Pourquoi les larmes ont-elles le goût salé de la mère?
80 pages
Français

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Pourquoi les larmes ont-elles le goût salé de la mère? , livre ebook

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Description

Elle grandit auprès d’un père absent, d’une mère dépressive, et les marques d’amour se perdent dans la banalité de la vie. Sa quête d’affranchissement et de liberté la poussera à forger son propre destin. Grâce à quoi ? Au théâtre.
Dans ce roman à forte teneur autobiographique, touchant et inspirant, l’autrice fait preuve d’une remarquable force d’évocation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 septembre 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764445488
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même autrice
De corps, de chair et de cœur : ma vie et le théâtre , Presses de l’Université du Québec, 2016.
L’hiver de force, adaptation théâtrale , Collection Le manteau d’Arlequin – Théâtre français et du monde entier, Gallimard, 2002.



Projet dirigé par Danielle Laurin, directrice littéraire

Conception graphique : Damien Peron
Mise en pages : Marylène Plante-Germain
Révision linguistique : Sabrina Raymond et Flore Boucher
En couverture : Gracieuseté de l’autrice
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Pourquoi les larmes ont-elles le goût salé de la mère ? / Lorraine Pintal.
Noms : Pintal, Lorraine, auteur.
Collections : Collection III.
Description : Mention de collection : III
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20210056533 | Canadiana (livre numérique) 20210056541 | ISBN 9782764445464 |ISBN 9782764445471 (PDF) | ISBN 9782764445488 (EPUB)
Vedettes-matière : RVM : Pintal, Lorraine | RVM : Productrices et metteures en scène de théâtre—Québec (Province)—Biographies. | RVM : Actrices—Québec (Province)—Biographies. | RVMGF : Autobiographies.
Classification : LCC PN2308.P56 A3 2021 | CDD 792.02/5092—dc23

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2021

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2021.
quebec-amerique.com




À ma mère et ma fille Maude, les deux pôles de mon continent intime


Entrez en vous- même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez- vous à vous- même : mourriez- vous s’il vous était défendu d’écrire ?
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète


I- LA FILLE À SA MÈRE


JE SUIS NÉE ENTACHÉE
Je suis née entachée.
Tachée de naissance.
D’un côté, on me disait que c’était le doigt de Dieu qui avait tatoué mon sein droit de son empreinte éternelle ; de l’autre, que c’était l’ongle du diable qui avait gratté ma chair pour y enfouir sa bave sombre, indélébile.
Ma mère refusait de me donner le sein, de me laver, d’effleurer cette deuxième peau couverte de poils drus, rêches comme du crin de cheval.
Ma mère était une femme qui aimait que tout soit ordonné autour d’elle. Une épouse rangée, bien domestiquée.
Elle faisait du lavage tous les jours, même le dimanche.

Ce midi- là, son ventre enceint l’encombre, l’empêche d’atteindre la pile de vêtements entassés dans le creux de la machine d’un autre temps où il faut essorer le linge grâce à deux rouleaux qui menacent à tout moment d’avaler ses mains gercées, de les tordre, de les briser.
Un petit animal qui a élu domicile dans le sous- sol de la maison familiale tombe dans son corsage. Une minuscule souris à la peau craquelée, couverte de poils hirsutes.
Un cri à terroriser tout le voisinage.
Ma mère perd connaissance.
Elle s’éveille, la tête contre le béton froid et humide de la cave.
Cette situation cauchemardesque la hantera toute sa vie.

Docteur : L’accouchement s’est très bien déroulé. L’enfant pèse un bon dix livres. Votre femme a vécu la délivrance en un temps record : trois heures.
Père : Comment est- il ? Il se porte bien ?
Docteur : Il a en effet une petite queue.
Père : C’est un garçon ! Un vrai gars ! Enfin un gars ! Il est beau ? En santé ?
Docteur : Enfin… c’est- à- dire… La petite queue se trouve à un endroit que vous ne pouvez pas imaginer.
Père : Que voulez- vous dire ? Où peut se trouver une queue sinon là où elle doit être ?
Docteur : Elle la porte sur le sein droit.
Père : Elle ?
Docteur : Oui, elle ! Votre fille a une petite queue de souris tatouée sur le sein droit.
Au tour de mon père de perdre connaissance.
Il se réveille la tête contre le carrelage trop blanc de l’hôpital.

