Maman Grète
192 pages
Français

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Description

Grète et Rémy Stermann sont un couple d’éducateurs dans des foyers de la Commission centrale de l’enfance (CCE) qui ont recueilli, après la Seconde Guerre mondiale, des enfants de victimes de la déportation des juifs.

Qui sont ces éducateurs ? D’où viennent-ils ? Comment se sont-ils rencontrés ? Qu’ont-ils vécu séparément et ensemble ? Qu’a subi Rémy lui-même dans les camps de la mort ? Pourquoi la vie de Grète a-t-elle été si brève ? Quelles sont les circonstances de sa disparition ?

C’est à ces questions que ce livre s’efforce de répondre. De plus, il contient les récits les plus émouvants, les plus bouleversants, les parcours les plus surprenants qui jalonnent l’histoire des proches parents de Grète et de Rémy.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 décembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334230506
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-23048-3

© Edilivre, 2017
Dédicace


À Danielle et Fabien, les deux amours de ma vie.
À Maman Grète

Grete avec Micha au Raincy-Plateau
Personne n’a été aussi présent que toi dans ma vie, Maman Grète ; personne ne m’a autant manqué que toi. Pourquoi m’as-tu abandonné, si tôt ? Deux fois tu m’as abandonné. Une fois en prenant des somnifères le 22 mars 1953, quand je n’étais âgé que d’un an, quatre mois et deux semaines. Acte réfléchi, acte impulsif ou acte manqué ? On ne le sait pas ; je ne le saurai pas. Une autre fois sans ton consentement, petit à petit, sournoisement on t’a fait disparaître des conversations, des évocations, des images à regarder. Je ne peux pas te faire revenir physiquement, hélas ! Mais effacer l’ omerta , la loi non dite du silence que j’ai senti peser comme une chape de plomb. Je voudrais crier ton nom à la face du monde, Maman Grète ! Tu n’as plus de tombe. Alors, que ce livre soit un monument à ta mémoire.
Pourquoi je t’appelle Maman Grète ? Parce que Papa, Rémy 1 , s’est remarié deux ans après et qu’il y a eu aussi Maman Magali . Eh oui, pendant un temps ma sœur aînée Catia et moi parlions de Maman Grète et de Maman Magali . Cohabitaient alors encore pour nous la Marguerite allemande avec la Marguerite provençale 2 . Puis on a cessé de parler de la première, de regarder ses albums de photos, et la seconde est devenue Maman tout court, que nous le voulions ou non. Surtout après la naissance de Gilles , notre demi-frère qui n’avait, lui, qu’une Maman . Plus tard encore, elle deviendra Mam , puis la Mère et enfin simplement Magali .
Toute mon enfance et ma jeunesse ont été un assemblage de savoir et de taire. Devenu veuf, Rémy a été temporairement soulagé de la garde de vos enfants par tes parents, à Hambourg , les seuls grands-parents que j’aie connus, à cause de la Déportation . Aussi loin que je puisse me souvenir, ils ne me parlaient pas non plus de toi. Avoir sous les yeux la chair de la chair de leur chair sans se sentir autorisés à parler de toi qu’ils avaient tant chérie, quelle souffrance pour eux également !
Alors, dans ma petite tête d’enfant, je me suis dit que c’était comme ça : une fois que les gens sont morts, il n’est pas convenable de parler d’eux ; ça ne se fait pas. La douleur pour ceux qui restent est trop insupportable, il ne faut pas les faire souffrir, c’est mal. Je pensais surtout à Papa qui, après avoir souffert mille martyres dans les camps dits « de concentration » (quel euphémisme !), y avoir perdu père, mère, frère, oncles, tantes, cousins… avait encore dû endurer ta disparition, Maman Grète . Je devais le protéger, le conserver au moins, lui. Il ne fallait pas qu’en plus il aille mourir de chagrin. Alors, je ne devais pas parler de ce qui me brûlait la langue.
Je n’échangeais des confidences qu’avec Catia , ma grande sœur. Elle me parlait d’un air mystérieux de ces cachets pour dormir dont on ne savait pas si tu avais fait exprès d’en prendre trop quand tu allais très mal, de cette chute par la fenêtre que tu aurais faite auparavant, peut-être en voulant nettoyer les vitres, de ce corset de plâtre que tu aurais dû porter ensuite. Mais avec les adultes, plus rien. Il fallait faire place à la famille recomposée en effaçant l’ancienne, la tienne, en la « balayant sous la moquette ». Tout en gardant le contact étroit et fréquent avec tes parents, nos grands-parents. Quel paradoxe ! Jusqu’à Gilles que ces derniers, généreusement, considéreront comme leur autre petit-fils, sans discrimination. Il aura, d’ailleurs, à souffrir de cette fiction-là, de son côté.
Depuis lors, je porte tout ça en moi, encore maintenant, même à la retraite, un cancer de la prostate plus tard. Tu étais la Maman Grète dont je ne devais pas parler et donc, d’une certaine façon, une honte, une tache sur mon histoire. Tu ne méritais pas cette infamie et je ne méritais pas cette culpabilité diffuse. La peur d’une autre maladie grave m’a amené à reprendre des séances de psychothérapie pour m’aider à décanter ces choses en moi. J’en ai tiré cette conviction : je devais affirmer haut et fort tes qualités, ta nature, ton histoire. Pour m’y aider, je ne suis pas sans outils.
Premièrement la généalogie. Danielle déjà, ma femme et la compagne de ma vie, avait entrepris la première une vaste et passionnante étude des origines de sa famille, à laquelle je suis largement associé. Quand j’ai senti mon père décliner, qu’il me racontait des choses sur des personnes de sa parenté, j’ai ressenti le besoin de reprendre dès 1999 le flambeau de la mémoire et de m’atteler à mon tour à l’histoire familiale. Pour une large partie, c’est ton histoire, Maman Grète , et celle des tiens.
Deuxièmement, seul héritier au décès de ton frère, mon cher oncle Jacki , je me suis retrouvé en 2007 à la tête de la maison familiale bâtie par tes parents. Comme ceux-ci étaient très conservateurs, j’y ai retrouvé des trésors de souvenirs : albums de photos et négatifs, tes cahiers d’écolière, ton journal intime d’adolescente, le journal de ta mère couvrant la période de 1917 à 1943 et toute la correspondance familiale dont tes lettres de France à tes parents et à Jacki , de 1947 à mars 1953.
Tes lettres en disent long sur ta personnalité, ton intelligence, ta culture, tes talents manuels et artistiques, ton dévouement, ta droiture morale, ton amour des êtres, particulièrement des enfants, ton humour, ta gaieté. Elles sont beaucoup plus discrètes sur tes moments d’abattement, ceux qui causeront finalement ta perte car tu ne veux pas trop inquiéter les tiens restés à Hambourg . Mais telles quelles, elles sont une source inestimable de connaissance de toi, de ma propre préhistoire et de l’histoire de mes débuts. Ces lettres sont en allemand, bien sûr. Leur style m’est très familier. J’aurais presque pu les avoir écrites moi-même (sauf que mon écriture est moins belle et régulière). Il est vrai que pour partie j’ai eu les mêmes éducateurs que toi en séjournant très jeune de longs mois chez tes parents. L’esprit de ta famille est en moi également.
Tu avais choisi de venir en France pour partager la vie de Rémy , ton grand amour, et pour être éducatrice d’orphelins de la Déportation . Je suis maintenant en contact avec certains d’entre eux qui t’ont connue et peuvent me parler de toi, ce qui me fait beaucoup de bien car tu ne leur as laissé que de bons souvenirs. Sur la suggestion pressante de l’un d’eux, j’ai entrepris la traduction en français de tes quelque cent cinquante lettres de France. Traduire, c’est autre chose que simplement lire et dresser un inventaire. Je me pénètre beaucoup plus profondément de ton esprit et de tes sentiments. J’y puiserai aussi une partie importante du matériau dont est fait ce livre, en complément de mes recherches sur notre généalogie et sur l’histoire de notre famille.
1 . Je mets en italiques les surnoms et pseudonymes en usage dans la famille, ainsi que les termes en langue originale ou tels qu’ils sont écrits, dits ou pensés.
2 . Certaines sources font découler Magali de Magdala , donc Madeleine.
Ton histoire
Tes débuts dans la vie

