Misia Sert et Coco Chanel
89 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Misia Sert et Coco Chanel , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
89 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Égérie, muse, Misia Sert fut une femme incontournable du milieu artistique du début du XXe siècle. Modèle des peintres Renoir, Bonnard, Vallotton, elle fut mécène d’avant-garde pour Serge Diaghilev et ses Ballets russes, proche de Max Jacob et de Pablo Picasso. Misia a aimé, croisé, aidé nombre de figures marquantes de cette période d’effervescence créative, dont La Revue blanche s’est faite l’écho. Amie de Coco Chanel, elle a su, comme elle, séduire et prendre des risques pour jouer de la vie. Ces deux figures emblématiques de leur temps vont parcourir un long chemin d’amitié, tapissé de roses et d’épines, scandé d’escapades à Venise. De quoi sceller des destins incomparables dans une époque inouïe.Dominique Laty est l’auteur de nombreux livres sur l’histoire du corps et le bien-être dont Le Grand Livre de la forme, Le Régime des pâtes et Petits Plats raffinés en 20 minutes chrono.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2009
Nombre de lectures 8
EAN13 9782738194039
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, MAI 2009
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9403-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
« Il est impossible d’imaginer […] l’univers ensoleillé de Renoir, de Bonnard, de Vuillard, de Debussy, de Ravel, les projecteurs prophétiques de Lautrec, le prisme mallarméen […] sans voir surgir la figure de jeune tigre enrubanné […] que nous vîmes à Misia le soir où nous la connûmes sous l’aigrette de la Shéhérazade, trônant au centre de la loge royale du Ballet russe et peuplant de son fluide […] des danses violentes, comme jadis, les jardins impressionnistes, pailletés de soleil. »
Jean C OCTEAU
Chapitre premier
Lever de rideau

« Nous n’aimons les gens que pour leurs défauts. Misia m’a donné d’amples et nombreuses raisons de l’aimer. »
Gabrielle C HANEL

J’ai rencontré Misia dans la biographie de Renoir écrite par son fils, Jean. J’aurais dû auparavant faire attention à elle, mais je n’étais sans doute pas prête à cette rencontre. Pourtant, cette femme m’était déjà apparue au fil de certaines lectures, notamment dans L’Irrégulière ou mon itinéraire Chanel d’Edmonde Charles-Roux, où elle est qualifiée pourtant de « souveraine ».
 
Ce soir-là, je lis.
Cette fin d’après-midi présage un beau coucher de soleil. Je suis disponible. Son prénom me plaît aussitôt. Le fait que Renoir ait eu une prédilection pour ce modèle attise ma curiosité. Dès lors, je me mets à suivre sa trace comme le ferait un détective. Minutieusement.
Pour cela, je cherche une nouvelle place dans l’une des salles de lecture de la grande Bibliothèque nationale de France. Le lieu est différent. Je ne suis plus rue de Richelieu comme autrefois puisque la bibliothèque a déménagé dans le XIII e  arrondissement.
Pour accéder aux salles réservées aux chercheurs, il faut emprunter des escalators, descendre dans un espace gris auquel les décors en cotte de maille donnent une allure de château fort, passer d’une ambiance carcérale à celle d’un cloître, en rez-de-jardin. Élégamment arboré le patio, autour duquel les lecteurs déambulent, me plaît. Je suis moins déconcertée que lors de ma première visite à l’ancienne bibliothèque.
Je prends ma place en salle R, au numéro attribué par l’ordinateur, et clique sur le nom de cette inconnue qui m’attire comme un aimant. La cote de son autobiographie m’apparaît. C’est une microfiche. Je commence donc par là et découvre celle dont l’accent chantant, le port de reine, l’assurance autoritaire et la séduction ont mis beaucoup d’hommes à ses pieds. Anticonformiste, musicienne, éprise des arts en général, cette Polonaise est dotée d’un fichu caractère. Cependant, elle a tant de charme que, moi aussi, je succombe.
 
Immergée dans le monde de cette figure emblématique du début du XX e  siècle, je fréquente ses amis au travers d’écrits divers. Henri de Toulouse-Lautrec, Pablo Picasso, Maurice Ravel, Édouard Vuillard ont tous été, avec plus ou moins d’intensité, épris d’elle. Mais il s’agit là d’amitiés amoureuses dont elle a le secret.
Cette femme est paradoxale. Dans ses lettres, Paul Morand la décrit comme une personne effervescente, portée aussi bien sur l’enthousiasme que sur la fureur, une glaneuse de génies, une personnalité qui peut exceller aussi bien dans la cruauté que dans la générosité. L’écrivain porte un regard sévère sur Misia, néanmoins il admire son courage car, marquée par un destin tragique, elle sait garder la tête haute en toutes circonstances.
Étonnante, cette égérie est capable de lubies que les dames du monde s’ingénient aussitôt à recopier, même si elles paraissent un peu grotesques aux yeux de certains. De ce fait, elle a lancé des modes comme celle des arbres nains composés de coraux, des objets en coquillages, des cheminées drapées dans des tissus précieux, des collages. À l’occasion du mariage des époux Rubinstein, elle compose un tableau représentant un assemblage de papillons et de plumes. Elle réalise aussi des bagues baroques avec de grosses pierres semi-précieuses, enchâssées dans des résilles d’or. Un temps, elle travaille pour la boutique d’une amie, non loin de Saint-Roch, à l’enseigne d’une grenouille.
Trois hommes ont beaucoup compté dans la vie de la jeune femme. Ce sont ses maris. Deux autres ont été ses amants. Toutefois, ces derniers ne l’ont pas marquée. La précarité de leur passage a signé leur insignifiance dans son existence. Amants de service, Romain Coolus et Henri Bernstein ont seulement été en transit, le temps qu’une blessure se ferme. Comme elle venait d’être quittée, Misia a pris ces hommes pour éviter de sombrer dans le désespoir, comme on prend un train. En vitesse.
Misia voulait fourbir ses armes pour ne plus être désarmée, apprendre pour dominer les situations et endormir sa pensée. D’autre part, elle commençait à se méfier de ses élans. Les attitudes affectueuses de ses amants la touchaient mais aucun ne fut réellement à la hauteur de la situation. De toute façon, la griserie de cette vie émotionnelle ne lui fit jamais oublier les pièges de l’amour. Elle souhaitait se protéger des dérives sentimentales inutiles pour ne pas tomber amoureuse d’un homme alors qu’elle éprouvait seulement un déficit affectif passager.
 