Ma mère a une peur bleue de me toucher pendant les six premiers mois de mon existence.
Je suis lavée par mon père, portée, bichonnée, veillée, soignée par lui.
Je suis une tachée de naissance.
Je suis une entachée.


LA MORT
Et la mort ? Qu’est- ce que c’est ?
Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés
Fille : Maman, pourquoi le corps disparaît dans la terre quand il meurt ?
Mère : Parce qu’il est mort. Parce qu’il ne sert plus à rien.
Fille : Maman, pourquoi les gens pleurent quand quelqu’un meurt ?
Mère : Parce qu’ils vont s’ennuyer de cette personne lorsqu’elle était vivante.
Fille : Maman, pourquoi les cheveux continuent d’allonger après la mort ?
Mère : Les cheveux n’allongent plus. Ils se dressent sur la tête des morts à force de voir les visages horrifiés qui surgissent devant eux.
Fille : Maman, pourquoi les ongles continuent de pousser même quand on est mort ?
Mère : Parce que les morts creusent la terre sans arrêt pour disparaître encore plus profondément dans le vide de ce qu’ils ont été.
Fille : Maman, les religieuses nous ont ordonné de faire nos prières le soir en imaginant que le lit devient cercueil, que la mort peut nous surprendre à tout moment, même au plus profond de nos rêves : je viendrai comme un voleur, a dit le Seigneur.
Ma mère garde un silence éternel. Sans mot, sans bruit, elle s’éloigne, s’assoit sur la chaise berçante qui se trouve dans la cuisine, face à la fenêtre. Elle tricote, elle tricote sans relâche, comme l’a fait sa mère quelques semaines plus tôt, nous équipant des plus longs foulards, des plus chaudes mitaines de toutes les couleurs pour affronter l’hiver qui approche.
Elle tricote et elle pleure.
Elle vient de perdre sa mère.
Mère est redevenue toute petite. Je vois une enfant qui pleure, avec dans les mains un tricot trop grand pour elle.
Ses cheveux allongent.
Ses ongles poussent.
Elle ferme les yeux et s’endort.


TU RESSEMBLES À UN CROCODILE
Mes sœurs et moi, nous nous préparons pour la fête de Pâques.
Chapeaux de paille qui volent dans la pièce comme des oiseaux de dentelles aux ailes faites de rubans bleu et or. Souliers vernis qui marchent tout seuls et vont dans tous les sens. Petits gants ajourés d’une blancheur immaculée laissant deviner la peau toute rose de nos mains encore enfantines.
Ma sœur aînée a eu droit à une robe toute neuve. Mère a défait, refait, cousu et recousu sa robe de l’année dernière pour en revêtir ma deuxième sœur, alors que j’hérite de la sienne un peu trop grande, pas assez ajustée, avec des manches bouffantes comme deux pamplemousses à la place des épaules. Tant pis ! J’ai une nouvelle crinoline qui m’attribue des airs de rat d’opéra. Ma deuxième sœur, dont le rêve est de devenir coiffeuse plus tard, confectionne deux petits lutins au- dessus de mes oreilles. Elle lisse soigneusement ma frange et prend garde à ne pas aplatir son œuvre quand elle dépose un chapeau sur ma tête.
Je dévale l’escalier qui mène à la chambre que nous occupons toutes les trois et me plante au milieu du salon, jambes écartées, bras triomphants. Comme à son habitude, Père est étendu de tout son long sur le divan vert et orange et ronfle à faire trembler les murs, ce qui me rassure car au moins, j’ai la preuve qu’il n’est pas mort.
Les cloches de l’église Saint- François, située juste en face de la maison familiale, nous invitent à

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