Mon Petit Rat...
296 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Mon Petit Rat... , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
296 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mon mari et nos trois enfants avons vécu heureux jusqu’au 11 décembre 2005, jour où le plus jeune de nos fils, Romain, a mis fin à ses jours, d’un coup de fusil de chasse. Ce jour-là, notre famille a explosé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 février 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332652690
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-65267-6

© Edilivre, 2014
Mon Petit Rat…
Mon Petit Rat
Puisque tu étais toujours et resteras désormais à jamais le « Petit Rat  » de ton enfance. Tiens j’y pense, Olivier est aussi toujours le « Biquet  »  ; il n’y a que Marie-Aude « La Lune », qui a perdu son surnom, ça ne doit pas aller aux filles qui grandissent.
Nous sommes aujourd’hui, quand je commence ces lignes, le 18 janvier 2006. Voilà 38 jours que tu as choisi ton destin, nous laissant sur le bord de la route, désemparés, désespérés, Maman, Olivier, Marie-Aude, toute la famille, tes amis, tes copains.
Aucun de nous n’a pu, n’a su te retenir, n’a compris l’indicible souffrance qui t’emportait de jour en jour, pour devenir encore plus insupportable que la pensée de celle que tu allais infliger à tous ceux que tu aimais, à tous ceux qui t’aimaient.
Tu devrais être en train de te préparer à faire la fête avec les copains, j’en connais qui doivent être bien tristes ce soir. J’aurais sans doute dû courir à la recherche de quelque BD ésotérique, ou de quelque nouveau dictionnaire du cinéma ; mais voilà, ce soir je pleure les 25 ans que tu n’auras jamais, tu garderas pour toujours ton air d’éternel adolescent.
Je revois la fin d’après-midi de ce dimanche heureux du 18 janvier 1981, où nous avons dû quitter précipitamment Saint-Julien-l’Ars pour déposer Olivier et Marie-Aude chez les Bories et arriver juste à temps au C.H.U. pour ta naissance. Tu étais pressé de vivre, comme tu l’auras été de refermer la courte boucle de ta vie. Toujours un dimanche, toujours dans ce même C.H.U., mais pas au même étage ; du 9 e au sous-sol, du paradis à l’enfer.
Nous ne nous serons pas beaucoup parlé, sûrement pas assez. Nous étions plutôt du genre taiseux tous les deux, détestant les questions et abrégeant les réponses, mais on s’aimait sans se le dire. Comme dirait César : «  C’est pas des choses qu’on dit chez nous !  ». Mais mon Marius à moi est parti bien au-delà des mers australes, la « Malaisie » qui me l’a emporté ne rentrera jamais au port.
Je crois que tu savais pouvoir compter sur moi, que, comme le père des « bacheliers » de Brassens, quoi que tu aies fait, je serais allé te chercher au bout du monde… J’aurais dit : «  Bonjour le petit !  », tu aurais répondu : «  Bonjour le père !  » et tout aurait été dit. Et pourtant je n’ai pas su entendre ton appel ; je n’ai pas été fichu de venir te chercher à Angoulême, à quatre pas de la maison.
Dans L’arbre de Noël , le très beau livre de Michel Bataille - dont on a tiré un médiocre film, malgré Bourvil -, le grand médecin qui annonce au père, qui hurle sa colère et sa douleur, que son petit garçon de 10 ans n’a plus qu’un an à vivre, lui dit à peu près : «  Considérez que vous venez de naître avec un enfant de 10 ans, pensez plutôt à la chance qui vous est donnée d’avoir une année entière à vivre avec lui. Amusez-vous, soyez heureux ! Vous auriez pu ne pas avoir un seul jour.  ». Je découvre aujourd’hui combien il avait raison, moi qui n’ai pas eu ce seul jour.
Alors j’écris, pour revivre ce temps de la rentrée à ce jour fatal de décembre, essayer de comprendre l’enchaînement des choses, même s’il est trop tard pour détourner la marche inexorable, et si rapide, du destin. C’est aussi ma façon à moi de rester encore un peu près de toi ; un travail de deuil en quelque sorte. J’ai assez ri de ce cliché qui fait recette dans les gazettes et les journaux télévisés pour en mesurer, aujourd’hui, tout le poids. Mais peut-on jamais faire le deuil d’un enfant ?
C’est aussi pour que ceux à venir - pour qui tu ne seras qu’un prénom évoqué à voix basse - sachent qui tu étais et ce qui t’a conduit si jeune dans ce petit cimetière, perdu au milieu de la campagne. J’aurais aimé écrire le livre de ta vie, mais je n’en ai pour l’instant ni le courage ni le talent ; peut-être un jour, plus tard.
À notre retour d’Espagne, la rentrée semblait s’être bien passée. Sommes-nous allés manger à la pizzeria ce soir-là ? Tu t’étais acheté un meuble hi-fi, des étagères, un tapis ; tu t’installais dans ton appartement et dans la vie, tu projetais de changer ta moto, tu m’as demandé comment marchait le dépôt-vente qu’on te proposait chez Moto Passion.
Le premier week-end des vacances de Toussaint, tu voulais venir au moulin avec moi, mais je rentrais dès le dimanche soir ; comme tu pouvais y rester quelques jours, tu es finalement venu avec la nouvelle Clio le dimanche 23 octobre. Bien sûr, tu es arrivé à 3 heures de l’après-midi - Dieu sait par quelle route -, assez tôt quand même pour aller chercher Marilyne et Vincent au train, à Caussade.