Misia apparaît dans Thomas l’imposteur de Cocteau. Elle y incarne la princesse de Bormes qui joue de la vie comme du piano et dont le devoir est avant tout le plaisir. Une aristocrate qui ne supporte aucun échec, une élégante sur laquelle les fausses perles paraissent véritables, une snob qui n’aime ni les pauvres, ni les malades et s’entiche d’un certain Guillaume Thomas.
Guillaume devient le talisman de la princesse, mais il la déçoit par sa fatuité, ses fautes de goût, ses mensonges, ses réflexions de parvenu. Au fil de leurs discussions, elle se rend compte que, sous le charme apparent, se cache un manque d’éducation, de classe, d’intelligence et de culture évident. Le vernis du jeune ambitieux se craquelle vite pour ne laisser place qu’à la médiocrité. Guillaume est dénué de cette exigence de l’esprit qui retient la princesse. Sa conversation est aussi creuse que son esprit est vide. Très sûr de lui, cet adulte encore adolescent se vante d’être une canaille, alors qu’il est une crapule. Il se croit maître en fourberie, mais n’est pas Scapin qui veut !
On retrouve cette héroïne dans Comédies de notre temps d’Alfred Savoir, Le Lierre de Pierre Brisson, Le Foyer d’Octave Mirbeau, Les Monstres sacrés de Jean Cocteau et de nombreux journaux. Des Goncourt, de Paul Claudel, de Sidonie Colette, d’Aurélien Lugné-Poe, de Jules Renard. Certaines mémoires parlent aussi d’elle, celles de Stravinski et de Rubinstein notamment. De même, tous les ouvrages qui racontent cette époque, avec plus ou moins de brio. Et ils sont légion.
 
Récemment, plusieurs événements ont mis les années 1920 en lumière. La célébration de la mort de Jean Cocteau, l’édition des biographies de Paul Morand, Jacques-Émile Blanche et du journal d’Ambroise Vollard, un téléfilm sur Colette, une exposition sur Lee Miller et José Maria Sert, la sortie d’un livre sur Zelda Fitzgerald couronné par le prix Goncourt 2007, la parution de l’intégrale de Marcelle Meyer. Dix-sept disques compacts pour révéler toute la musique de la pianiste enregistrée entre 1925 et 1957. Sans oublier l’achat d’une toile de Félix Vallotton, datée de 1898, par le musée d’Orsay en 2004, qui montre Misia debout devant sa coiffeuse.
Ce modèle me conduit à Max Jacob, Max à Pablo Picasso, Pablo à Serge Diaghilev, Serge à Gabrielle Chanel, Gabrielle à Pierre Reverdy, Pierre à Jean Cocteau, Jean à Raymond Radiguet. Dans cette longue chaîne de talents, dont je décide de remonter les maillons un par un, une femme émerge.
Différente de Misia par son physique et ses origines, Gabrielle Chanel est comme elle, élitiste et perfectionniste. Toutes les deux sont éprises d’art et de culture. L’une et l’autre, séductrices, savent prendre des risques pour jouer de la vie comme de l’aiguille ou du piano. Ces deux femmes vont parcourir un long chemin d’amitié, tapissé de roses et d’épines. De quoi celer deux destins incomparables dans une époque inouïe.
En effet, les années 1920 voient émerger un monde nouveau. Paris s’éveille des décombres de la guerre et s’enfièvre. C’est la capitale la plus captivante du moment. Gertrude Stein, James Joyce, Juan Gris, Max Ernst, Marc Chagall veulent s’y installer. Leurs œuvres présagent une ère nouvelle.
La musique annonce les notes du jazz, la danse se modernise, les tutus raccourcissent. Les bijoux se font flexibles comme des tuyaux de gaz car les femmes souhaitent les porter du matin au soir. Ils se prêtent à des compositions originales, s’enroulent autour des doigts ou des poignets sans se fermer. Joséphine Baker – dont la première piscine parisienne du XXI e  siècle porte le nom – ouvre un cabaret. La culture africaine est à l’honneur. Comme les Arts premiers aujourd’hui.
Et Misia par sa vie rocambolesque, ses choix artistiques, fait toujours partie de notre décor. Comme Coco Chanel, « sa plus proche amie », elle est entrée dans la légende, fascine encore, plaît et attire tous ceux qui veulent comprendre à la fois une séductrice et son époque.
Chapitre 2
Hôtel Costes

« Il faudrait un peu louer ces femmes bouillantes et profondes qui vivent à l’ombre des hommes d’une é

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents