Pièces rapportées d une Algérie improbable
254 pages
Français

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Pièces rapportées d'une Algérie improbable , livre ebook

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Description

Un enfant qui a vécu sa jeunesse pendant la guerre d'Algérie avait la même naïveté, les mêmes joies et les mêmes chagrins que les autres enfants, mais il ressentait aussi des inquiétudes devant l'incapacité des « grandes personnes », fragilisées par leurs espoirs déçus et leurs chimères tragiques, à donner un sens cohérent « aux évènements ».

A ce témoignage innocent se joint celui de la découverte de la vie et de la réalité algériennes, par un « français de France », un candide essayant vainement de comprendre ce qui le révulse tant dans un pays si attachant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 février 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782332659767
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-65975-0

© Edilivre, 2014
Trois petites notes de musique


Trois petites notes de musique
Ont plié boutique
Au creux du souvenir
C’en est fini de leur tapage
Elles tournent la page
Et vont s’endormir
Mais un jour sans crier gare
Elles vous reviennent en mémoire
Toi, tu voulais oublier
Un petit air galvaudé
Dans les rues de l’été…
…Trois petites notes de musique
Qui vous font la nique
Du fond du souvenir
Lèvent un cruel rideau de scène
Sur mille et une peines
Qui ne veulent pas mourir.

Extrait « trois petites notes de musique ». Paroles : Henri Colpi – Musique : Georges Delerue


