. Mes grands-parents le ramenèrent chez eux.
Que faire d’un bébé quand la maman travaillait dans ces années-là ? Ma grand-mère confia Lulu à la concierge de son immeuble. La médecine du moment considérait que respirer l’air frais permettait de renforcer le système immunitaire du bébé – ce qui était juste c’est sûr… – et conseillait de sortir les enfants. La concierge suivit cette recommandation et le mit dans une cage suspendue à la fenêtre… la même qui avait servi pour son fils. Heureusement qu’elle était au rez-de-chaussée et qu’il faisait beau ! J’espère quand même qu’elle la rentrait quand il pleuvait !
Dès qu’il sut marcher, elle le laissa dans la cour avant qu’il n’aille plus tard jouer dans la rue. Les méthodes de cette époque étaient rustiques ! Pendant ce temps, naquit une petite sœur qui, sans grande imagination, fut baptisée Lulu, enfin je veux dire Lucienne, mais cela revenait au même. Elle fut choyée, gâtée, dorlotée, pas mon père. Pourquoi ? Je n’en connais pas les raisons. C’était un beau petit bonhomme très blond, aux yeux bleus, l’air sage. Il devint le serviteur de sa sœur. « Lulu, occupe-toi de ta sœur, va acheter une tranche de jambon pour ta sœur, ne fais pas mal à ta sœur. » Il reçut de sa mère de remarquables taloches, mais il aima sa sœur qui l’appelait Dudu et ce jusque très tard !
Les premières années de sa vie traversèrent une période extravagante de la France et surtout de Paris : les années vingt, période d’insouciance entre les deux guerres où tout s’accéléra et changea. La population augmenta avec le retour des poilus 10 , et automobiles, bicyclettes, omnibus et tramways envahirent les rues. Des immeubles qu’on qualifiera bientôt d’Art Déco poussèrent à grande vitesse sur les avenues et les boulevards et le béton armé fut un matériau en vogue, avant de devenir celui le plus utilisé à partir de 1950.
Paris devint en outre un foyer artistique incroyable, mené par des artistes français et internationaux. Fuyant la ségrégation, plusieurs artistes de jazz noirs américains s’installèrent dans la capitale qui représentait pour eux une terre de liberté. Ce fut un engouement extraordi

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