Premiers pas
276 pages
Français

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Description

Premiers pas est une autobiographie écrite par une femme sur un épisode existentiel douloureux, l’abandon de son fils par son père. Dans cette histoire vraie est retracé le parcours d’un homme peu scrupuleux, père d’une autre famille, maniant promesses fallacieuses et espoir au mépris de ceux qu’il disait « aimer ». Face à cette manipulation masculine, la femme devenue mère, trouve un jour en elle la force de se soustraire à son emprise afin de construire plus sereinement deux vies en élevant seule son enfant. Entre portraits et évocations du métier d'enseignant, drame et humour, les traces laissées par Premiers pas ne sauraient laisser indifférent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 avril 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332626431
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-62641-7

© Edilivre, 2014
Citation


« Mme Brigitte voit faux : elle n’est pas pénétrée comme vous l’êtes et comme je le suis, de cette vérité que toute chair quoique blessée est sainte, et que le plus beau des mystères de dieu, en dépit du péché originel, est la naissance d’un petit enfant ».
François Mauriac, La Pharisienne.
A mon fils, Jean-Baptiste .
Première Partie
Chapitre I Bon-papa est mort…
J’ai quatre ans et demi, août 1979, je joue avec mon père aux petits chevaux. C’est un jeu fort ancien, son support carré est fait de bois et de carton ; à chaque écurie, au nombre de quatre, correspond une couleur différente : bleu, rouge, jaune, vert. Enfant, j’ai toujours eu une préférence pour le bleu, pas le rose, surtout pas le rose, laissant cela aux filles et revendiquant ainsi, à ma manière, mon côté garçon manqué, parfaitement assumé. Ce jeu est dans la famille depuis des générations. Des années après, j’ai regardé au dos cartonné, au crayon, il est écrit 1938. C’est la date de naissance de ma mère, il est peu probable qu’elle ait reçu ce cadeau pour son premier Noël. Certaines cases ont, pour ainsi dire vécu, partant elles sont effacées par ceux ayant joué à ce jeu avant. Dans cette famille méridionale, ma grand-mère maternelle prend soin de tout conserver. Rien ne se jette. Tout peut un jour servir ou resservir… Alors, on garde des objets, des tissus, des chaussures, même s’ils sont inutiles ou en fin de vie, ils viennent s’entasser déchirés, cassés, éculés, abandonnés. A cet effet, au dernier étage de la demeure, au grenier, se trouvent quatre pièces contiguës qui portent un nom d’ailleurs : la chambre des chiffons, des bouteilles, du linge, des meubles. Là, reposent des lits de camps, de vieilles armoires, des papiers, des livres, des comptes, des objets, des correspondances de six générations de vie. Au centre de cet espace, sur un palier, se trouve l’un des domaines privilégié de la grand-mère, dans ce puits de lumière trône une vieille machine à coudre à pédales. Activé par ses pieds, le mécanisme entraîne la courroie de cuir, dont le doux bruit constant a si souvent redonné vie, en le transformant, à ce qui n’était plus, promis à une mort certaine. De cet ensemble de chiffonnier gisant pêle-mêle, la grand-mère sait, elle seule, pouvoir partiellement le faire renaître, sous la forme d’un morceau de tissu venant masquer l’accroc d’un pantalon par exemple. Alors, elle ravaude, rafistole, coud et dans sa couture élabore des créations insolites, qui n’ont appartenu qu’à elle, comme prolonger des manches d’un pull-over à partir d’une autre pelote, différente de la couleur initiale du vêtement. Cette bigarrure ne la choque pas. En un mot elle adapte tout selon les besoins du moment pour surtout ne pas devoir acheter, verbe tant banni de son vocabulaire. Tu laisseras les choses chez le marchand… C’est un curieux musée que la maison de la grand-mère, chez elle, certains de ses lieux sont appréhendés de manière radicale et contrastée. D’un côté, à l’étage, l’obscurité et la poussière promises aux choses du passé , confinées dans ces pièces toujours fermées. De l’autre, l’escalier desservant les étages vers le rez-de-chaussée, là, c’est comme si la vie dans son ensemble s’exprimait plus largement, quand on pénètre dans le lieu, le plus sacré, son empire par excellence, la cuisine où rôtit et fume tranquillement la volaille innocente de son poulailler, sacrifiée aux papilles du palais. Jadis, univers autarcique, disparu pour l’éternité, réduit en cendres, poussière parmi la poussière des défunts, tu reposes maintenant, enfoui à jamais sous les pierres tombales, grisâtres, enseveli avec eux, dans cette terre natale et rocailleuse. Vos départs sonnent encore comme un grand vide. Séparés êtes-vous, pour toujours, les uns des autres comme les écuries des chevaux de l’enfance, délimitées comme un infime camp romain. Sur ce jeu populaire, séculaire figurent deux lignes perpendiculaires dessinées par des pastilles de couleurs différentes, les quatre pions doivent avoir parcouru l’ensemble des ronds colorés pour pouvoir espérer gagner , sans avoir été au préalable mangés par ses adversaires, ce qui vous renvoie derechef à l’écurie. Le premier joueur, qui a fait six avec son dé, peut débuter la course. Je voudrais bien l’engager cette partie, impatiente, j’en brûle ; mais la chance n’est pas là, alors, en mauvais joueuse parfois colérique, je triche et ce de différentes manières. Tantôt le dé est retourné sur la face escomptée, ce qui n’est pas le lancer, tantôt je le fais volontairement tomber par terre le ramenant triomphalement vers mes compagnons de jeu, lesquels ne sont pas dupes, après avoir dit avec un sourire et non sans mauvaise foi, j’ai fait six .
