Perpétuité
118 pages
Français

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Description

«?Avant même de commencer le jeu de la vie, nous étions disqualifiés. Au point où notre provenance suscitait la peur. La stigmatisation a complètement faussé notre rapport à l'autre. Force est de reconnaître la connexion entre le regard social structurant et le passage à l'acte. Car le rapport entre l'image et le discours suit la logique de la visualisation créatrice. Il est nécessaire de se rappeler que l'univers est un procédé d'intrication. Une croyance sublimée peut devenir une réalité ajustée, d'autant plus que seule la vie nous donne l'occasion de devenir meilleurs. On ne vit que parce que l'on meurt, on ne meurt que parce que l'on vit.?» Née dans une famille de treize enfants, Mary Mavande a grandi à Primat, connu pour être le «?quartier le plus pauvre de Saint-Denis de la Réunion?». Échapper au déterminisme social et s'élever au-delà de sa condition de «?jeune de quartier?» grâce à l'éducation, pourtant aux mains de «?l'hégémonie culturelle?», sont les défis de l'héroïne Lise Payet. Un récit criant, sublimé d'une prose philosophique, d'un être qui va à l'encontre d'un avenir déjà tracé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 juin 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342153200
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Perpétuité
Mary Mavande
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Perpétuité
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://mary-mavande.societedesecrivains.com
Remerciements
Ma liberté, longtemps je t’ai gardée, comme une perle rare,
Ma liberté, C’est toi qui m’as aidé à larguer les amarres.
On allait n’importe où, on allait jusqu’au bout des chemins de fortune,
On cueillait en rêvant une rose des vents sur un rayon de lune.
Ma liberté, devant tes volontés mon âme était soumise,
Ma liberté, je t’avais tout donné ma dernière chemise.
Et combien j’ai souffert pour pouvoir satisfaire toutes tes exigences,
j’ai changé de pays, j’ai perdu mes amis pour gagner ta confiance.
Ma liberté, tu as su désarmer mes moindres habitudes,
Ma liberté, toi qui m’as fait aimer même la solitude.
Toi qui m’as fait sourire quand je voyais finir une belle aventure,
Toi qui m’as protégé quand j’allais me cacher pour soigner mes blessures.
Ma liberté, pourtant je t’ai quittée une nuit de décembre,
J’ai déserté les chemins écartés que nous suivions ensemble.
Lorsque sans me méfier les pieds et poings liés je me suis laissé faire,
Et je t’ai trahie pour une prison d’amour et sa belle geôlière .
Georges Moustaki
Avant-propos
À tous les couples : « parent/enfant », « mari/femme », « moi/monde » qui se sont aimés avant…
Il n’appartient à aucune espèce de faire violence à une autre, pour servir son propre dessein.
Si le déterminisme ontologique n’est pas une fin en soi, il en est autrement du déterminisme social, car le monde a été un espace relationnel, et, depuis, nombreux sont ceux qui, pour assurer leur survie, ont voulu et veulent posséder le monde par des jeux de perversion.
Des manœuvres funestes sont employées à l’égard des « mal nés » condamnés à tirer le char des pseudo-héros vers leur règne puissant.
Ce triomphalisme colonial engendre une vie qui ne propose plus rien ; même rêver est problématique pour les « sans 1  ».
La souffrance et la sécurité nous contraignent à nous déposséder.
Dans ce contexte de quête et de vente de soi, l’identité est remaillée pour libérer le chant de la « mêmeté 2  ». Personne ne sait plus où il va ! Le pilotage automatique de l’âme et du corps nous condamne à vaciller entre la dépréciation et l’idéalisation. Il nous fait séjourner dans la prison pour « masse » maudite. La légèreté de l’être laisse ainsi place à l’impossibilité à être.
Le soi devient une demeure fragilisée ; l’amour, un plan Marshall dévoyé.
Puisque la vie est une offrande, tâchons de ne pas l’abîmer par nos violences…
Mary Mavande
Chapitre I. La violence institutionnelle
(Anthony Bront a écrit : « D’autres choses peuvent nous changer, mais nous commençons et nous naissons avec la Famille)
Il n’y a pas d’événements nouveaux, il n’y a que des livres que nous n’avons pas fini de lire.
Si l’impression de récit réchauffé se fait sentir en traversant ces lignes, c’est que ma passion pour le sommeil m’a contrainte de ne pas tout savoir.
I. La famille
« Lise Payet…, Lise Payet. »
Cette voix résonne encore. Autoritaire, plus ou moins balbutiante, et pressée. Inquiétante aussi, mêlant à la fois l’inconnu, au connu, si proche et si distante, au point où je me perds dans son genre. Dès cet instant, juste dans cet appel, l’intensité de cette voix décline que le tout est un et que l’un est tout. Je voudrais tant lui donner un visage, pour le rendre aussi excitant qu’une invitation au voyage, ou justifier la sueur du danger imminent.
Mais le doute invite surtout à ne considérer que les éléments directement sensibles, et à vivre sur cette musique sans se projeter, au risque de déranger un ordre partitionné et de s’exposer à des critiques virulentes. L’élément perceptible (raisonnable) ici c’est que j’avance en silence et que je décline mon identité.
« Lise Payet, j’ai 22 ans, je suis Y’éunionnaise ,
— Pardon, vous n’êtes pas de la Ré-u-nion ?
— C’est ce que j’ai dit monsieur, les habitants de la Y’éunion , ce sont des Y’éunionnais .
— Ah, vous avez toujours ce souci avec les “R”, alors vous irez au fond à droite, couloir 13, cellule 409. »
J’avance lentement, me questionnant encore sur la relation entre la non-prononciation du « R » et le couloir 13. Et dans une certaine mesure, qui est cette voix, qui d’après un fait tire des conclusions d’orientation ? Une prononciation nous relie-t-elle à une dimension particulière ?
À la vue de la cellule, je rebrousse chemin, ne sachant où se cache ce GPS céleste. Cette direction est un sentier pour fugitif. Je détecte que mon statut penchera du côté de l’Homme qui éprouvera, plutôt que de celui qui jouira. Mon ciel ne comptera pas d’étoile, seul un sujet peut contempler. Mes yeux seront toujours dirigés vers le bas car le droit de regard appartient aux Contremaîtres. J’hurle de toutes mes forces, pour faire entendre cette erreur de plan. L’égalité réelle c’est donner le droit à chaque être d’œuvrer pour le statut social qu’il aspire. Mais nous sommes intoxiqués par des paroles qui ne sont plus libératrices. Tous les discours des « rhéteurs spéculatifs » de la cause humaine, sont un début de perversion
Ici, et maintenant, même les murs restent sourds à mes hurlements. Un parfum d’escroquerie majeure flotte sur la décision de ce directeur des vies. 409 et couloir 13, c’est la cellule familiale.
Tout se bouscule à cet instant précis. Je ne sais pas pourquoi je suis là. L’invitation au voyage prend figure d’inculpation. Quel crime ai-je bien pu commettre pour atterrir dans ce lieu macabre ? Ne pas prononcer les « R », est-ce un indice éloquent, un délit flagrant ? Je rejoins Kant, dans le fait que le langage juge et est jugé. Toutefois, il existe encore trop de crimes impunis, pour ne pas augmenter les statistiques des incarcérés. Débarquer dans la vie est une incarcération métaphysique, car cela nous condamne à vivre notre vie.
Je sors repérer ma loterie géographique. Sur un panneau, je lis l’indication : « PRIMAT ». À première vue, l’univers me rappelle l’origine de l’homme. C’est inquiétant d’être à Primat, j’ignore si je suis au début, ou à la fin du cycle de l’évolution. Comme disait la Bible : « Tu es poussière, et à la poussière tu retourneras. » (Genèse, 3, 19.) Je n’ai pas le courage, devant ce mythe du bon sauvage, d’entrevoir la vie tel un cadeau. Au commencement je n’ai rien demandé. « Primat » se définit comme « moins évolué ». Tout ce débarquement prend l’allure d’une mauvaise farce du souverain bien. Comment se réaliser dans un monde qui ne m’appartient pas ?
Je suis condamnée à travailler à la gloire des propriétaires d’une Terre taillée à leur mesure, tout en trouvant ma place. Je perçois déjà l’impossibilité à être. L’ultime sanction monte à ma glande épinale, de manière claire et distincte, comme le voudrait Descartes, j’entrevois « la fatalité ». Je suis un primate qui doit faire preuve de discrétion, de soumission, et d’allégeance aux élus, ceux qui en principe seraient descendus de l’arbre (normalement). Je dois apprendre leur langue, leur histoire. L’école se chargera de nous assimiler. En négresse affranchie, j’ai eu droit à l’alphabétisation. J’accède ainsi au statut d’identité évoluée, le véritable bracelet électronique pour tout colonisé (on nous miroite une liberté, sans nous donner les moyens de déclencher la bombe de l’insoumission). Par conséquent, notre soi-disant « évolution » n’est qu’une personnalité hybride conçue dans les laboratoires de « l’hégémonie culturelle ». La greffe de l’assimilation ne prendra pas chez moi, au grand désarroi de ma mère. J’ai de plus en plus de mal à aimer un pays dont l’hymne national incite à l’usage des armes, un pays qui prône la démocratie, en plaçant le peuple sous surveillance. Où la course à l’enrichissement illicite est devenue une addiction. Où, le dépouillement du territoire, reste une prédilection. Où le maintien de la fracture sociale règnera toujours, et en tous lieux en ultime ambition Politique. L’honorable Pierre Bourdieu, chef de la voyoucratie intellectuelle servira le discours qui légitimera les inégalités sociétales comme allant de soi. Sa théorie sortie droit d’une loge, un soir de nouvelle lune est un accident psychologique, pour tout jeune ambitieux déclassé : « Impossible pour moi d’accéder à d’autres sphères sociales que celle de mes parents. » La signification de Primat fait figure de révélation. Population résignée à l’insertion et au misérabilisme via l’assistanat total. Je comprends aussi cette allusion des autres communes nous qualifiant de «  marmaille 3 commune dofé 4  ».
Cette réalité sociale me condamne à vouloir. Seule issue pour saisir le Monde dans sa compossibilité, son ambiguïté, et son infinité. L’espoir n’est pas un rêve. L’espoir instaure une dialectique entre la volonté comme représentation et la volonté comme construction du Monde. Grâce à lui nous devenons une conscience, capable de résister à la tentation d’exister uniquement en termes de : « avantages matériels et moraux ». L’affection du confort européen nous confine dans ce cercle vertigineux de n’être qu’une monnaie d’échange sans jamais devenir Homme. Ce fameux « devenir » Deleuzien se présentera tel l’éternel mouvement de la pensée dans un récit Dogmatique. Ma conscience naissante me rend agnostique (sans pos

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