Je crois bien - Est-ce pour ça que tu voulais faire le voyage ? - que c’est la dernière fois que je t’ai vu heureux, que tu as vécu là les deux ou trois derniers jours de bonheur de ta vie, à courir et pédaler dans la campagne, à jouer et rire avec Vincent, même si tu as parlé à Marilyne du stress du stage qui s’annonçait. Cette angoisse l’avait étonnée ; toi d’ordinaire - en apparence du moins - si détaché.
Il est facile, après coup, d’interpréter comme des signes ce que l’on n’a pas vu comme tels sur le moment. Mais c’est vrai quand j’y repense, qu’après la Toussaint, quelque chose en toi a changé, il y avait comme un voile de tristesse qui passait parfois dans tes yeux, mais je mettais ça sur le compte de la fatigue de la préparation de ton stage, qui n’avançait pas comme tu voulais, à ce que j’avais cru comprendre de tes bribes habituelles de réponses.
Dimanche 13 novembre, tu es reparti dans l’après-midi pour Angoulême. À maman qui te souhaitait bonne chance pour ton stage, tu as répondu qu’il serait vite fini car tu n’avais qu’une journée de cours de préparée.
On a pensé sur le moment que tu exagérais ; que tu parlais, comme souvent, au 2e degré et que, comme d’habitude, tu t’en tirerais pas trop mal. Et pourtant, «  aléa jacta es  », comme tu as dit dans un message à Julie ce même jour. Le compte à rebours venait de commencer, le destin était en marche. Tu es parti au combat comme un brave petit soldat, qui sait pourtant qu’il n’en reviendra pas.
Je m’étais dit, à l’époque, que je me souviendrais de ce mardi 15 novembre où tout paraissait marcher à l’envers. Je ne figurais pas au mouvement des conservateurs paru le matin. En rentrant de Loches, je me suis payé un cerf sur la route, et puis le soir je t’ai appelé ; tu nous avais demandé de ne pas t’appeler le lundi.
C’est là que tu m’as dit que tu arrêtais le stage, que tu étais incapable de continuer dans cette voie, qu’à l’école tu avais toujours eu l’impression de perdre ton temps, que tu ne voulais pas reproduire ça avec les enfants, leur apporter autre chose, mais que tu ne savais pas comment, que tu ne t’en sentais pas capable, que tu allais démissionner. Tu m’as dit : «  Je sais ça paraît fou, ça peut pas se comprendre, je peux pas t’expliquer.  ».
J’ai dû te dire que ce n’était pas si grave, que ton avenir - je crois même que j’ai dit « ta vie » - ne se jouait pas en une seule journée de novembre, qu’un échec permettait souvent de mieux rebondir, que tu aurais dû prendre conseil auprès des copains et de l’équipe pédagogique sur tes difficultés à préparer le stage, que tu avais choisi ce métier, qu’il fallait prendre le temps de la réflexion avant de démissionner et que, si c’était finalement ton choix, ce n’était pas bien grave, qu’il y avait d’autres activités dans la vie que l’enseignement.
Sur le moment, même si dans notre longue conversation au téléphone j’avais bien compris qu’il n’y avait pas que ça - j’ai d’ailleurs dit à maman que tu nous faisais une sacrée déprime -, nous avons pensé que c’était surtout l’échec matériel de la préparation du stage - que nous mettions sur le compte de ton manque d’organisation, de recherche de conseils - qui t’affectait dans ton amour-propre d’habitué de la réussite.
La directrice t’a fait mettre en congé de maladie pour la semaine ; tu es revenu à Poitiers, tu es sorti avec les copains, ça nous a un peu rassurés, nous avons reparlé de ton stage bien sûr et j’ai commencé à comprendre - sans en mesurer, hélas ! suffisamment la violence - le conflit qui s’agitait en toi entre ta vocation pédagogique, l’idée que tu t’étais faite de ce métier, et les conditions concrètes de son exercice telles qu’on te les proposait, et que tu te sentais incapable d’assumer.
Tu m’as redit que jusqu’ici, dans ton cursus scolaire, tu t’en étais toujours tiré en faisant le minimum de ce que tu savais que l’on attendait de toi, que tu ne voulais pas amener les enfants à reproduire ce comportement avec toi, que tu voulais leur apporter autre chose mais que tu ne t’en sentais pas capable.
Je t’ai dit que tout métier avait ses règles, auxquelles il fallait bien faire, au moins, semblant de s’intégrer. J’ai dû te dire que ça fait 30 ans que je fais semblant dans un métier qui ne m’a jamais intéressé, que tu ne pouvais pas refaire à toi tout seul la pédagogie d’un seul coup mais, qu’avec l’expérience, tu pourrais y apporter ta propre démarche ; qu’on pouvait aussi exercer ce métier différemment, que tu pourrais opter pour la coopération, en Afrique par exemple, où les enfants ont besoin de ce minimum de savoir qui permet de progresser.
Je t’ai redit, mais hélas ! pas suffisamment fort sans doute, que si c’était un simple échec matériel, ce n’était pas grave, que ça pouvait se rattraper mais que, si c’était un problème de fond sur l’approche et l’exercice de ce métier, alors il fallait t’arrêter.
Nous avons discuté, après, avec Mme Boutang, de l’inspection académique, qui nous a proposé de nous rencontrer, si nous le souhaitions, pour nous parle

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents