Notes d’audience ou Les Mémoires d’une « tribunaliste »
94 pages
Français

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Notes d’audience ou Les Mémoires d’une « tribunaliste » , livre ebook

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Description

Si, pour Victor Hugo, dans le prologue de Lucrèce Borgia, le théâtre est une tribune, pour Agnès Lazès – magistrat honoraire – le tribunal pouvait sembler être un théâtre.

Avec des références et des métaphores poétiques ou théâtrales, elle nous livre les souvenirs surprenants et souvent drôles de plusieurs dizaines d'années de présidence d'audiences correctionnelles, en prenant soin de garder pour elle la face sombre de ces « représentations ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 juin 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414211814
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-21179-1

© Edilivre, 2018
Dédicace

Pour Lucienne…
Exergue

« Le monde entier est un théâtre et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs »
William Shakespeare Monologue de Jacques « Comme il vous Plaira » – Acte II, Scène 7
« Le souvenir est un poète, n’en faisons pas un historien… »
Paul Géraldy
Prologue
Alors que je préparais mon discours de départ à la retraite, une de mes petites filles, avec l’art du néologisme que possèdent les enfants, me demanda soudain si j’avais toujours voulu faire « tribunaliste ».
Sans doute inspirée par les religieuses de mon école, j’ai d’abord voulu être missionnaire en Afrique et je fis courir ma grand-mère dans tout Lyon pour me trouver un poupon noir.
Indifférente à toutes considérations climatiques, je lui tricotais une ribambelle d’écharpes multicolores et des culottes rouges. Je ne savais rien faire d’autres – ce qui est toujours le cas aujourd’hui.
Il y a quelques années, j’ai voulu renouveler l’expérience au profit de mon entourage. Je parle des tours du cou bien sûr car les culottes en laine ça gratte et superman est passé par là.
Si chacun des récipiendaires fit mine d’apprécier mes œuvres, je note néanmoins que celles-ci disparurent rapidement sous des piles de draps dont elles ne sont jamais ressorties.
Je me demande pourquoi !
Mon poupon ayant défunté tout comme mes poupées qui s’appelaient toutes invariablement Agnès à leur naissance mais que je débaptisais au premier signe de décrépitude à savoir en général un début d’alopécie ou un œil en voie d’énucléation, je me mis à la lecture.
Ce fut d’abord la Comtesse de Ségur – née Rostopchine.
Je ne sais pas si vous avez remarqué mais il y a des mots qui ne vont pas l’un sans l’autre.
C’est ainsi que les pitons sont toujours rocheux, les esquifs frêles et la Comtesse de Ségur toujours née Rostopchine…
Si Camille et Madeleine me semblèrent un peu pimbêches et si je considérais que Sophie n’avait que ce qu’elle méritait, je me pris d’une véritable tendresse pour Cadichon.
Je pense d’ailleurs toujours que les ânes ont les yeux les plus doux mais aussi les plus tristes qui soient.
Je crois que de là est venu cet attrait irrésistible pour les laissés pour compte.
J’aurais pu écrire « Les Mémoires d’un Ane » mais le titre était déjà pris !
Plus tard ce fût « Rémi sans famille ».
Je connais encore par cœur le nom de toute la petite troupe qui l’accompagnait : Dolce – Capi – Zerbino – le Général Joli Cœur sans oublier la mère Barberin et Vitalis.
Plus tard encore, mon jugement s’égara un peu quand je tentais de convaincre mes camarades de collège, à l’occasion d’un exposé, que Fouquier-Tinville n’était pas si affreux que cela.
J’ai cessé d’y croire et surtout je découvre avec effroi que, déjà à l’époque, ce qui m’avait plu c’était l’échange qui avait eu lieu entre l’Accusateur Public et un ci-devant à qui on avait rajouté une particule inexistante :
« Je suis là pour qu’on me raccourcisse pas pour qu’on me rallonge » s’était écrié le candidat à l’échafaud. Séduit, Fouquier-Tinville aurait alors rétorqué « qu’on l’élargisse ».
Comme quoi… !
Avocate m’aurait bien plu et je pense, modestement mais sincèrement, que je n’aurais pas été un mauvais défenseur mais, persuadée qu’il fallait avoir déjà un pied dans la place, moi qui avais surtout les mains dans les navettes de Canut, peu à l’aise avec les questions d’argent et donc d’honoraires, j’y ai renoncé.
J’ai songé ensuite à être éducatrice pour enfants ou magistrat.
En commençant comme Juge des Enfants, j’ai en fait réussi à conjuguer ces deux autres voies.
Cependant, au fil des années et des mutations, c’est à un autre poste que je me suis sentie le plus à ma place.
En effet, après avoir été Juge des Enfants, des Affaires Familiales, de l’Application des Peines, j’ai, pendant plus de 25 ans présidé des Tribunaux Correctionnels.
Ce fût une révélation !
J’ai mis longtemps à réaliser que ce poste mariait en fait deux de mes loisirs préférés à savoir la lecture des romans policiers et le théâtre.
Car c’est bien de théâtre dont il s’agit, avec sa scène, ses costumes, ses personnages, ses intrigues, ses masques, ses illusions, ses mensonges, ses quiproquos, ses revirements, son dénouement.
Certes on retrouve ces mêmes ingrédients en Cour d’Assises, en plus marqués sans doute, mais j’ai trop peu siégé dans cette juridiction pour me permettre d’en parler savamment ce que d’autres ont, au demeurant, fort bien fait.
Par contre, sauf erreur de ma part, il me semble que l’on a moins écrit sur le Tribunal Correctionnel.
Aussi, cette relative déshérence et mon expérience en la matière, m’ont convaincue, poussée en cela vivement par mon entourage familial et professionnel, de combler cet espace.
Mais comment procéder ?
Après réflexion, il m’a semblé que le mieux était tout simplement de suivre le déroulement d’un procès pénal en m’autorisant toutefois des digressions lorsque le chapitre abordé s’y prêterait.
Enfin, il me restait à définir le ton.
Mon goût immodéré pour les bons mots m’a fait choisir la voix de l’humour d’autant que j’avais pris soin, toutes ces années, de compiler les lapsus, drôleries et autres bizarreries rencontrés au cours de centaines d’audiences.
Mais que le lecteur ne s’y trompe pas et n’en conclut pas, trop hâtivement, que cette longue partie de ma vie professionnelle, ne déclencha chez moi qu’un océan d’hilarité et que juger est facile.
Le doute, la perplexité, le désarroi, l’accablement voire l’horreur furent plus souvent au rendez-vous mais j’entends, sauf exception, les garder pour moi.
En guise de première exception, je me permets d’insérer ici, une partie du discours que je fis lors de ma première installation comme Président, discours que j’ai eu la surprise et la fierté de retrouver aux programmes d’universités américaines et canadiennes.

Qu’est-ce que juger ?
* (Juger, c’est d’abord aimé écouter * .
Ecouter tout le monde, les grands et les petits, les riches et les pauvres, les forts et les faibles, le misérable et sa victime avec la même égale attention.
* (Juger, c’est essayer de comprendre.
Comprendre à l’aune de ses connaissances personnelles, tout en s’en méfiant, mais aussi à l’aide des sciences humaines et des techniques scientifiques de toutes sortes.
* (Juger, ce n’est pas s’enfermer dans sa tour d’ivoire.
(Sauf au moment final de la prise de décision)
Mais ouvrir grands les yeux sur le monde et en connaitre tous les aspects sociaux, culturels et économiques.
* (Juger, c’est douter.
C’est douter de tout et d’abord, de soi-même, c’est refouler les préjugés, les rumeurs, les on-dit, les antipathies, et peut-être et surtout les sympathies car juger c’est rendre des jugements ou des arrêts mais non des services.
* (Juger, c’est recommencer inlassablement.
Sans jamais se laisser envahir par le scepticisme, la routine, la lassitude.
C’est n’oublier jamais que derrière tout contentieux, fut-il répétitif et de masse, se cache une histoire unique, sacrée diraient certains.
* (Juger, ce n’est pas chercher à être aimé.
Ni plaire aux uns et aux autres mais seulement être respecté pour la droiture de son comportement, la promptitude sans hâte de ses décisions et la qualité de celles-ci.
* (Juger, ce n’est pas être généreux.
C’est être juste. La générosité est un don qui n’engage que celui qui en fait preuve. La justice est un dû.
* (Juger, c’est appliquer la loi.
Voire l’interpréter mais ne jamais la faire.
La Justice n’appartient pas aux Juges, c’est bien pour cela qu’ils doivent la rendre.
* (Juger, c’est décider avec fermeté.
Mais sans rage, c’est combattre le crime sans haïr le criminel.
* (Juger, enfin c’est élever l’homme.
C’est l’élever à la dignité de citoyen et affirmer sa liberté.
Il n’est de pire mépris que de refuser de juger.
* . cf Pierre Drai, ancien Premier Président de la Cour de Cassation.
Chapitre I Décor et costumes
En écrivant ces deux mots, j’ai envie de m’écrier : « sont de Roger Harth et de Donald Cardwell » mais qui se souvient encore d’ Au Théâtre ce soir  !
Il en est des salles d’audience comme des Tribunaux.
Certaines sont magnifiques et impressionnantes, d’autres modestes, d’autres enfin franchement délabrées.
Je n’ai jamais eu la chance de siéger dans les premières, souvent dans les secondes, quelques fois dans les dernières.
J’ai connu des fauteuils percés, de la moleskine qui tenait avec des punaises, des rideaux tellement fusés qu’ils me restèrent dans les doigts, des parquets grinçants surtout quand un justiciable arrivait en sabot, des escaliers...

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