Marie, un peu de biais
276 pages
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Marie, un peu de biais , livre ebook

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Description

Marie, une jeune femme « de bonne famille » mène une vie à la dérive jusqu'au jour où elle atterrit dans un centre de soin. Elle arrête l'alcool, les drogues et ses petits voyages « à l'ouest ». Elle essaye la vie autrement. Elle écrit "Marie, un peu de biais", un roman pour essayer de comprendre comment les choses ont pu aller autant de travers. Il s'agit d'une « autobiographie anonyme », un livre où tout est aussi vrai que l'auteure est capable de voir, sauf qu'on ne sait pas qui elle est, parce qu'elle se dit qu'elle a bien le droit de parler d'elle, mais pas forcément de nommer tous les autres autour, qui n'ont rien demandé. Sous un autre nom, Marie de Biet a été journaliste et cinéaste. Aujourd'hui elle est éducatrice.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 novembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342016956
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marie, un peu de biais
Marie de Biet
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Marie, un peu de biais
 
 
 
À Ben
 
 
 
Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur
Jean Cocteau
 
 
 
Ma petite entreprise égocentrique
 
 
 
Chez moi, on s’autoproclamait « de bonne famille ». Avec ça, ma sœur va à l’hôpital de jour depuis des années, où elle a pu tranquillement ne soigner aucune de ses phobies et se livrer à sa potomanie.
Ma mère est une vieille dame affreusement déprimée, elle ne mange presque pas, ne répond pas au téléphone, n’ouvre pas les volets, ne se lave pas.
Son frère, jeune, a connu les hôpitaux psychiatriques et les électrochocs (c’est comme ça que ça s’appelait ; aujourd’hui on dit « sismo » pour sismothérapie ou ECT, qui fait moins peur qu’électro convulsivo thérapie), celui de mon père était alcoolique. La sœur de ma mère a été boulimique, et maintenant est atteinte d’une maladie neurologique, la paralysie supra nucléaire progressive (PSP ou maladie de Steele-Richardson-Olszewski). Elle a deux filles, ma cousine bipolaire et celle qui a été anorexique. J’ai aussi ma cousine alcoolique, qui vit toujours chez ses parents à bientôt 50 ans. Son frère s’est sauvé à l’autre bout de la France, alors j’ignore de quoi il souffre. Personnellement j’ai longtemps été toxicomane. Je ne sais pas vraiment pourquoi tout le monde a si mal tourné, mais maintenant je vis tranquillement au milieu de mes questions sans réponses.
J’aurais pu appeler ce livre Dans mon souvenir , ou Avant que j’oublie comme le beau film de Jacques Nolot… Blanche comme neige presque comme un autre film que je n’ai pas vu, mais dont j’ai trouvé le titre épatant, moi qui ai mis tellement de temps à voir ma part dans tout ce qui m’arrivait… Les Illusions perdues étant déjà pris aussi, j’aurais pu l’intituler Le Mauvais Coton , parce que j’en ai longtemps filé… Un peu vite en besogne , car je vais toujours trop vite, Moi moi disait un dindon en souvenir de ma grand-mère … Ma Vie décousue… car ce livre vagabonde, mais Marie, un peu de biais m’a paru le meilleur titre possible.
Je ne suis plus la même qu’avant, pourtant c’est bien moi, Marie Dupond de Biet, nom usuel, Marie de Biet, gémeaux et coq de feu, 53 ans. Donc j’y vais ! Avant que j’aie tout oublié.
Je ne sais pas si ma mère est atteinte de la maladie d’Alois A. : certains symptômes sont bien là, d’autres pas du tout. Ou pas encore : elle se souvient bien du présent, c’est le passé qui s’efface. À un moment, j’ai fait venir une psychiatre chez elle, qui m’a dit que c’était purement névrotique. Impression parfois que ce n’est pas vrai qu’elle ne se souvient plus de sa vie, qu’il y a un peu de cinéma là-dedans, ou un refus de parler. Ma collègue Gina me dit qu’on fait l’hypothèse que les gens ont la maladie d’A. pour ne pas voir venir la mort, mais alors quel bénéfice a ma mère à ne plus pouvoir se réfugier dans son passé ? Ma sœur est également pas mal déconnectée, et plus elles oublient, plus je tiens à me souvenir de tout ce que je peux. Car je vois bien que je n’apprends plus comme avant, les choses ne s’impriment plus dans mon cerveau fatigué. Passé trois mois en Angleterre à travailler. N’y ai appris que deux ou trois mots (dont l’indispensable calin , qui se dit a cuddle ) Je n’apprends presque plus rien si ce n’est à vivre… ce qui bien sûr est loin d’être rien. Je me sens mieux aujourd’hui qu’à dix, vingt, trente, et quarante ans.
J’ai commencé l’écriture de ce livre l’été de mes cinquante ans. Il parle de moi, et au passage de gens qui ont interféré dans ma vie, ou avec qui j’ai interagi. Ce que je dis des uns ou des autres est juste mon point de vue. Quelqu’un d’autre en aurait un totalement différent, forcément. Même moi, à un autre moment, je n’aurais pas eu celui-là. J’ai écrit ce livre pour essayer d’y voir plus clair, parce que je ne sais pas grand-chose de qui que ce soit, à commencer par mes parents. Encore bien moins des générations au-dessus, forcément.