Ce soir-là, assise sur les genoux paternels, ma sœur aînée et mon frère ne sont pas là, c’est une soirée d’août comme toutes les autres, du moins c’est ce que je croyais. Curieusement, en cette saison, cette année, il a fait froid, si bien que mon grand-père a dû mettre sa gore ou le basque, sorte de béret en feutre bleu-marine, pour pouvoir effectuer sa promenade, peu avant la soirée. Ainsi l’homme élégant et distingué ressemble à un paysan. Là, soudain, alors qu’on joue, un cruel jeu se joue ailleurs, du salon retentit ce cri violent venu de la voix étrangement perçante de la sœur de ma grand-mère, appelant, scandant étrangement son prénom, recherchant le secours de son aînée : Marie-Louise, Marie-Louise . Avec mes parents, seule enfant dans la maison, ce soir-là, avec eux, je traverse le couloir sombre, laissé éteint comme toujours. Dans la précipitation, on court vers cet appel funeste. Ce danger, je le perçois confusément. Tous m’oublient, sans le vouloir, sans prendre conscience que je me réfugie derrière un fauteuil en cuir vieilli et craquelé, où rien n’échappe à mes yeux de petite fille. Grand-père est étendu par les soins de mon père sur le divan, il ne parle plus, de sa bouche écume cette bave immonde qui métamorphose, dégrade, avilit le visage si beau de cet homme. On oublie une sandalette à son pied, mon regard se porte sur elle, puis sur l’ensemble de son corps en proie aux torsions de la mort qui le broient déjà. Des gestes désordonnés s’ensuivent, on s’affole, on téléphone. J’accompagne maman qui attend l’ambulance dans la rue. Un médecin, c’est une femme, dit que l’on doit prendre une cuillère, pour ne pas qu’il avale sa langue. On le transporte sur un brancard, l’ambulance part dans la nuit, où résonne sa sirène bleutée, dans la rue. Dernier chant. De ma mémoire d’enfant, je ne vois que mes deux seuls parents agir. Ils m’ont oubliée, malgré eux, et j’ai tout vu : bave, raideur, sandalette laissée à son pied. Il nous quitte : première rencontre avec la mort.
Et enfant, revient souvent cette phrase, annoncée comme une nouvelle dont la gravité échappe, Bon-papa est mort, Bon-papa est mort.
Je n’ai jamais appelé mon grand-père en utilisant ce nom commun traditionnel, chez nous, un synonyme était utilisé. D’où vient cette expression usitée de tous : bon-papa ? Toujours est-il que cette manière de le nommer, lui allait plutôt bien, concentrant par-là sa douceur immense et sa discrète affection. De ma mémoire d’enfant demeurent seulement quelques vagues souvenirs de lui, des appréhensions, incertaines, mais de cette incertitude jaillit en outre une évidente lumière, flambée du souvenir et de l’espoir persistants. Quelques termes non exhaustifs résument cet homme : calme et apaisement, loin, bien loin du tourbillon familial féminin ne s’opposant jamais, le subissant toujours. Comme tout est confus, mêlé, évanescent, pour cheminer dans les méandres incertains de la mémoire, pour imprimer et graver ce visage, je dois regarder quelques photos de mon grand-père jeune ou vieux. Parmi les rares clichés de lui est conservée l’étonnante photo du mariage. Surprenante, car cette image des noces en noir et blanc révèle déjà un curieux contraste entre la mariée, ma grand-mère et toi, bon-papa.
Douceur, rugosité, élégance, rusticité, grandeur d’une taille mince et svelte, petitesse d’une autre particulièrement bien prise, beauté masculine, autre chose en elle faisant fi de toute coquetterie, nonchalance, tempérament décidé, à toi l’élégance dans la pose, à elle le geste sûr et décidé de la femme de la terre, à toi la mollesse qui étonne, à elle la vaillance, le travail manuel accompli sans cesse, à toi les écritures et la lecture, à elle les emportements et les colères, à toi le refuge du silence, à elle les corrections de l’enfance, quand d’un geste rapide, elle attrapait le martinet caché dans le recoin de son buffet, à toi le réconfort, à elle la santé solide, indestructible, à elle ce corps massif contre lequel la maladie n’a jamais livré aucun assaut, à toi la fragilité et l’approche d’une mort prématurée. Hélas ! Sur cette photo des noces, datant de 1928, Marie-Louise ne rit pas, toi, tu esquisses un sourire. Avec son attitude haute en couleur, avec son air martial, elle semble rentrer dans le mariage comme si elle partait à la guerre, toi tu te situes déjà à l’arrière, te refusant déjà à t’engager dans tout ce qui peut paraître particulièrement belliqueux, vindicatif. Si les corps sont à lire comme des parchemins, les vôtres en révèlent beaucoup sur deux personnalités a priori fort éloignées l’une de l’autre et pourtant unies en ce jour sacré de bonheur. Curieux couple. Mais…
Enfant, on voit le monde en tout petit et d’en bas. Dans ce champ de vision restreint, tout paraît pour ainsi dire disproportionné. Un jour, mon grand-père est encore en vie, ce sera un moment de furtive rév

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