Pourquoi tu n as rien dit grand-père ?
154 pages
Français

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Pourquoi tu n'as rien dit grand-père ? , livre ebook

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Description

« Aujourd’hui, j’ai 94 ans. À tous, j’ai essayé de transmettre les règles qui font de vous un adulte : oser être soi-même, garder sa liberté de penser, ne pas avoir peur de la différence et surtout : aimer ! Eloi, le cadet de mes petits-fils et moi-même sommes tombés d’accord pour converser sur le mode des citations. Il y a mis une condition : que je sois sincère et que je me raconte à lui. Eloi est devenu mon biographe. Impertinent, sans insolence, je dirai qu’Eloi a été mon maïeuticien. »

À la lumière de l’histoire d’un grand-père prisonnier durant la seconde guerre mondiale, voici un grand récit empreint de philosophie, de psychologie, d’amour et de vérité. En s’appuyant sur ses archives, l’auteur a livré, disséqué et immortalisé la vie de ceux qui ont vécu cette époque trouble, afin que leur mémoire ne s’efface pas.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332752383
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-75236-9

© Edilivre, 2014
Remerciements
Merci à toutes celles et ceux qui m’ont donné la force de chercher.
Pourquoi t’as rien dit grand-père ?
 
 
Aujourd’hui, j’ai 94 ans. J’ai été aimé, je suis aimé, et je crois qu’après ma mort on m’aimera encore. J’ai trois enfants, huit petits-enfants : quatre petits-fils, quatre petites-filles. À tous, j’ai essayé de transmettre les quelques règles qui font de vous un adulte : oser être soi-même, garder sa liberté de penser, ne pas avoir peur de la différence et surtout aimer !
J’espère avoir eu plus de succès dans la transmission que je n’en ai eu à me les appliquer à moi-même. Cette année, avec Eloi, le dernier de mes petits-enfants, nous avons institué des retrouvailles hebdomadaires. Depuis sa naissance, Eloi pose des questions, avec ses yeux, ses mains, son corps. Il n’a de cesse de communiquer avec les adultes. Avec ses grands yeux noirs, ils nous scrutent, nous les adultes, nous poussent dans nos derniers retranchements, nous renvoient sur nos lignes arrières et tirent de nous le meilleur, notre « substantifique moelle ». Moi, je dévore les citations et m’en régale. Tant de philosophies en si peu de mots ! Nous sommes tombés d’accord, Eloi et moi, pour converser sur ce mode. Il y a mis une condition : que je sois sincère et que je me raconte à lui. C’était équitable, Eloi est devenu mon biographe.
Eloi est déroutant, il me parle comme un adulte et, soudain, me désarçonne par une question enfantine. Avec lui, je me sens libre. Il peut tout comprendre, il ne juge pas mais il distille la curiosité, il aiguillonne, il titille. Impertinent, sans insolence, je dirai qu’Eloi m’accouche.
Je ne sais combien de temps encore nous pourrons maintenir nos rencontres que l’on souhaite hebdomadaires mais je pense qu’il est temps de vous faire partager quelques-unes de ces conversations.
Ce mercredi 9 janvier était froid, très froid, le ciel bas, très bas. Nous avons commencé nos discussions autour d’un repas simple et roboratif : blanquette, salade, fromages. Eloi est un bon convive et pour mon âge je me défends encore pas mal malgré quelques désagréments physiques.
Grand-père : Par où commencer Eloi ?
Eloi : Ta naissance, ce serait un bon début !
GP : D’accord. Je suis né au siècle dernier, j’ai presque cent ans. Mon histoire risque d’être longue mon petit poussin…
E : J’ai tout mon temps, je viens juste de naître, moi.
GP : Alors… Je suis né en janvier 1919. Mon père est mort trois mois après ma naissance de la grippe espagnole. Je ne l’ai donc jamais connu mais on me l’a toujours présenté comme un héros.
E : C’est quoi la grippe espagnole ?
GP : Cela a été une épidémie, d’ailleurs plutôt pandémie, car elle s’est répandue dans presque tous les pays occidentaux et a fait 20 millions de morts. Comme tu le vois, cette grippe a été particulièrement méchante et contagieuse. On l’a appelée « grippe espagnole » car seule l’Espagne – non impliquée dans la Première Guerre mondiale – publia des informations sur cette épidémie. Les journaux français parlaient donc de la grippe espagnole qui faisait des ravages en Espagne. Il y eut deux pics d’épidémie : l’un de la mi-septembre à décembre 1918, l’autre de février à mai 1919. Mon père est mort début mai donc vraiment à la fin.
E : Pas de bol ton père, ce héros !
GP : Oui, comme tu dis. Papa était aviateur pendant la Première Guerre Mondiale et je crois qu’il fallait être un peu fou pour choisir de monter dans un avion à cette époque-là. Mais, finalement, c’est une épidémie qui l’a emporté et non un accident d’avion. C’est peut-être moins glorieux mais c’est comme cela.
E : Tu étais tout seul alors comme enfant ? Tu n’avais ni frère, ni sœur ?
GP : Eh bien non. Ma mère ne s’est jamais remise de la mort de papa et a toujours refusé de se remarier. Moi je crois que j’aurais bien aimé.
E : Tu n’aurais pas été jaloux ? Tu l’aurais bien partagé avec un autre homme, ta maman ?