Un demi siècle depuis que l’Algérie m’a laissé de l’autre côté ; dépouillé de ma jeunesse, une moitié de vie restée là bas ; comme un trophée à un pays trop aimé pour l’avoir voulu. Il reste un plein d’images, de musique, une marée d’émotions avec ses vas et viens d’oublis et de déferlements ; un trésor inviolable mais sans héritiers. Mémoires d’un pays dont nous avions ouvert la porte pour le quitter, malheureux de ne pas avoir été compris, de ne pas avoir été retenus.
Pas déracinés, mutilés. Avec vibrante la sensation de l’absent, existence invisible de ce morceau coupé et perdu qui continue sa vie d’avant.
Condamnés à divaguer en perpétuelle lisière d’un fossé infranchissable, à cheminer de l’autre côté, en deçà d’une ligne bleue indépassable.
Là bas, sur le bord d’en face, s’éloignant toujours un peu plus, un enfant continue à me faire des signes, à hanter mon présent. Au milieu sont jetés sur une étendue immobile des souvenirs éparpillés, objets flottants dans le désordre d’un tri incertain et hasardeux.
Ils s’éloignent chaque jour d’avantage. Il est temps de ne pas les laisser disparaître.
1956 Echo d’Oran. Prix 15 Frs
1 er octobre : rentrée des classes
Cinq communistes écroués à Sidi Bel Abes pour incitation de militaires à la désobéissance.
Recherchons pour garçon douze ans une gouvernante française
Huit terroristes communistes arrêtés à Alger
Offre d’emploi : domestique européenne
Mr Dides, député demande la dissolution du PCF
Cent deux hors-la-loi tués en Kabylie
BIC rétractable à 75 F
Embuscade près de Chréa douze militaires tués
Terrorisme urbain grâce aux communistes
L’assurance automobile sera-t-elle obligatoire ?
Ben Bella : petit adjudant de l’armée française qui faillit devenir garde champêtre contraint avec Khider à atterrir à Alger
Huit français sont assassinés au Maroc
Cinéma Colisée : « Quai des illusions »
Football : l’ISM surclasse Aïn Temouchent avec les deux Bernardet, Ben Deliha, Brault, Ivkovic, Massacry, Abdelkader, Betous, Beverraggi, Pavilla, Fernandez
Série d’attentats contre des européens à Oran
Soixante européens tués à Meknes ; incidents fomentés par des Algériens
Situation alarmante au Maroc : soixante européens tués à Meknes. Ces incidents ont été fomentés par des Algériens
Guy Mollet : appel au cessez le feu ; égalité des citoyens ; collège unique
Les forces françaises et britanniques interviennent en Egypte aujourd’hui.
* *       *
Depuis deux ans l’Algérie dormait mal.
Dans l’attente du premier janvier, la fin décembre, ouvrait une trêve toujours bienvenue qui accompagnait vers son point final un cycle passé ; moment suspendu devant l’horizon si proche d’une année toute neuve de tous les possibles. Une renaissance espérée pour refuser le scepticisme, devant le délitement et la trahison des vœux précédents tombés de l’incantatoire vers la déception et l’oubli.
On s’accroche, à l’approche de l’an nouveau, à l’espoir d’un millésime prometteur, gommant par enchantement les déceptions et malheurs passés, insufflant l’énergie de la bonne résolution et l’optimisme de la détermination. Prière temporelle devant cette page blanche immaculée ; revoilà le temps des désirs, de la croyance séculaire à l’aube d’une année à venir : aux souhaits crédules, ceux qu’on proclame, ceux qu’on affiche et qu’on échange pour se soutenir et croire, un instant au moins, à l’ivresse de l’envolée vers le salut.
Depuis deux ans, saturés d’espoirs fallacieux renouant avec le cours de leur histoire passée, les grandes personnes restaient prudentes dans leurs illusions. Contradictoires, décevantes, les mauvaises nouvelles retardaient ce retour réconfortant au passé pour apaiser un avenir inquiétant.
De notre petite place, nous les gamins, subissions les adultes et leurs doutes. Ce qui leur tombait sur la tête, rebondissait sur les nôtres. Comme ils disaient, nous étions trop petits pour comprendre. Alors autant leur faire confiance et nous protéger de leurs doutes et de leur fragilité tendue.
Malgré leurs efforts pour cacher leurs premiers soucis, mes parents désarmés devant l’incertitude, restaient seuls avec leur désarroi. En ne comprenant pas ce qui leur arrivait de si injuste, ils révélaient des fissures que nous refusions de voir. Chacun d’eux à sa façon exorcisait sa peur du lendemain.
La radio accaparait l’attention et la disponibilité de mon père. De façon répétitive il passait en revue tous les soirs, depuis son retour du bureau, les stations françaises. Mal captées, celles-ci l’amenaient à rester assis et fléchi, oreille collée sur l’appareil, accentuant le caractère tendu des informations reçues.
Dans ces moments là nous observions un silence recueilli en évitant tout passage ou intrusion bruyante dans le salon où trônait le poste. Belle aubaine pour lui qui fuyait tout bricolage ou toute demande pour nous aider aux travaux de classe. Les soucis de l’actualité justifiaient son besoin de tranquillité.
Radio abandonnée, la lecture des journaux formait une nouvelle muraille aussi infranchissable. Ces deux sources, flots d’informations, ne provoquaient que peu de commentaires. Ah si une fois, devant un voisin, il avait parlé de deux portes ouvertes sur l’Algérie et qu’entre le Maroc et la Tunisie, nous ne pouvions que subir le courant d’air de deux voisins hostiles. Sans comprendre, ce dernier avait fait celui qui appréciait ; moi, rien. Trop compliqué de partager ce qui au fond les dépassait eux aussi.
L’étalage quotidien des journaux sur les crimes qui parcouraient le pays avait réveillé chez ma mère le besoin de partager ses peurs avec ses voisines. La perception de nos malheurs encore épisodiques, s’alourdissait de menaces lointaines plus sanguinaires ; le bled dégorgeait sa violence. Ces dames appréhendaient la contagion, celle qui pouvait nous atteindre demain, à tout moment. L’affliction commune devant ces dangers diffus et réels avait réussi à les rapprocher.
Leurs querelles, jalousies ou autres mesquineries, prospéraient encore mais cédaient doucement la place à une solidarité devant la peur du cours pris par les évènements ; les nôtres et ceux portés par les vents mauvais de l’information.
Peu rassurées elles finissaient par se quitter sur des propos d’indignation offusquée, celle de ne pas être aimés tels que nous le méritions. La sauvagerie des assassins et l’ingratitude de ceux qui les soutenaient engendraient une réprobation unanime ; elles rentraient chez elles comme autant de brebis dans leurs bergeries. Le loup ? mais nos fatmas ! qu’est ce qui prouve qu’elles vont pas se retourner contre nous ; vous avez vu à Alger c’est elles qui posent des bombes. Pas la mienne, je la connais trop et elle aime les Français, mais les autres, vous avez confiance ? Elles ont besoin de travailler ? oui mais ça suffit pas pour être tranquilles !
A cette perception martyrisée de leurs plaintes, et le désarroi qu’elle m’infligeait j’avais ma parade de protection ; tentatives de déni, recettes miracles, pour exorciser la frousse que me transmettaient les adultes. Le soir par temps de cafard et d’inexprimable chagrin, refusant toute consolation chez les autres, petits ou grands, je faisais résolument face à cet ennemi invisible, demeurant dans ma chambre prêt à l’affrontement. Pour briser l’encerclement d’un monde hostile, incompréhensible, et obtenir la disparition, fut elle fugace, d’une réalité pesante, je fermais les yeux très fort ; paupières écrasées sous mes poings serrés afin d’atteindre le noir absolu. Ne laissant plus monter que des vibrations lumineuses, sombre coupure d’un monde crépusculaire. Vaine tentative ; au bout de quelques minutes, patients mes repères m’attendaient, inchangés rendant futile mon espoir de voyager en se débarrassant de ce que je venais de quitter.
En retrouvant la lumière, déçu mais réconforté par cette petite ivresse passagère, je me consolais en retrouvant ma collection de petites voitures, mes soldats de plomb, mes livres, illustrés ou plus ennuyeux, mon cartable et mes affaires de classe. Rien n’avait ni bougé, ni changé et les bruits étouffés de la maison me confirmaient mon retour définitif. Le lendemain dans sa clarté, le jour me rendrait le sourire maternel de notre bonne.
Mes échecs répétitifs, l’inanité de ce rituel, entretenaient la certitude d’une conjuration. Celle du châtiment d’une conduite fautive, l’écart pêcheur du catéchisme, et celui d’un mauvais sort auquel on n’échappe pas. Ces évènements allaient nous avaler tous parce que nous n’étions pas innocents de leur présence envahissante. Aucune consolation ; même aveugles, nous ne pouvions échapper aux pesanteurs d’un monde qu’on ne voyait plus.
Cette réalité insistante, les adultes l’intériorisaient dans une sophistication maladroitement cachée. Elle rendait encore plus pathétique leur quête d’un avenir radieux. Cet espoir remis à plus tard, cette attente éternelle les persuadaient de l’injustice de la fatalité.
Pour moi, pas de délai supplémentaire, pas d’imprévu venant retarder mon entrée au

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