Grete et ses parents
Tu viens au monde sous le nom de Grete Meitmann 3 , sans autre prénom, le dimanche 2 septembre 1923 à 3 heures 15 à la Frauenklinik (Clinique de la Femme, donc maternité) de Kiel en Allemagne . C’est la ville où sont nés tes parents et où naîtra également ton frère Jacki 4 , deux ans plus tard. Quand je racontais à mes camarades de classe que je passais mes vacances à Kiel , ils disaient invariablement : « Ah oui, Kehl , près de Strasbourg . » Eh non, malgré la ressemblance de prononciation (Kiel se prononçant avec un « e » muet), ils n’y étaient pas du tout. Je n’ai jamais compris pourquoi cette métropole régionale de pratiquement deux cent cinquante mille habitants reste totalement ignorée des Français. Alors qu’elle est la capitale du Land de Schleswig -Holstein situé tout au nord de l’Allemagne, près de la mer Baltique , et qu’elle est même jumelée avec Brest . Tes parents, bien que descendants de protestants luthériens, étaient socialistes et anticléricaux, c’est pourquoi tu n’as pas été baptisée. Mais tu le seras pendant la période national-socialiste, par obligation légale.
Ton prénom Grete , diminutif de Margarethe, le même que porte celle dont le Faust de Goethe est amoureux, n’a pas été choisi sans raison. C’est celui du premier grand amour de ton père, avec qui il aura entretenu une intense correspondance amoureuse pendant toute la durée de la première guerre mondiale, tandis qu’il combat au front. Cette autre Grete a renoncé à lui peu de temps avant son retour dans ses foyers, lui causant un grand chagrin d’amour. Est-ce que ça n’est pas un peu lourd, même inconsciemment, d’être en quelque sorte un enfant de remplacement pour un amour perdu ? Ces voies-là ne sont guère pénétrables mais je ne peux pas m’empêcher de penser que le choix de ton prénom pèsera pour une partie sur ton destin ultérieur.
Sur ton acte de naissance, fondé sur un communiqué de la direction de la Frauenklinik , ton père Karl Meitmann , trente-deux ans, est dit auxiliaire de la police. Il est en fait commissaire politique chargé d’intégrer la police du Schleswig -Holstein dans la toute nouvelle République de Weimar . Ta mère, la belle Else Meitmann , née Adam, a alors vingt-et-un ans et une formation de dessinatrice de meubles et architecte d’intérieur. Après un an de mariage, tu es leur premier enfant.

Kiel Hasseldieksdammer Weg 217 en 1925
Vous occupez un logement dans un faubourg à l’ouest de la ville, apparemment dans un pavillon comprenant un magasin coopératif, d’après

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