GP : En toute honnêteté, je pense que oui. Tu sais, Eloi, toi tu as un frère, une sœur et même si quelquefois tu aimerais bien avoir tes parents rien que pour toi, il est très pesant d’être le seul objet d’attention, d’inquiétude de ses parents. Maman a toujours eu peur pour moi, de tout. J’étais couvé, je ne pouvais pas jouer avec mes copains dans la rue, je ne pouvais pas faire de sport.
E : Pourquoi ?
GP : Maman trouvait que le sport c’était dangereux, surtout ceux d’équipe. Curieusement, j’ai eu le droit de faire de l’équitation, qui est pourtant un des sports les plus dangereux que je connaisse. Je pense que c’était parce que son frère, Henri, sortait du Cadre Noir de Saumur. Mon oncle avait pris les choses en main, pour que je ne finisse pas en poule mouillée. C’était bien le seul à avoir eu un peu d’influence, je dirais même d’autorité, sur maman.
E : Tu faisais quoi de tes journées quand tu avais mon âge ?
GP : Travailler… ou faire semblant. J’étais plutôt du genre rêveur et paresseux. Je prenais de la distance par rapport à ma mère en m’évadant dans mes rêves.
E : Mais tu n’as pas fait d’études ?
GP : Si, bien sûr. Tu sais, à cette époque-là, on pouvait ne pas faire grand-chose jusqu’au bac et puis après on se réveillait. Moi, j’ai fait Sciences Po – mais maintenant il y a un concours très difficile à passer.
E : Ça veut dire quoi Sciences Po et tu en fais quoi ?
GP : Sciences Politiques… C’est vaste, c’est un peu tout et rien. Tu peux exercer plein de métiers différents et même en sortir sans le diplôme et te retrouver Président de la République…
E : Oui mais toi, tu voulais en faire quoi ?
GP : Moi je voulais partir au Maroc ou en Algérie et être administrateur des Colonies. C’est pour ça que j’ai été aux Langues O.
E : C’est quoi les « langues O » ?
GP : C’est une école qui s’appelle ENLOV (Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes) où tu apprends des langues un peu moins parlées chez nous, surtout à l’époque : arabe, chinois, russe… enfin, maintenant les études ont dû beaucoup changer.
E : Pourquoi tu voulais partir ?
GP : J’ai ma petite idée… mettre de la distance avec ma mère. Mais j’étais attiré aussi par les grands espaces et le sentiment de pouvoir être utile. Quand j’étais enfant, maman parlait toujours de l’Algérie, de Lyautey. Je voyais des photos de cavaliers dans le désert et je trouvais qu’ils avaient fière allure – un peu Lawrence d’Arabie – avec des tenues magnifiques. Pour moi, le cheval c’était la liberté, l’évasion et… la tendresse. Leur présence me rassurait, je leur confiais mes secrets. Tu sais, je me sentais très seul, élevé par une mère veuve, sans figure masculine à la maison. C’est vrai que les hommes, pendant cette période, entre la guerre et la grippe espagnole, devenaient une denrée rare !
E : Et c’était quoi le travail de l’administrateur des colonies, comme tu dis ?
GP : Tu représentais l’Etat français dans ses colonies. Tu te promenais toute la journée à cheval dans le bled et tu palabrais avec les administrés, en arabe.
E : Comme à Dieulefit, quand tu allais faire les courses et que tu passais ton temps chez les commerçants, que tu appelais « mon ami ».
GP : Exactement Eloi, tu vois, on ne change pas… mais justement, j’ai dû me rattraper après car les événements se sont déroulés autrement.
E : Tu peux me montrer une photo de toi sur un cheval ?
GP : Hélas non, car je ne suis pas parti. Tu sais, j’ai été mobilisé en 39 et je suis parti à la guerre.
E : C’est quoi être « mobilisé » ?
GP : La mobilisation, c’est le fait de rassembler des troupes et du matériel afin de préparer une guerre.
E : Mais tu avais quel âge ? Tu n’étais pas trop jeune ?
GP : Vingt ans. Tu sais, pour faire de la chair à canons comme on dit, les gouvernants ne nous trouvent jamais trop jeunes…
E : C’était quand même un peu du gâchis, non ? Tu avais déjà fait des études et tu pouvais avoir un bon travail.
GP : J’ai eu mon bac à 16 ans. À cette époque, tu sautais des classes sans aucun problème dès que tu n’étais pas trop bête.
E : En sautant, tu n’avais pas peur de t’exploser ?
GP : Ça c’est sûr que j’ai explosé, enfin plutôt mon char…
E : Un char ?
GP : Je faisais partie des unités motorisées de cavalerie et aussi curieux que cela puisse te paraître, j’étais dans un char.
E : Je veux bien te croire mais entre un char et un cheval, il y a quand même une petite différence !
GP : Oui, tu as raison Eloi, mais quelquefois, les chemins ne sont pas aussi faciles que cela à suivre. Je t’en parlerai une autre fois.
E : Grand-père, raconte-moi ton char. Ça a fait boum ? C’était comme un feu d’artifice ?
GP : Oui ça, tu peux le dire que ça a fait boum et le bouquet final était un peu spécial !
E : Pourquoi ?
GP : Parce que j’ai été fait prisonnier.
E : Raconte-moi. Comment tu as été fait prisonnier ?
GP : C’est une très longue histoire Eloi, et là je pense que tes parents vont venir te chercher… Mais Eloi, « la patience est l’art d’espérer » comme disait Luc de Vauvenargues.
E : Tu en as beaucoup des phrases comme ça, toutes faites ?
GP : Oui pas mal…
E : J’aimerais bien que tu m’en apprennes pour que je frime avec les copains.
GP. D’accord. On en reparle la prochaine fois mais cherche aussi de ton côté. Tu te rappelles : mercredi, dans 15 jours, on déjeune ensemble. Il ne faut pas perdre nos bonnes habitudes. J’aime bien déjeuner avec toi et le soir j’avale juste une soupe.
E : OK. Ciao grand-père.
 
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