De ma mère, qu’elle est née en 1933, le jour des morts, dans l’appartement loué par ses grands-parents maternels, à deux pas de la Tour Eiffel. Qu’elle aimait son père plus que sa mère. Laquelle mère avait une préférence évidente pour Jeanne, la dernière de ses quatre enfants (et par ailleurs respectait le droit d’aînesse comme si la Révolution Française n’avait jamais eu lieu, et voulait par conséquent toujours favoriser son fils Louis). L’autre frère de ma mère, Martin, de deux ans son cadet, était mort adolescent d’une occlusion intestinale, si bien que des trois enfants qu’il restait à ma grand-mère, ma mère était à la fois la moins aimée de sa mère et la moins protégée par elle. En revanche, je pense qu’elle était aimée de son père, un homme drôle et désespéré, en tout cas quand je l’ai connu, et qui avait réussi à dilapider la fortune familiale en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Ma mère ne pardonnait pas à sa mère d’être ce qu’elle était mais elle aimait son père comme il était. Pourtant il était loin d’être parfait. J’en déduis qu’elle l’aimait de se sentir aimée de lui. Quand je lui demande pourquoi elle reproche des choses à sa mère et rien à son père, qui ne sont par exemple ni l’un ni l’autre venus à son mariage avec mon père, elle répond que c’est sa mère qui décidait de tout et que son père ne faisait que suivre. Je pense qu’elle se raconte des contes et qu’elle pourrait aussi bien en vouloir à son père de sa lâcheté. Il lui avait offert dès qu’elle a su conduire, une petite bagnole qu’il a peu de temps après, revendue sans la prévenir. Il faisait ce genre de choses, c’est comme ça. Il n’a jamais travaillé de sa vie. Comme ma mère avant moi, et ma cousine Laetitia après moi, j’ai été fan de cet homme. Paul était quelqu’un de particulier. Ses bons mots circulaient dans la famille, dont il était le chef (c’est-à-dire l’aîné de la branche aînée). Vers onze ou douze ans, j’avais écrit un petit livre illustré sur lui. Un hommage de quelques pages, sur papier vert pomme. Il était si maigre, que lorsqu’il était assis, il mettait l’endroit arrondi de sa canne, où normalement on met sa main, en haut de sa cuisse, et ça flottait encore. Il était là, toute la journée, à un peu piquer du nez, ou écouter la radio, inspecter le catalogue de Manufrance (armes et cycles de Saint-Étienne) fumer quelques bouffées de Gauloises bouts filtres, ou bien manger un unique carré de chocolat noir suivi d’un unique pruneau. Et soudain, il disait Elle m’emmerde cette femme-là, et nous demandions en chœur Mais quiiiiiiii ?
Là, il prenait un air évasif. Ma sœur n’aimait pas son grand-père car pour elle c’était évident qu’il parlait de sa femme et elle trouvait ça désobligeant, et bien ingrat puisqu’elle le faisait vivre depuis des années.
Chaque soir il dînait d’une assiette de flocons d’avoine bien liquide, avec beaucoup de sucre. Lui disait porridge . Si je voulais lui préparer quoi que ce soit d’autre, lorsque nous étions ensemble, il disait : Je t’en supplie, ne prends pas d’initiative… ce qui me vexait. Son œil vert brillait. Des fois, il ouvrait la bouche comme s’il allait se mettre à siffler sauf qu’il ne sifflait pas. Avant d’être tout à fait âgé, à Mérivieux, il se taillait des cannes dans des branches, qu’il épluchait avec son couteau. Puis il marchait en élançant sa canne bien haut devant lui. Et tandis qu’il nous déposait tous à la messe, il allait au café, lire Le Progrès . Un 14 juillet, la jeune serveuse lui avait dit : Vous allez danser ce soir ? Je vous tiendrai votre canne.
Sa femme Lorraine est devenue sur le tard secrétaire d’Albert Mottut ancien député et ancien ministre. Elle savait la sténo. En 1973, ou bien un peu avant, et grâce à un piston d’une nièce éloignée, elle est entrée au Ministère de la Santé, où elle pensait que personne n’avait remarqué qu’elle avait dépassé l’âge de la retraite depuis un bail. Elle avait plus de soixante-dix ans et faisait à mi-temps tous les matins une revue de presse, travail qui consistait non pas dans le choix des articles, mais à découper ceux marqués d’une croix par un supérieur, et à les coller dans un registre. Ensuite elle déjeunait à la cantine. Quand on lui demandait si c’était bon, elle répondait ça coûte quatre francs, d’un air emballé. De toute façon, ça ne pouvait pas être plus mauvais que les repas qu’elle préparait. Ses pâtes étaient comme de la colle. Elle proposait toujours le fromage râpé quand on en était au fromage blanc, voire à débarrasser la table. La seule chose qu’elle ait jamais su faire est le pot-au-feu, unique usage de sa cocotte-minute, mais qu’elle gardait pour les grandes occasions. Sinon, elle n’avait guère le temps. Parmi ses nombreuses activités, elle ramassait les longs mégots de Gauloises filtres que laissait mon grand-père et les dépiautait pour rouler de nouvelles cigarettes avec, pour les nécessiteux. Elle faisait les choses à l’ancienne, nettoyait les cuivres avec du papier journal, du citron et de l’huile de coude. Elle en avait à revendre car elle avait joué au tennis toute sa vie, et même une fois à Roland Garros, en double. Pas sur le court central, mais quand même. Grâce au RER A, qui a vu le jour dans les années soixante, elle partait le samedi pour Bry-sur-Marne, où elle jouait toujours au tennis dans un club, avec Dartichenet, un ami presque aussi vieux qu’elle et que nous appelions « d’artiche ». Artiche (n.f.) (argotique) argent liquide , espèces, liquidités , monnaie , numéraire , pé

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