Pourquoi qu on vieillit ?
106 pages
Français

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Pourquoi qu'on vieillit ? , livre ebook

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Description

« Pourquoi qu’on vieillit ? » répétait maman. Elle qui ne s’était jamais posé de questions métaphysiques, voici qu’à la fin de sa vie elle s’étonnait comme une enfant de cette ultime injustice, être vieille. Bien qu’atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle mobilisait son énergie pour rester vivre chez elle le plus longtemps possible. Je l’ai regardée lutter, se laisser aller, nous en vouloir, être injuste, drôle et plaintive. J’ai éprouvé le besoin d’engranger ces moments partagés et si j’ai choisi souvent d’en sourire, l’émotion ou la tristesse ne sont jamais bien loin. Au fil de l’écriture, la vieille dame plaintive a laissé place à cette femme courageuse et finalement tellement touchante dans ce combat pour conserver la maîtrise sur sa vie. C’est l’image que je garderai d’elle grâce à ces pages.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332709028
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-70900-4

© Edilivre, 2014
Pourquoi qu’on vieillit ?
Pourquoi qu’on vieillit ? s’inquiétait maman plusieurs fois par jour. Elle qui ne s’était jamais posé de questions métaphysiques, voilà qu’à la fin de sa vie elle s’étonnait d’une chose à la fois si simple et si compliquée à comprendre et à accepter.
Beaucoup de proches éprouvent le besoin irrépressible de raconter l’Alzheimer, l’étrangeté, l’impossibilité de communiquer puis l’indicible, la folie, les visites à la maison de retraite, la mort lente et douloureuse. Les manifestations de la maladie sont parfois moins sombres, maman était atteinte d’une forme plus légère et sans doute plus courante, une démence sénile de type Alzheimer. Ce « pourquoi qu’on vieillit ? » traduisait bien son incompréhension et cette sensation qu’elle avait de mal vieillir. « Pourquoi qu’on vieillit ? » c’est peut-être alors aussi « pourquoi qu’on souffre ? » ou bien « A quoi ça sert ? »
Beaucoup de personnes âgées restent vivre longtemps à domicile. Dans le meilleur des cas, elles sont en couple et s’épaulent mutuellement. Souvent aussi, ce sont leurs enfants qui veillent au grain. J’ai regardé ma mère tout ce temps là, lutter, se laisser aller, perdre la tête, s’en vouloir, nous en vouloir, être injuste, drôle, incohérente et plaintive. C’était une évidence, il me fallait ce travail de l’écriture pour continuer encore un peu ma route avec elle.
Certains jours
Quand mon frère et moi avons compris ce qui arrivait à notre mère, quand le mot fatidique a été prononcé, notre préoccupation première fut de lui trouver un hébergement tant nous avions peur d’être dépassés par les évènements. L’image que nous avions de l’Alzheimer, comme celle qu’en ont la plupart des gens, était celle d’un vieillard désorienté, complètement dépendant et ne reconnaissant plus ses proches. Les choses ne se sont pas passées ainsi avec maman, elle souffrait d’une démence sénile de type Alzheimer. Ses troubles ont évolué lentement et elle a toujours gardée intacte son énergie vitale, celle que nous lui avons toujours connue. Mais au départ, nous ne le savions pas et lorsque les médecins ont posé ce diagnostic, il nous fallait prendre les choses en main. Nous pensions lui imposer notre volonté, elle ne s’est pas laissé faire. La maladie aurait pu lui dicter sa loi, elle ne s’en est pas laissé compter, reculant hiver après hiver l’échéance fatidique, celle du jour où elle devrait quitter définitivement cette maison, sa tranquillité, son nid.
J’ai cherché longtemps une manière de penser sa maladie et ses troubles de comportement, qui puisse me protéger, qui me permette de faire face sans en être trop touchée. Se taire, ronger son frein, penser à autre chose, rester patiente… toutes ces contraintes de chaque instant ne font que renforcer le côté pathétique de la chose et donnent envie de s’apitoyer sur soi-même. Se dire qu’on le supporte par devoir filial, ça n’est pas très glorieux. Je suis convaincue qu’en tant que proche ou aidant, il est important de subir le moins possible, de rester acteur et s’inventer sa propre stratégie, sa propre expression. La mienne s’est imposée d’elle-même, comme elle s’est imposée à moi lorsque j’avais 13 ans, 15 ans, dans mes carnets d’adolescente. Ecrire pour comprendre, écrire pour aimer, écrire pour se séparer. Ecrire comme on prend une photo, et nous voilà soudain avec une image que les émotions retouchent et affinent. Et déjà, ce travail nous rend plus sensibles et plus forts.
Mes arrêts sur image, ce fut, pendant 5 ou 6 ans, des phrases, des mots griffonnés chez elle ou dans les heures qui suivaient mon départ, des étonnements d’après coup. Au début, j’étais simplement curieuse de tenter de comprendre son univers pour ne pas trop m’éloigner d’elle. La maladie d’Alzheimer est terrible à vivre sans doute de l’intérieur du moins au début quand la conscience est encore là et que les facultés se dérobent, elle est aussi difficile à regarder, à entendre, à partager. C’est un continent étrange où il faut entrer les yeux et les oreilles grand ouverts, en restant curieux à chaque instant, comme on peut l’être parfois devant les découvertes d’un enfant, ou comme un ethnologue face aux rituels d’une peuplade inconnue. C’est le choix que j’ai fait en écrivant, et si j’ai pris le parti d’en sourire le plus souvent possible, c’est parce que l’humour impose la distance, et parce que les situations que les malades nous font partager deviennent parfois drôles à force d’être décalées.
Ecrire sur ma mère m’a aidée, pas pour accepter, la déchéance liée à l’Alzheimer est inacceptable, mais à prendre du recul et à changer un peu de regard. Au fil de l’écriture, la vieille dame plaintive et querelleuse a laissé la place à cette femme volontaire, énergique et finalement tellement touchante dans ce combat quotidien pour conserver la maîtrise sur sa vie. Et c’est l’image que je garderai d’elle grâce à ces pages. Elle a toujours lutté, à sa façon, sans tendresse pour elle-même, sans reconnaissance pour notre sollicitude. Elle était autoritaire, souvent injuste, exigeante avec elle-même et avec les autres. C’est sans doute ce qui l’a en partie protégée dans son rapport à la vieillesse et la maladie. Il a bien fallu qu’elle s’adapte, qu’elle trouve une stratégie pour se défendre. Etait ce de l’orgueil ou du déni ? Ou simplement la suite, puis la fin du chemin qu’elle avait toujours pris, celui où on va toujours de l’avant, où « on n’a pas les deux pieds dans le même sabot », et tant pis pour ceux qui restent sur le bas côté.
Face à l’impérieuse nécessité d’écrire, de revivre par l’écriture tous ces moments partagés, j’ai compris que j’avais encore un bout de chemin à faire avec ma mère, et qu’il me fallait une autre fin que celle de sa mort pour pouvoir définitivement me réconcilier avec elle.
Je pense que tous ces mots jetés à la va vite sur un post-it ou sur un bout d’enveloppe, puis rassemblés point par point comme un patchwork, étaient un effort inconscient pour me protéger de l’indifférence, de l’impuissance, de la douleur ou de la culpabilité. Elles ont été difficiles ces années là, ils ont été souvent pleins de larmes et de colère mes retours solitaires des dimanche soirs. Souvent, le souvenir d’un moment déroutant ou drôle que j’avais partagé avec maman pendant le week-end et l’idée que j’allais m’en saisir par l’écriture m’aidait à passer cette étape difficile du retour dans mon univers familier.
J’ai écrit aussi peut-être pour faire reculer l’inéluctable peur de vieillir de la même manière, l’angoisse qui me fait sauter le cœur dans la poitrine quand j’arrive dans une pièce en me demandant ce que je suis venue y chercher. Aujourd’hui, elle me nargue le temps d’une poignée de secondes, mais qu’en sera-t-il dans dix ans ? Il ne faut pas se laisser aller, je vais vivre à fond, bouger, m’intéresser à tout, aider, aimer, faire des projets. Il n’y a pas de fatalité, pas de malédiction à transporter comme un sac de plomb d’une génération à l’autre, c’est aussi ce message d’espoir que je veux laisser à mes enfants.
Il y a des parents d’enfants trisomiques, qui, plutôt que de pleurer sur leur sort, les appellent : « les enfants soleils, cadeaux de vie », et qui remercient le bon Dieu ou le hasard génétique de leur avoir donné cet enfant tendre, drôle, affectueux, et dont le bon sourire illumine la maisonnée. Il suffit de changer son regard et d’accepter l’illusion. Comme devant un tour de magie, quand on sait qu’il y a un truc, mais qu’on décide de se laisser avoir quand-même et de s’émerveiller.
Certains jours, j’y arrive.
Le développement durable
Dans la mouvance écologique, certaines personnes se lancent des défis qui paraissent insurmontables au commun des mortels : se passer de tout le superflu qu’apporte la société de consommation, pas de voiture et encore moins d’avion, pas d’électro-ménager, aucun produit élaboré ou industriel, pas de produit d’entretien, tri sélectif, compost, etc… J’ai vu le combat quotidien de ces militants, je ne sais pas s’ils tiennent toujours ou s’ils finissent par craquer. Ce serait dommage, car j’avais la solution : prendre pension chez ma mère.
Maman n’a aucun robot ménager à part l’aspirateur dont elle ne se sert pas, préférant pousser les saletés hors du tapis avec un balai brosse (qui n’a d’ailleurs presque plus de poils). La cafetière électrique a fini par rendre l’âme et n’a pas été remplacée, le café est passé « comme dans le temps ». Maman se chauffe grâce à sa cheminée, elle éteint la lumière dès qu’elle quitte la pièce même si elle en a pour quelques minutes. Il n’y a qu’une seule ampoule...

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